An Amorous Woman Of Tang Dynasty : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Les derniers mois de la vie de Yu Hsuan Chi, prêtresse et poétesse taoïste, engagée dans un combat féministe qui parfois va la dépasser…

Réalisateur : Eddie Fong
Acteurs : Pat Ha, Alex Man, Chang Kuo-Chu, Lam Hoi-Ling, Poon Chun-Wai
Genre : Drame, Erotique, Wu xia pian
Pays : Hong-Kong
Date de sortie (salles) : 1 juin 1984 / Date de sortie (Blu-Ray/DVD) : 2022
Durée : 102 minutes

Il y a de cela quelques mois, Spectrum Films avait l’audace de s’enfoncer dans le cinéma en provenance de Hong-Kong étiqueté Catégorie III.
Une restriction qui visait à interdire toute une sélection de films aux moins de 18 ans.
Après Ebola Syndrome et Viva Erotica, regard sur une œuvre plus confidentielle de cette vague de cinéma, décrochant le sésame Catégorie III très certainement pour son érotisme et son cheminement de pensée révolutionnaire, libertaire.

L’article autour de An Amorous Woman Of Tang Dynasty s’articulera en deux temps :

I) La Critique de An Amorous Woman Of Tang Dynasty

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de An Amorous Woman Of Tang Dynasty

Se déroulant durant la dynastie Tang, époque allant du VIIe au Xe siècle après Jesus Christ, An Amorous Woman Of Tang Dynasty suit le chemin de la poétesse Yu Hsuan Chi, esprit libre de la Chine, dépassant les archétypes et souhaitant tracer une nouvelle voie, de nouveaux possibles pour les femmes à l’époque où ces dernières n’ont pas une grande diversité de rôles dans la société si ce n’est accompagner les hommes, et dans le cas où l’errance se fait, dans le cas où ellles ne trouvent pas leurs places, contrairement aux hommes pouvant devenir épéistes vagabonds, entre autres, les femmes se retrouvent face aux maisons closes. Il est à savoir que durant la dynastie Tang, un véritable questionnement s’est ouvert dans la société en promulguant Wu Zetian comme première, et unique, impératrice de l’Histoire chinoise.

Durant cette période prospère du pays, laissant du repos aux corps, permettant l’ouverture des esprits, Yu Hsuan Chi vit une existence singulière, multipliant les conquêtes et dépassant les carcans de la sexualité traditionnelle, accueillant hommes comme femmes dans sa couche.
On y suit les derniers mois de sa vie, la poétesse décédant à l’aube de la trentaine, à travers un parcours repoussant constamment les limites dans lesquelles les femmes sont contraintes de subsister.
De disciple taoïste à femme libre en passant par l’étape maison close pour finalement ouvrir sa propre institution afin de rendre les femmes indépendantes, le chemin de Yu Hsuan Chi est pour le moins surprenant. Elle place le critère de femme, d’individu, et donc de maître de son propre corps, de sa propre spiritualité, avant toute obligation sociétale, essayant de constamment délivrer les pensées impasses, de dépasser les murs internes, menant à prendre son destin en main, léger souffle qui de par sa répétition pourrait alors changer la doctrine étatique et sociale toute entière.

Amputé de près de sa moitié, le long-métrage d’Eddie Fong, sa première réalisation, parvient tout de même à trouver son équilibre, bien qu’évidemment certains raccords narratifs paraissent parfois légers, plus particulièrement pour une Histoire, qui, vu d’Occident, était totalement inconnue.
Il dresse le portrait de cette femme d’avant-garde, artiste à l’impact direct sur le monde, avec une intimité touchante, un regard humble qui ne propulse pas le personnage historique vers des strates héroïques, essayant plutôt de comprendre toute la complexité interne de l’individu, dévoilant Yu Hsuan Chi avec ses failles, ses violences, ses murailles apportant un véritable attachement au personnage, poussant le regard spectateur à intégrer le récit, échappant aux stériles biopics « empiriques », froids et barbants.
Eddie Fong touche à une vision parfois romantique, souvent romanesque et surtout humaine du personnage.

Le parti pris par le cinéaste reste troublant suivant cette maîtresse des mots et des images mentales, ne la montrant jamais véritablement à l’œuvre, préférant la suivre dans le réel, et distillant la poésie à travers le travail du cadre, de l’espace et de l’harmonie des gestes, des corps, des couleurs et des tissus.
C’est à travers l’agencement poétique du cadre, baignant Yu Hsuan Chi dans la poésie, que ce dernier vient infuser le personnage, un cheminement invisible parfois trop léger pour pleinement saisir les réflexions et les progressions mentales du personnage. Tout va très vite dans le développement et bien que nous prenions un plaisir certain à suivre ses pérégrinations, les péripéties sont bien trop anecdotiques pour impacter les personnages et donner la dynamique évolutive que propose le cinéaste.

