Kubi : Critique / La Voie Du Sabre Émoussé

Réalisateur : Takeshi Kitano
Acteurs : Hidetoshi Nishijima, Ryō Kase, Tadanobu Asano, Takeshi Kitano
Genre : Guerre
Pays : Japon
Durée : 132 minutes
Année : 2023

Synopsis : Au 16ème siècle, le Japon est tourmenté par les conflits qui opposent des gouverneurs de province rivaux. Parmi eux, le seigneur Oda Nobunaga, déterminé à prendre la tête du pays, est en guerre contre plusieurs clans lorsque l’un de ses généraux, Araki Murashige, intente une rébellion avant de disparaître. Nobunaga réunit alors ses autres vassaux, dont Mitsuhide et Hideyoshi, et leur ordonne de capturer le fugitif Murashige, en leur promettant que « celui qui trime le plus deviendra son successeur ». Bien qu’ils ne partagent pas les mêmes opinions et stratagèmes, tous se retrouvent bientôt à la croisée des chemins, dont celui qui mène au temple Honno-ji où ils ont rendez-vous avec leur destin. Reste à savoir de quel côté leur tête va tomber…

Véritable double événement de l’année que le retour de Takeshi Kitano derrière la caméra, qui de plus, s’aventure pour la première fois dans la fresque historique, le film de sabre, le Japon féodal. En effet, six calendriers nous séparent de la dernière réalisation du cinéaste japonais et jamais nous n’aurions misé une piécette sur un film de ce genre, revisitant l’histoire de Oda Nobuga, haut seigneur japonais, et les relations tendues, conflictuelles, guerrières, avec les autres seigneurs, territoires, dans ce Japon morcelé en passe de connaître une unification par le biais de terrifiants jeux de pouvoir.

Surprenant sur le papier, Kitano place très rapidement son univers, active ses codes et ne se détourne à aucun moment de la pâte qui fait son cinéma. Ici, aucun yakuza à l’horizon, pourtant les seigneurs agissent de manière analogue, usant de stratagèmes douteux, violents, impitoyables, pour affirmer leurs pouvoirs et écraser les clans adverses, le tout dans une violence soutenue et constante, la proposition s’ouvrant sur un cadavre décapité où des crabes ont élu domicile dans la cavité qui servait de cou à ce soldat. L’image est forte, la dépouille des uns devient la demeure des autres, une dynastie parasite se dévoile.

Néanmoins, face à la barbarie visuelle, Kitano contrebalance de manière continue avec une humour acide omniprésent, un second degré portant les personnages vers des dimensions absurdes, ubuesques. Une dimension tellement appuyée dénaturant la fresque historique et nous conduisant dans un cinéma meta Kitano jusqu’à l’indigestion totale. Kubi part très rapidement en roue libre, le cinéaste prend le contrepied du cinéma de guerre féodale comme nous le connaissions chez Kurosawa, et semble ne pas savoir où mettre les pieds séquence après séquence. Un dessin hasardeux se profile, un croquis baveux, qui se perd entre scènes de décapitation, conversations impasses, et dominations entre seigneurs des armées jusqu’à la sexualité, le cinéaste actant avec lourdeur l’homosexualité des dirigeants et la volonté de l’un à enfiler l’autre, image trouble et particulièrement pénible.

Enfin sinnous espérions trouver dans cette épopée une certaine science du spectaculaire, Kubi se révèle être un film moche, dans ces lumières bleutées télévisuelles, et sa difficulté à nous propulser dans une époque. Nous percevons de manière assez équivoque que l’action est tournée de nos jours avec des acteurs affublés de costumes qu’ils ne comprennent et n’assimilent pas. Un constat qui est d’autant plus difficile lorsque les effets visuels paraissent sortir d’une série B, voir Z, lorsque la peau du crâne des acteurs « chauves » dévoile une couche de plastique non raccord avec la pigmentation de l’individu.. C’est un détail sur lequel il aurait été possible de passer si seulement le film avait su conserver notre intérêt, et nous faire oublier cette misère ambiante, néanmoins l’histoire se veut inintéressante et les défauts sautent à la rétine jusqu’à en devenir malade.

Avec Kubi, Takeshi Kitano qui se vantait de réaliser une épopée guerrière sans s’inspirer de Kurosawa, sans revoir les films emblématiques afin de faire naître sa propre vision, s’étale lamentablement là où ce pan de l’Histoire particulièrement violent et sans merci aurait sied à merveille à son cinéma, à son geste de cinéaste si particulier. Reste à savoir comment le film va parvenir à sortir de l’archipel nippon, et surtout qui prendra le risque de distribuer un tel naufrage, amusement libre de son auteur, doigt d’honneur sans limite, qui laisse pantois, le rire jaune figé et le triste souvenir d’un Kitano céleste et crasse où Violent Cop, L’Ete De Kikujiro ou encore Hana-Bi viennent nous supplier de pardonner.

Laisser un commentaire

Ici, Kino Wombat

Un espace de recherche, d’exploration, d’expérimentation, du cinéma sous toutes ses formes.
Une recherche d’oeuvres oubliées, de rétines perdues et de visions nouvelles se joue.
Voyages singuliers, parfois intimes, d’autres fois outranciers, souvent vibratoires et hypnotiques.
De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

Let’s connect