The House (Skinamarink) : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Deux enfants se réveillent au milieu de la nuit pour découvrir que leurs parents ont disparu et que la maison s’est transformée en un labyrinthe cauchemardesque.

Réalisateur : Kyle Edward Ball
Acteurs :  Lucas Paul, Dali Rose Tetreault
Genre : Expérimental, Horreur
Pays : Canada
Date de sortie : Juillet 2023
Durée : 100 minutes

Véritable petit événement de l’année 2023, The House (Skinamarink) marque le passage de Kyle Edward Ball de créateur « web content » cauchemardesques à réalisateur de films pour le grand écran.
Le réalisateur canadien débute son aventure autour du cinéma de terreur avec sa chaîne Youtube, Bitesized Nightmares, où il met en scène les cauchemars de ses abonnés, jouant sur les codes du cinéma expérimental et un amour de l’esthétique retro.

Tout d’abord annoncé avec une sortie en salles, le petit miracle de cinéma à micro-budget, s’est évadé vers les plaines miraculeusement maudites de Shadowz et revient aujourd’hui avec une belle édition Blu-Ray que nous devons à ESC.

L’article autour de The House (Skinamarink) s’articulera en deux temps :

I) La critique de The House (Skinamarink)
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de The House (Skinamarink)

Kaylee et Kevin sont deux jeunes enfants vivants dans une maison typique de banlieue canadienne. Kevin, 4 ans, est somnambule. Une nuit, il se réveille, désorienté, va chercher sa sœur, leurs parents ont disparu.
Ils ne connaissent pas l’heure et commencent à attendre leurs parents comme si le soleil était sur le point de se lever.
Ils s’installent devant la télévision, mettent un dessin animé et jouent.
La nuit semble éternelle.
Autour d’eux, des murmures, des voix, les murs se meuvent, les fenêtres apparaissent et disparaissent, les toilettes sont changés par un simple seau, les portes se verrouillent.
Face à l’hypnose de l’écran, les enfants ne s’inquiètent pas tout de suite, laissent inconsciemment le piège se dessiner autour d’eux.
Est-ce un cauchemar ? S’agit d’une réalité alternative ? Sommes nous au cœur d’une terreur nocturne ? Qui sont leurs parents ? Qui est cette voix ? D’où vient-elle ?

Sous ses apparats de film d’horreur, quelque part entre Projet Blair Witch et Paranormal Activity, le premier long-métrage de Kyle Edward Ball s’éloigne de toute cette dimension sensationnaliste du cinéma d’épouvante, de tout schéma narratif convenu, préférant s’inspirer lointainement de l’atmosphère des Creepy pastas, œuvres littéraires fictives sur internet particulièrement effrayantes.
Il embrasse ainsi pleinement le cinéma expérimental et crée une œuvre au dispositif étonnant et hypnotique, dépassant les codes traditionnels pour plonger nos regards dans l’obscurité et nous laisser invoquer nos peurs les plus intimes.
De la sorte bien qu’utilisant une caméra numérique, devant tristement utiliser un filtre argentique faussement abîmé, le cinéaste joue des saturations, des fréquences spectrales et influe nos regards à travers les craquèlements de l’image, ses poussières, ses rayures et ses énergies vacillantes.
De cette distorsion face à la nuit, face à toutes ces particules en mouvement, Kyle Edward Ball se plait à venir décrocher le regard du récit et présenter le projet tel un miroir des fractures intimes du spectateur.
Un tour de force remarquable tant le film en n’étant qu’une succession de plans fixes réussit de par son atmosphère visuelle et sonore à réveiller ce que nous avions terré au fond de nos âmes.
L’expérience du film relève alors de la sensibilité de tout un chacun, de nos capacités à entrer en contact avec les mondes extra-sensoriels, à croire, à voir, à distinguer les signes et les formes dans le magma invisible mais constant qui nous porte.

Sous forme de dédales cauchemardesques, où la maison ne semble plus avoir de structures, dépassant les concepts rationnels, les deux enfants, nous, qui portons le regard, qui sommes la caméra, nous nous laissons encercler par des ténèbres qui progressivement dévorent la lumière, qui encerclent tout en se jouant de nous.
Des susurrements, des appels venant de l’étage puis de la cave séparent les enfants, les mettent à l’épreuve, les sanctionnent. Les jouets disparaissent, les uns après les autres, le dessin animé joue de variations définissant le spectre au cœur des ombres. La présence est indicible mais le sang bien présent.

C’est alors que nous nous questionnons sur l’histoire contée et nous remettons en question de quel côté du réel se situe le récit. Et si, depuis la première fenêtre dérobée, si depuis le réveil, nous n’étions déjà plus dans notre monde ? Et si par un murmure suivi nous avions pénétré dans l’antre d’un monstre ? Et si tout simplement nos parents se trouvaient bel et bien à la maison, à notre recherche, tandis que lentement nous nous faisions dévorer par nos songes obscures ?

