Shurik : Critique / Baba Yaga, Le Retour

Synopsis : Papa et maman laissent Shurik, leur fils de 4 ans, chez sa mystérieuse grand-mère.

Réalisateur : Alexandr Samsonov
Acteurs : Roza Khairullina, Ivan Turlakov, Igor Khripunov
Genre : Horreur
Durée : 12 minutes
Pays : Russie
COURT-METRANGE 2023

Les déplacements en couple ne sont plus aussi faciles dès lors que les enfants entrent dans l’équation.
Dans le cas de la famille que nous suivons, les parents ont vite fait de recontacter mamie, délaissée semble-t-il depuis quelques années, pour faire la nounou.
Seul hic, grand-mère a accentué tous ses traits qui effrayaient déjà son fils, entre mutisme et réponses incohérentes, l’acte de laisser le marmot commence à se flétrir. Dans le silence, la vieille dame s’approche de son petit-fils, et en un claquement de doigts la garde débute.
Le quotidien, dans l’étroit appartement vomissant de babioles en toutes sortes, est ponctué de longues sessions télévisions.
Une seule règle : l’interdiction formelle d’accéder à l’étage supérieur.
Bien évidemment, l’interdit stimule le jeune garçon, les portes s’ouvrent, les sentences tombent.
Mais qui est mamie ? Une sorcière ? Une déviante sénile ?

Premier court métrage de Alexandr Samsonov, tourné au format académique, Shurik se révèle tout d´abord être un ravissement visuel, à l’esthétique minutieuse et aux éclairages mystérieux.
Quelque part entre les fulgurances visuelles de Kantemir Balagov et l’inquiétant ésotérisme de Lucile Hadzihalilovic, nous évoluons dans une atmosphère qui capte tant l’attention que notre inconscient.
L’aventure Shurik entre le conte et la folk horror infuse progressivement en nous, porte nos esprits vers les ailleurs fantastiques et fait de nous des prisonniers de son cadre à l’entre-monde.

Dans sa manière de réveiller tant l’histoire familiale, sur trois générations, que les croyances oubliées, les traditions qui ont organisé tout un pays et sa population, de la sorcellerie aux pratiques manuelles, Samsonov chorégraphie cette valse, ce déséquilibre contrôlé, qui structure une véritable insécurité intérieure chez le spectateur, une sensation rare de cinéma qui apparaît dès les premières secondes de la proposition.
Le paranormal est omniprésent mais ne semble jamais surgir, nos échines se tendent, chaque marche de l’escalier devient un poidssupplémentaire, celui d’une malédiction à venir, de la révélation du monde des invisibles.
Des regards semblent omniprésents, nous nous sentons épiés, le moindre objet étant pris de vie, de servitude envers une vieille dame à la fois dépassée et avide du contrôle des corps, des esprits.

Dans cette tourbe mystique, qui nous conduit dans des véritables climats d’effroi, le cinéaste s’amuse à distiller un humour noir particulièrement grinçant, qui renforce tant notre tension que notre hypnose.
Le parcours est intense, sans fioritures et déjà il semble possible d’imaginer les possibles terreurs que Samsonov pourrait nous servir avec délectation à l’avenir.

Shurik est une lecture des contes de sorcières stupéfiante, ne réécrivant en rien l’entité même de la jeteuse de sort mais plongeant avec dévotion au cœur de cette ténébreuse personne qui derrière ses apparats séniles tient le monde dans le creux de ses surprenants envoûtements, dans ses rictus sentant bon la damnation.

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