Achoura : Critique et Test Blu-Ray / Contes, Folklores Et Possessions

Synopsis : Jouant à se faire peur, quatre jeunes se rendent dans une demeure condamnée, réputée maudite. L’un d’eux disparaît dans des circonstances mystérieuses. Les trois survivants refoulent le souvenir de ce qui s’est passé, jusqu’à ce que Samir ne resurgisse 25 ans plus tard. La bande recomposée va devoir se confronter à son passé.

Réalisateur : Talal Selhami
Acteurs : Sofiia Manousha, Younes Bouab, Omar Lotfi, Iván González
Genre : Horreur
Pays : Maroc, France
Année : 2022
Durée : 90 minutes

Dans cette vague de titres marquant la fin de l’année 2022, Le Chat Qui Fume a eu des envies d’exotisme, la volonté de s’éloigner des terres cinégéniques habituelles pour découvrir de nouveaux créateurs, des oeuvres insoupçonnées, pour s’investir toujours plus dans son travail d’exhumateur vidéo tout comme dans sa nouvelle lubie de mettre en lumière des flammes naissantes.

Direction le Maroc avec le film de Talal Selhami, Achoura, aventure débutée en 2015 et sortie directement par chez nous en VOD au cours de l’année 2022, après un long parcours de festival en festival.
Un conte de croque-mitaine, d’enfants maudits, de terreurs enfouis et de regard dans l’obscurité, affrontements avec le passé, surprenant.

Achoura est proposé par l’éditeur français dans une très belle édition digipack au visuel attirant et plein de promesses.

L’article s’organisera en deux temps :

I) La critique de Achoura

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de Achoura

Entre cinéma grand public, populaire, qui ne dépasse que peu les frontières, et cinéma d’auteur, à destination des grands festivals, le cinéma marocain se fait rare sur nos écrans occidentaux, le cinéma marocain peine à se donner une image internationale, à ancrer des images sur nos rétines et reste assez souvent cantonné à des schémas répétitifs tant dans le fond que dans la forme.
Néanmoins, parfois, dans l’ombre, sans que personne ne soutienne le regard, apparaît de véritables curiosités, des silhouettes cinématographiques que nous n’attendions pas et c’est le cas du réalisateur Talal Selhami qui  a eu l’audace de travailler le cinéma fantastique, le cinéma d’horreur, dont est dépourvu le cinéma marocain, en venant tisser ses projections autour des mythes et histoires du pays.

De mémoire, avant Talal Selhami, nous n’avions que le timide Kandisha réalisé par Jérôme Cohen-Olivar qui ouvrait les portes du frisson.
Achoura est le second film de Talal Selhami, après un encore confidentiel et inédit Mirages pourtant produit par Nabil Ayouch, réalisateur de Much Loved.

Ce deuxième essai, célébré à Sitges,   nous porte au cœur d’un obscur conte, dans un interstice où les djinns hantent la pénombre, où en périphérie de nos existences modernes, de nos aveuglements, des malédictions, des présences extra-sensorielles viennent à subsister, et n’attendent que la nuit pour venir nous saisir, nous arracher à nos endormissements.  

C’est ainsi en modelant le folklore local, avec une culture du cinéma fantastique indéniable, nous pensons fortement à Ca, Martyrs, ou encore Sinister, que Talal Selhami réussit à créer un univers singulier, avec des idées glaçantes, véritablement effrayantes.
Pour nous saisir, créer un espace de terreur, le cinéaste joue sur les bordures, travaille la place des enfants, ouvrant une vision troublante, il ne recule jamais pour intégrer les jeunes acteurs face à l’horreur, quitte à même les museler avec un mors à cheval.

Les images renvoie des échos d’une frontalité déstabilisante, tissant un récit sur plusieurs temporalités, faisant s’affaisser progressivement la réalité dans le surnaturel avec une approche surréaliste, une étude autour de la mémoire tant des protagonistes que des espaces particulièrement judicieuse.
Il prend le pari d’une horreur historique verticale, forge dans le passé, le terreau pour piéger le présent et condamner l’avenir. Il ôte nos œillères pour proposer un grand huit à l’apparence simple, mais qui use de nombreux ressorts complexes croisant Histoire, contes et réalité, venant puiser les origines du mal dans les traumatismes de la guerre, dessinant les murs à la manière de buveur d’atrocités, canvas qui débordent et recrachent les traumatismes.
Alors certes Achoura a de très nombreuses qualités tant dans l’histoire originale proposée, que dans les mécanismes soulevés.
Cependant, cette seconde aventure pour le réalisateur laisse entrevoir des limites, très certainement dues au faible budget du film, et à la volonté de parfois vouloir trop en montrer.

D’une part, nous sommes en présence d’un jeu d’acteurs, pour les adultes du moins, très limité, nous peinons réellement à croire en leurs personnages tant l’interprétation vire à l’amateurisme. D’autre part, les effets visuels sont datés, alors que le film est encore tout jeune, et Achoura s’empêtre dans ce magma trouble avec son dernier acte, quittant le champ de l’invisible, des ressentis, pour nous montrer un univers visuellement imparfait, bien que la créature, croque-mitaine, reste intrigante, parvenant à soulever quelques-uns de nos poils.