The House est un film d’hypnose, où le rythme, d’une rare lenteur pour le sujet traité, les entités spectrales malveillantes, vient à canaliser notre regard sur des éléments fluctuants, des petits détails captant l’attention, là où, dans les territoires ombragés, la terreur nous appelle, silencieuse, par un fin jeu de piste, nous faisant passer d’un réel à l’autre, pour nous piéger, nous enfermer à jamais dans ces images, conçues par Kyle Edward Ball avec un soin particulier pour façonner l’au-delà tout en immobilismes et distorsions, comme un rituel venant d’un autre temps, celui de nos peurs intimes. Terrifiant.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Image :

Le projet même de Kyle Edward Ball va à l’encontre de la minutie, de l’image ultra détaillée. The House (Skinamarin avec son épais bruit visuel numérique, ses ajouts de grains pour aficionados de l’époque VHS, et ses multiples rayures pour donner à l’œuvre son caractère maudit, tangible, organique et lofi déboussole dans le cadre d’un test Blu-Ray autour de la qualité de l’image.

Il s’agit alors ici de jauger la qualité de l’expérience et il se trouve que le support Blu-Ray trouve le chemin idéal.
Il permet d’offrir une véritable profusion de grains, de mouvements dans les saturations, de variantes de couleurs dans les teintes bleutées et une stabilité incroyable lorsqu’il s’agit de définir les ténèbres, leurs profondeurs et ses caractères hallucinés.

L’expérience est totale et offre une vraie beauté acide au film.

Note : 10 sur 10.

Son :

Deux pistes sonores sont proposées, vost 5.1 et vf 5.1.

Le film est loin d’être bavard et le choix de la piste n’impacte que peu le voyage.
La proposition est véritablement hypnotique, enserrant de manière continue le spectateur en jouant de concerts avec tous les canaux jusqu’à mener son étau à un rare niveau d’oppression, à un rare niveau de paranoïa.

The House (Skinamarink) ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si il n’avait pas bénéficié d’une telle atmosphère sonore, d’une telle expérimentation que l’édition Blu-ray retransmet à merveille.

Note : 10 sur 10.

Suppléments :

ESC a fait un très bon travail en matière de suppléments avec un contenu d’une richesse surprenante :

  • Le cinéma d’horreur selon la culture internet par la youtubeuse Demoiselles D’Horreur :

Demoiselles D’Horreur introduit le premier long-métrage de Kyle Edward Ball par le prisme des créations vidéos sur internet et leurs grammaires. Des Backrooms aux creepypastas en passant par les vidéos expérimentales et l’écriture de récits participatifs, la spécialiste en cinéma d’horreur ouvre de beaux carcans à explorer, le tout avec une parole claire, des cheminements de pensées particulièrement intelligents et un amour du fantastique conséquent. Un contenu passionnant.

  • L’Horreur graphique par Simon Riaux, journaliste chez Sens Critique :

Le bien connu chroniqueur de chez Ecran Large et Sens Critique revient sur The House (Skinamarink) avec quelques redites du supplément orchestré par Demoiselles D’Horreur puis trouve sa dynamique en auscultant le travail spatial fascinant du cinéaste canadien, ses mécaniques, et voyage à la rencontre de la perception du monde et du temps à travers le regard d’enfants.

  • Commentaire audio de Kyle Edward Ball et Jamie McRae :

Quand vous aurez terminé de regarder The House (Skinamarink), des interrogations et mystères vous assiégeront, soyez en certains.
Ce commentaire audio aura de nombreuses clés pour guider votre regard mais aussi ouvrir de nouveaux couloirs et déambulations vers de nouveaux champs inconnus. A ne pas rater.

  • Bande-annonce

  • Menu alternatif caché :

Chez Kino Wombat nous ne sommes pas des rigolos et ne cherchons pas les menus alternatifs. Aventuriers tentez votre chance.

  • Un livret de 20 pages par Marc Toullec :

L’écrit de Marc Toullec se veut bien plus que complet.
Il introduit The House (Skinamarink) en partant de son étonnant budget et remonte toute la carrière de Kyle Edward Ball de la chaîne Youtube Bitesized Nightmares jusqu’à Skinamarink en passant Heck puis décrypte les regards enfantins, le travail autour du son et l’avenir du cinéaste.
Un petit écrit de référence pour ce début de carrière.

Note : 10 sur 10.

Avis général :

L’expérience The House (Skinamarink) relève de la sensibilité de tout un chacun, de nos capacités à entrer en contact avec les mondes extra-sensoriels, à croire, à voir, à distinguer les signes et les formes dans le magma invisible mais constant qui nous porte, celui du bruit de l’image, de la saturation de l’obscurité.
Le film de Kyle Edward Ball ouvre ainsi de nouveaux champs de terreur et cette édition Blu-Ray porte la proposition au sommet de ses capacités techniques tout en fournissant un prolongement dans ses suppléments d’une grande qualité avec des intervenants passionnés et des axes de lectures saisissants. Une édition exemplaire.

Note : 10 sur 10.

Pour découvrir The House (Skinamarink) en Blu-Ray :

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