Il y a à la fois le champ poétique, passant en grande partie par les corps et leurs représentations dans l’environnement, usant de manière extrêmement réussie des séquences érotiques, et le champ du grand spectacle, visant à capter l’attention, faire oublier le manque de structure et faussant l’appréciation, dans des combats surprenants, certes, mais n’aidant pas à faire progresser le film.
Néanmoins, malgré ces défauts, le film dégage un charme immense, fourmille de possibles, donne à rêver de son format long, qui devait avoisiner les 3 heures, et développe en arrière plan la société chinoise toute entière tant dans sa verticalité, des paysans à la bourgeoisie, leurs rapports distants et discriminatoire, entre domination et servitude, que dans son horizontalité, les rapports hommes-femmes dans les différentes strates sociales sociales, invitant à la perméabilité et se trouvant bien souvent pris dans l’effrayante tangibilité du réel. Le croisement de ces deux facteurs décuple la portée du film, dessine textures et reliefs, force et vie à la proposition.
Un constat terrible qui est bien plus qu’une analyse historique mais un pont entre la société d’il y a plusieurs siècles et la nôtre qui sur ses problématiques semble inchangée.

An Amourous Woman Of Tang Dynasty est à la fois un regard très juste sur la société chinoise, mais également occidentale, laissant les femmes cantonnées à des rôles outils, appui pour une société patriarcale, où l’esprit libre, celui de la poétesse, pousse à questionner, à faire évoluer cette geôle à travers un souffle libertaire, invisible mais réel.
Eddie Fong maîtrise plutôt bien son sujet, a une maîtrise du cadre stupéfiante, captant la rétine d’un bout à l’autre du récit, et qui sans aucun doute, dans sa version complète, aurait pu devenir une immense fresque tant historique que spirituelle. Car ce qu’il y a surtout à retenir du voyage, c’est la nécessité de s’approprier son individualité d’un point de vue tant spirituel qu’intellectuel afin d’être maître de son corps, de ses relations, de sa vie, ouvrir le champ de la liberté, celle de choisir d’être ce que l’on désire.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Image :

Le master proposé par Spectrum Films paraît déjà avoir vécu quelques années, tout en gardant un très bel ensemble.
De la sorte, certains plans semblent passés, un peu ternes, là où d’autres resplendissent, ainsi la colorimétrie ne semble pas toujours uniformisée, tout comme certaines séquences où le grain est incertain, porte la trace des appareils numériques ayant été utilisés pour la restauration.
Des variations qui ne sont néanmoins pas légions et qui laissent découvrir dans de bonnes conditions cette très belle curiosité qu’est An Amorous Woman Of Tang Dynasty.

Note : 7 sur 10.

Son :

Face au disque en présence, trois possibilités de découvrir le film : Cantonais 5.1 HD-Master, Mandarin 5.1 HD-Master, Cantonais 2.0 HD-Master.

Les versions 5.1 se valent au niveau des voix, et sont particulièrement claires, correctement balancées dans le mix ne prenant pas le dessus, sans pourtant jamais se mettre en retrait.
Néanmoins les pistes 5.1 n’ont de si nombreux canaux que pour flatter la fiche technique car l’ensemble est très frontal, et seuls quelques éléments éparses viennent en renfort de la scène arrière, faisant de la 5.1, une option extrêmement proche de la 2.0 qui est de bonne facture.
Hormis ce détail, tout sonne de manière bien définie, laissant les différentes lignes voix, bruitages et accompagnements orchestraux jouer de concert.

Note : 7.5 sur 10.

Suppléments :

Présentation du film par Arnaud Lanuque (14 minutes) :

Arnaud Lanuque introduit le film en faisant tout d’abord une présentation d’Eddie Fong, de scénariste à réalisateur, puis continue son récit de présentation en abordant l’industrie du cinéma à Hong-Kong, la catégorie III, la période historique traitée par le film et la poétesse Yu Hsuan Chi, le choix de l’actrice principale, l’influence japonaise du Pinku Eiga pour finir en abordant cette version réduite d’environ 80 minutes et de la version intégrale qui ne sortira certainement jamais de la cave de la Shaw Brothers.
Un supplément parfait à se mettre sous la dent avant de lancer le film.

Nouvelle interview d’Alex Man par Frédéric Ambroisine (34 minutes) :

Rencontre avec l’acteur incarnant Pok-Hau.
A travers des questions et interactions toujours très pertinentes de Frédéric Ambroisine, Alex Man revient sur sa carrière chez la Shaw Brothers et donne un éclairage au tournage de An Amorous Woman Of Tang Dynasty, film somme toute rare, do’t peu d’informations et de représentations ont traversé la temps.
Rien à redire, une mine d’informations.

Note : 8 sur 10.

Avis Général :

A notre grande surprise, nous nous jetions à l’aveugle sur ce titre de Spectrum Films, An Amorous Woman Of Tang Dynasty est un film particulièrement intrigant mettant le doigt sur une artiste méconnue, et travaillant la poésie non pas dans sa conception mais dans son ambiance, dans l’atmosphère dans laquelle elle naît entre érotisme, inégalités homme / femme et violence, ouvrant le regard sur un personnage aux idéaux féministes d’avant-garde forts.

Une édition qui est une exclusivité mondiale proposant certes un montage coupé, l’intégral étant inexistant à ce jour, et s’ouvrant à nous dans de bonnes conditions, avec un master daté mais qui parvient encore à charmer la rétine, avec des pistes sonores particulièrement frontales mais savamment équilibrées.

Une découverte à faire au plus vite.

Note : 7.5 sur 10.

Pour découvrir An Amorous Woman Of Tang Dynasty en Blu-Ray :
https://www.spectrumfilms.fr/meilleures-ventes/107-product-3770015571532.html

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