Le Cercle Infernal : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Londres – Un petit-déjeuner vire au drame dans la demeure du couple Lofting, lorsque Kate, leur fille, s’étouffe avec un morceau de pomme. Paniquée, Julia, la mère, tend un couteau à son mari, Magnus, afin qu’il effectue en urgence une trachéotomie. Devant son refus, elle tente l’opération, sans parvenir à sauver la petite fille. Traumatisée, Julia fait un séjour en clinique psychiatrique. À sa sortie, elle quitte Magnus et emménage dans une vieille maison victorienne. L’endroit est bientôt le théâtre de manifestations étranges. Plus tard, Julia apprend, lors d’une séance de spiritisme, que l’esprit d’un enfant hanterait les lieux. Serait-ce Kate, comme Julia en nourrit l’espoir ?

Réalisateur : Richard Loncraine
Acteurs : Mia Farrow, Tom Conti, Keir Dullea
Genre : Drame surnaturel, Horreur
Durée : 98 minutes
Année (salles) : 1977 / Année (Blu-Ray) : 2023
Pays : Royaume-Uni, Canada

Grand Prix 1978 du Festival d’Avoriaz, Le Cercle Infernal semblait avoir connu le même sort qu’un certain Next Of Kin, frappé de par son invisibilité et les très mauvaises conditions dans lesquelles on pouvait découvrir ce premier film de Richard Loncraine, le temps poussait années après années ce titre incontournable vers les oubliettes.

C’est seulement en ce début 2023, que la nouvelle semble avoir traversé le globe, Le Cercle Infernal restauré en 4K à partir du négatif original 35 mm. Les éditions sont alors très vite apparues sur les différents continents, dans les différents pays, et en France c’est Le Chat Qui Fume qui a eu l’honneur de couvrir cette sortie.

L’article autour de l’édition de Le Cercle Infernal se fera en deux temps :

I) La Critique de Le Cercle Infernal

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La Critique de Le Cercle Infernal

Lors d’un petit déjeuner, à Londres, dans le foyer de la famille Lofting, Kyle, fille unique ayant tout juste la dizaine, s’étouffe avec un quartier de pomme. Sous la panique, le couple se divise, la terreur du moment accentuant leurs traits de caractères. La mère tente tout pour sauver son enfant, enfonce sa main dans la trachée, cherche à déloger le morceau et va jusqu’à tenter une trachéotomie. Le père, quant à lui, essaie les premiers instants de suspendre la fille par les pieds, puis face à son impuissance habituelle, capitule et décide d’attendre les secours, alors que l’air vient à manquer dans le corps de sa fille. L’enfant meurt, la mère est recouverte de sang, la trachéotomie a été infructueuse, le père insensible.

Suite au tragique événement, Madame Lofting, interprétée par une Mia Farrow qui semble reprendre un rôle sensiblement identique à celui qu’elle occupait dans Rosemary’s Baby, est internée. A sa sortie, elle demande le divorce, s’échappe du joug de son mari, qui au-delà de vouloir sauver son mariage, veut sauver ces petites pièces, et part s’installer dans une grande bâtisse, située dans une banlieue excentrée. La nuit, le chauffage s’allume seul, des portes s’ouvrent, des lumières vacillent et une présence semble palpable bien qu’invisible. En enquêtant sur les lieux de sa nouvelle habitation elle découvre qu’une enfant est morte dans des conditions assez similaires à celles de Kate. Et si cette présence pouvait être sa fille ?

Sorti en France en 1977, le premier long-métrage de Richard Loncraine est un savant mélange des incontournables de l’époque quelque part entre Rosemary’s Baby, Ne Vous Retournez Pas et Suspiria. Le cinéaste est parvenu à saisir les trois atmosphères tout en s’en extirpant pour créer sa propre dynamique, une histoire de fantômes et de spiritisme, alliant fantastique et drame psychanalytique. Contrairement à ses modèles, Le Cercle Infernal n’avance pas au fur et à mesure de la pénétration du paranormal dans le récit, certes son intensité augmente mais ne révèle pas. Cette dimension s’installe comme élément déclencheur, une brèche pour explorer le passé, plonger au cœur des blessures enfouies. Un parcours qu’analyse le cinéaste d’une manière assez intrigante ouvrant tout d’abord les entrailles de l’esprit du personnage de Mia Farrow, interprétant le personnage à merveille, pour jouer de ricochets et révéler les secrets oubliés d’une bâtisse mais aussi l’histoire d’un quartier tout entier, faisant du sol où évoluent les personnages des territoires vibrants d’énergies à comprendre, à soigner.