Achoura est en cela un film sur les peurs infantiles, les traumatismes et cicatrices, conviant des esprits prédateurs dans nos réalités. La proposition travaille les contours cauchemardesques de l’humain et le caractère irréversible de l’horreur, orchestrant un chouette film d’ambiance se prenant les pieds dans le tapis dès la révélation des champs invisibles.
Certes Achoura est imparfait de par son casting, de par ses effets visuels, mais Achoura réussit son pari, créer la peur, ouvrir l’ombre pour nous emprisonner, nous ensorceler.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Image :

Le rendu visuel trouve ses limites dans la captation numérique des images, ayant une définition plutôt précise, une vraie proposition HD, mais qui reste assez plate, ne joue pas de profondeur et se trouve très vite dépassé par sa gestion des couleur et des contrastes.
Face à un film plutôt terne, volonté de tournage, la définition des noirs est assez approximative, posant de ce fait problème dans un film nocturne où l’horreur sort des ombres, de l’obscurité.

Alors si il est indéniable que nous sommes face à un master HD, répondant à certaines caractéristiques du format, nous sommes néanmoins réservés face à la précision des couleurs et profondeur des noirs.

Note image :

Note : 6.5 sur 10.

Son :

Deux pistes sonores sont proposées : Français DTS-HD MA 2.0 et 5.1.

Les pistes sonores qu’il s’agisse du format 5.1 ou 2.0 sont bien équilibrées, laissant chaque ligne respirer, n’écrasant jamais le master et permettant une vraie compréhension du film, venant nous chercher dans nos canapés.
Pour la piste 5.1, il est à noter que les scènes de frayeurs viennent nous enserrer, nous saisir pour créer une atmosphère particulièrement inquiétant usant de façon proportionnée les différents canaux.
Pour la piste 2.0, bien que très frontal, les ambiances réussissent à subsister, l’expérience est certes moins pénétrante mais de bonne facture.

Note Son :

Note : 8.5 sur 10.

Suppléments :

Le Chat Qui Fume a été particulièrement généreux en terme de contenus additionnels. Il boucle son édition à ras-bord venant parfaitement saisir les moindres recoins du film. Si vous vouliez en savoir plus sur Achoura et son réalisateur vous êtes servis, et de façon plus que copieuse.

Making-of d’Achoura (57 min) : Un véritable journal de bord qui reprend les lieux, les préparatifs de scènes, le jeu des acteurs et l’ambiance sur le plateau. Un document extrêmement riche qui donne de nouveaux axes, points de vue, sur les scènes. Génial.
• Documentaire sur la musique (5 min) : La musique particulièrement envoûtante d’Achoura est disséquée par Romain Paillot, donnant les clés de ce personnage invisible, renvoyant au champ du conte, qui est primordial dans la construction et le façonnement de l’intrigue. Le document croise les architectures pensées par le compositeur et l’accueil de l’oeuvre par Talal Selhami.
Interview des acteurs/actrices et monteur : Le Chat Qui Fume s’est donné les moyens pour saisir absolument tous les esprits et visages derrière Achoura. Trois suppléments en présence à la rencontre des acteurs et actrices, mais aussi du monteur. De Sofiia Manousha à Julie Fouré en passant par Lamia Chraïbi et Ivan Gonzalez, une mine d’informations s’ouvre à nous durant une heure.
Interview de Talal Selhami : Le réalisateur présente sa carrière, introduisant Mirages, dessinant le cinéma marocain et les modes de financement pour monter un projet tel qu’Achoura. Par la suite Talal Selhami offre une lecture assez complète, resitue à la fois la création et autopsie l’âme de son film. Un supplément-voyage donnant à voir le fonctionnement du cinéma au Maroc et ouvrant les coulisses de ce projet fou qu’est Achoura.
• Marche Ou Crève, La Genèse d’Achoura : Alors que l’on pensait tout connaître du film après ces heures d’entretien, le supplément en présence pousse plus loin les éléments exhumés durant l’entretien avec le cinéaste ou encore le making-of. Un supplément particulièrement agréable à découvrir.

• Film annonce

Note suppléments :

Note : 10 sur 10.

Avis général :

Achoura est un film de croque-mitaine, un conte de possession, plutôt réussi, parvenant à plusieurs reprises à saisir le spectateur de frissons.
L’édition que propose Le Chat Qui Fume est de bonne facture, comme souvent, ayant néanmoins du mal à fournir des noirs profnds au niveau de l’image, mais offrant des pistes sonores avec de belles dynamiques et surtout, clou du spectacle, une galerie de suppléments conséquente, fourmillant d’informations.

Note générale :

Note : 7 sur 10.

Pour découvrir Achoura en Blu-Ray :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/achoura
https://metalunastore.fr/products/achoura

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