Rock-A-Bye Baby : Critique / Les Corps Du Mâle

Synopsis : Un Vlogger est en train d’identifier le meurtrier qui a tué ses parents en reconstituant trois cas de meurtres choquants au Vietnam. Il trouve des points communs entre le cas de ses parents et ces trois sauvages assassinats.

Réalisateur : Lê Binh Giang
Genre : Thriller, Horreur
Pays : Vietnam
Année : 2023
Durée : 96 minutes
Bucheon International Fantastic Film Festival 2023

Première incursion du côté de chez Kino Wombat au Festival fantastique de Bucheon et pas des moindres car nous avons eu l’occasion de voir l’attendu et curieux Rock-a-bye Baby réalisé par Lê Bình Giang.
Le réalisateur vietnamien avait su faire parler de lui avec sa frontale et ultra violente roue libre KFC, qui suivait une bande de jeunes malfrats s’adonnant à des plaisirs de chair déviants.
Le film avait réussi à se faire une vraie petite réputation de cinéma sans concessions, sans limites, et Lê Binh Giang est devenu de ce fait un réalisateur d’horreur à suivre, un réalisateur vietnamien à surveiller pour le caractère irrévérencieux et extrême de son cinéma.

Rock-A-Bye Baby reprend la forme de KFC qui se disloquait complètement afin de compiler des séquences d’ultra violence, faisant fi du fond.
Dans ce nouvel essai, nous suivons un videaste amateur, qui se filme en direct, suivi par des milliers de regards, sur la piste d’anciens tueurs. Au fur et à mesure, des reconstitutions, des crimes, un motif se dessine le jeune passionné est à la recherche de ses parents, une seule bribe le traverse, une image d’enfance, de nourrisson, celui d’une femme se faisant décapiter. Les pistes suivies deviennent obsessionnelles, le jeune homme se glisse tant dans la peau des victimes que des bourreaux, une fascination morbide des origines, le fantasme d’être un enfant du mal, est en train de naître.

Croisant les formats, tantôt vertical, tel un smartphone, tantôt large, reprenant un format cinéma, Lê Binh Giang trouve sa dynamique en créant une sorte d’exercice au format anthologie d’horreur où le « youtubeur » n’est autre que notre présentateur, fil rouge, pour lier les mouvements du film.
Cependant, ce format d’anthologie se fait littéralement manger par cette trame raccord, ce lien vide astre amateur qui fait retomber les moindres mises en scène et rognant avec insistances les reconstitutions criminelles, n’offrant aucun contexte et seule la barbarie. Le cinéaste semble d’ailleurs avoir un profond problème avec la représentation des femmes, produit à dissoudre, et les hommes, bourreaux frustrés à cause des femmes. Au-delà de la lecture troublante nous sommes face à une réflexion réellement gênante.
En parlant de barbarie, de sauvagerie, le film ne décolle pas réellement, il faudra attendre les 15 minutes de clôture pour retrouver le caractère putassier, dans sa manière de distordre les corps, et provocateur, dans sa façon de représenter l’inacceptable, du réalisateur vietnamien.

L’ennui s’empare de nous, il est très difficile de suivre, de comprendre les personnages, un chaos, dégueulant de déjà-vus, s’orchestre. Le projet base son unique centre d’intérêt sur la reconstitution de meurtres qui ont secoués le Vietnam. Une démarche qui fatigue, qui n’intéresse pas et qui questionne sur la psyché du monde face à la fascination pour les tueurs, on pense lourdement au phénomène Dahmer, et la connaissance de leurs moindres faits et gestes jusqu’à la limite du transfert psychologique. Le réalisateur vietnamien fait très peu d’efforts en matière de mise en scène, ne s’est pas donné la peine d’un scénario et en matière d’insoutenable il semble ne pas réellement avoir la main, juste des idées saugrenues sans savoir-faire artistique.. nous sommes loin d’un Iskanov ou encore d’un Jorg Buttgereit.

Seul subrepticement dans ce long et fastidieux essai, qui aura certainement des affiches alléchantes avec des critiques téléphonées pour faire le buzz, les derniers instants, dernière mise à mort troublante qui s’envole vers un montage expérimental sur les ultimes images, rentrant dans la chair, à la rencontre des nourrissons, croisé avec des scènes d’accouchement, dans les liquides corporels, œuvrant contre toute atteinte une réflexion cellulaire sur la naissance du mal en chacun de nous. Sommes nous mauvais de nature où le devons nous par nos expériences ? N’attendez pas de parti pris, ce serait trop en demander intellectuellement pour le film que vient de pondre Lê Binh Giang.

Rock-A-Bye Baby n’est certes pas une berceuse, ou une ritournelle terrifiante, mais plutôt une œuvre en manque d’inspiration qui joue des formats pour tromper le vide, qui joue des situations, entre comique et putride, pour installer un malaise qui ne naîtra jamais. La maïeutique n’est pas le point fort du cinéaste vietnamien tout comme l’écriture et la mise en scène..

Mais alors qu’est reste-t-il à sauver ? Sa clôture hallucinée entre images d’archives et vision cellulaire. Définitivement, Lê Binh Giang a un talent qu’il n’a pas encore su digérer mais surtout diriger, préférant la provocation sans jamais s’engager.

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