La bâtisse module, semble vivre à travers le spectre qui la hante, tantôt gigantesque, tantôt appelant à la claustrophobie, créant un véritable dédale mental.
Le cinéaste soigne particulièrement les atmosphères se trouvant à l’entre-deux, interstice entre la vie et la mort, devenant un tournant dans l’histoire du cinéma de fantômes anglais. En usant de codes d’avant-guerre tout en travaillant les champs modernes, plus libres évasifs et abstraits, Loncraine trace une dynamique qui ne laisse aucun temps mort, qui ne cesse de faire travailler notre matière grise, nous invitant à devenir investigateurs, à entièrement intégrer le récit creusant et révélant l’inconfort.
Un sentiment de trouble qui pousse à chercher des réponses, à nous plonger dans l’obsessionnelle quête de Madame Lofting qui en ouvrant les lectures extra-sensorielles, à la recherche d’une trace de son enfant, vient à intégrer des tragédies connexes et soulever dans sa peine microcosmique un véritable désastre à l’échelle d’un quartier, si ce n’est d’une ville, si ce n’est d’un pays, si ce n’est même au-delà des frontières. Le mal en présence est tout en contraste, se meut de différentes peaux, travaille les dualismes au sein des individus, le balancier entre lumières et ténèbres, qui en remontant la piste d’un esprit oublié, se trouve face aux maux dissimulés, se mesure aux traumatismes de la Seconde Guerre Mondiale, que tous souhaitent oublier, enterrant toutes culpabilités, mais ne pouvant canaliser les mondes invisibles, les âmes en peine, les martyres qui ont vécu les sévices d’idées abandonnées et les spectres qui réclament leurs dûs.

Loncraine aborde le deuil, celui des parents, travaillant principalement le cas de la mère, bien qu’il offre une lecture très intéressante de la situation du père devenu hermétique s’accrochant au tout rationnel aux mondes tangibles, là où Madame Lofting dépasse de loin ces perceptions et par la porte des sentiments actionne ainsi à travers les différentes étapes de reconstructions, d’espoir, puis de doutes, d’anéantissement et de reconstructions, des failles éparses, des interstices par-delà le réel faisant entrer par capillarité le fantastique, le surnaturel comme échappatoire possible à l’âpreté d’une société du tout rationnel s’effondrant dans son aveuglement.
Le cheminement narratif des personnages est simple à suivre et bénéficie d’une mise en scène assez sobre, presque romanesque, où notre esprit est guidé tant par une pertinente et subtile organisation du montage, pour faire naître nos réflexions, que par une bande originale invitant tout autant le frisson que la curiosité.

Richard Loncraine, avec ce premier long-métrage, sa plus grande réussite à ce jour, signe un véritable coup de maître saisissant son époque, entre années de Guerre, néo-capitalisme et courants alternatifs, les mouvements de cinéma de son temps, quelque part entre Roeg, Argento et Polanski, et conçoit une histoire, se basant sur le texte de Peter Straub, au déroulé pour le moins habile revenant sur trois générations meurtries, analysant le mal et la douleur restées en suspens et ne parvenant pas, ne désirant plus, trouver la paix, et rendant désormais les coups à des vivants aveugles et prisonniers de leur réel, société inhibitrice, humanité en perte de ses sens.

Le Cercle Infernal est un incontournable du cinéma, qui avait disparu durant de longues années, hantant le regard du spectre dès sa scène d’ouverture d’une frontalité effrayante pour nous guider, à travers une investigation désarmante, vers des ailleurs fantomatiques, entre notre monde et l’au-delà, entre la reconstruction d’une mère endeuillée et la reconstituons des horreurs cachées depuis bien des générations.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Image :

Toute nouvelle restauration 4K, à partir du négatif original 35mm, faisant oublier de très anciennes éditions rendant le visionnage inconfortable et nuisant à l’appréciation de l’œuvre, Le Chat Qui Fume propose à la fois une édition que nous n’attendions plus et qui va bien au-delà de nos espérances.
Le master en présence a su conserver la texture argentique, l’image y est particulièrement vivante, riche en détails, réussissant dans ses contrastes à savamment porter un film avec des tons assez sombres en offrant une grande lisibilité, et où la palette de couleurs est assez fine ne venant jamais écorcher la rétine et jouant de merveilles avec les différents tons, laissant apparaître des gammes très appréciables.

De-ci, de-là, sur peut-être environ cinq plans, assez brefs, l’image est traversée d’un grain plus appuyée, mais cela reste des interstices du film qui s’oublient très vite, et qui n’empêchent pas de profiter pleinement de la restauration.

Note : 9 sur 10.

Son :

Deux pistes sont proposées :

Anglais 2.0 DTS-HD Master :
La piste en présence est stable, ne sature à aucun moment et offre de belles dynamiques. Nous sommes portés par la partition du film et les ambiances sonores, très en avant sur le mix, où les voix sont finalement quelque peu en retrait.
Si vous souhaitiez pleinement vous défaire des sous-titres et ne vous fier qu’aux paroles des interprètes, il s’agira de légèrement hausser pour éclaircir les phrases.

Français 2.0 DTS-HD Master :
N’ayant pas le charme de sa cousine anglaise, la piste française réalise tout de même un très beau rendu, perd certes les accents anglais, nécessaires pour porter les lieux, les atmosphères, mais n’est pas « pénalisé » par sa voix en retrait sur la section instrumentale, contrairement à la piste anglaise, au contraire, elle est légèrement au-dessus.

Note : 8 sur 10.

Suppléments :

Comme très souvent chez Le Chat Qui Fume, nous sommes cernés de suppléments, et ces derniers sont d’une qualité certaine, évitant les trop nombreuses répétitions et éclairant de nombreux point tant sur le récit que sur la conception de l’œuvre.

• LE CERCLE INFERNAL avec le réalisateur Richard Loncraine (26 minutes) :

S’ouvrant sur ses premiers souvenirs de cinéma, Richard Loncraine raconte son histoire de son enfance jusqu’à devenir réalisateur et les éléments de sa vie qui ont nourri Le Cercle Infernal.
Puis le cinéasterevient sur les conditions de la naissance du film, de la recherche de financement jusqu’à l’organisation du tournage, en passant sur le choix évident de Mia Farrow pour le rôle.
Loncraine de manière très didactique plonge dans l’architecture du film, de la direction d’acteurs à la musique utilisée, en passant par la mise en scène et ses doutes a posteriori. Ilprolonge le parcours de l’œuvre jusqu’à Avoriaz où le cinéaste ne comprend toujours pas son prix face à l’ignoré et désormais culte Eraserhead. Un supplément à ne surtout pas louper.


• BOUCLER LA BOUCLE avec l’acteur Tom Conti (11 minutes) :

L’acteur revient sur son souvenir du film, sur sa perception du tournage et la place que ce projet occupait à l’époque dans le paysage fantastique. De nombreuses anecdotes de tournage sont présentes.


• LA PEUR DE GRANDIR avec l’actrice Samantha Ward (10 minutes) :

L’actrice qui incarne la jeune fille fantomatique du film revient sur son parcours jusqu’au film de Loncraine et sa vision en tant qu’enfant du cinéma et plus particulièrement autour de ce rôle.
Sans être un travail profond, nous sommes face à un témoignage pour le moins touchant.


• LE FILM PERDU avec Simon Fitzjohn (22 minutes) :

Critique et historien du cinéma, Simon Fitzjohn a couru depuis plusieurs années derrières les droits du film pour espérer lui offrir une véritable renaissance.
Au cœur du supplément, Fitzjohn revient tout d’abord sur son souvenir du film, les éléments qui l’ont charmés et envoûtés lors de la découverte de la proposition, puis il revient plus en détail sur le long parcours de réhabilitation du film. Fascinant.


• NOUS TOURNONS EN ROND DANS LA NUIT, analyse du film par Vincent Capes (19 minutes) :

A travers un long diaporama de scènes du film, Vincent Capes, en voix off, soulève l’invisible, travaille les interprétations, croise les montages avec des peintures, auteurs et théoriciens pour toucher à l’âme même du film et porte ce dernier dans des espaces de réflexion extraordinaires.
Le supplément le plus réussi de cette édition, touchant à une certaine poésie.

Note : 10 sur 10.

Avis général :

La sortie de Le Cercle Infernal est un vrai petit miracle, et un nouveau sommet au sein du catalogue Le Chat Qui Fume, qui jusque là était loin des regards cinéphiles depuis de nombreuses années, décennies. Des copies de très mauvaises qualités trainaient de-ci, de-là.
Une œuvre autour du deuil et des mondes fantomatiques, quelque part entre les rétines d’Argento, Roeg et Polanski, qui nous porte dans son récit avec un savoir-faire indéniable, qui nous guide du réel aux mondes invisibles sans jamais que nous y prêtions véritablement attention, jusqu’à nous verrouiller dans ces univers cachés.

L’édition proposée est complète, et assez pointilleuse dans ses caractéristiques techniques, avec d’une part une excellente restauration du point de vuede l’image, qu’il s’agit du niveau de détails que de la palette toute en nuances, et un mix apportant une lecture claire et stable de l’espace sonore, bien qu’il faudra légèrement hausser, jouer de vos canaux, pour pleinement profiter des voix originales qui sont légèrement sous le mix instrumental.
Du côté des bonus, c’est une pluie de compléments qui s’additionne à cette belle édition, un véritable bonheur que de découvrir le film dans tous ses reliefs et latéralités.

Pour découvrir Le Cercle Infernal en Blu-Ray :

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