Synopsis : Après s’être enfuie d’un centre jeunesse, Noémie se lie d’amitié avec un groupe de délinquants et tombe amoureuse d’un proxénète. Après avoir été convaincue par son nouvel amoureux que son mode de vie est sans danger, Noémie se retrouve à se prostituer et fait face aux conséquences du milieu de la prostitution.
| Réalisatrice : Geneviève Albert |
| Acteurs : Kelly Dépeault · Emi Chicoine · James-Edward Métayer · Maxime Gibeault · Myriam Debonville · Joanie Martel |
| Genre : Drame |
| Durée : 113 minutes |
| Pays : Canada |
| Date de sortie : 26 avril 2023 (salles) / 6 septembre 2023 (DVD |
Avec une sortie française, un peu plus tôt dans l’année, Noémie Dit oui avait su s’afficher, se faire connaître de par son retour par la presse et certains festivaliers chanceux. Et même avec cette sympathique médiatisation, promotion, la sortie de Noémie Dit Oui fut quelque peu dissimulée par d’autres plus grosses productions, à savoir Misanthrope et Beau Is Afraid, et s’est battu les salles restantes avec Mad God.
6000 entrées de cinéma plus tard, la seconde vie de Noémie Dit Oui se joue et c’est à travers son édition DVD aujourd’hui que nous avons l’honneur de découvrir le film de Geneviève Albert.
L’article s’organisera en deux temps :
I) La critique de Noémie Dit Oui
II) Les caractéristiques techniques de l’édition DVD
I) La Critique de Noémie Dit Oui
Un peu à l’aveugle, mais suivant des retours positifs, et un engouement grandissant pour le cinéma canadien à tendance francophone, Kino Wombat s’est aventuré du côté de Noémie Dit Oui, sans lecture de synopsis, sans véritable conscience de la thématique abordée.
A la réception de l’édition, une pensée nous traversa : « Oh non ! De nouveau un film sur les foyers adolescents. »
Après Dalva et Petites, ces derniers mois ont été assez fertiles sur la thématique et bien que modulant toujours leurs propos et angles d’attaque ces derniers restent bien souvent dans une dynamique similaire.
De ce fait, la découverte du film réalisé par Geneviève Albert se fit à reculons.
Et nous avions tort…
La mère de Noémie ne parvient plus à s’occuper d’elle, débordée par cette adolescente explosive, elle contacte les services d’aide pour l’épauler. La jeune fille est placée en foyer.
A ses 16 ans, la commission chargée d’estimer si Noémie peut retourner chez sa mère acte une décision positive.
C’est alors que sa parente rejette le verdict, refuse de retrouver le chaos et laisse Noémie entre les mains de l’institution.
De retour au centre jeunesse, Noémie fugue, elle s’échappe dans la nuit et part à la rencontre de Léa, ancienne pensionnaire de l’établissement ayant pris la fuite il y a quelques mois et subsistant dans les rues de la grande ville à travers d’étranges réseaux, rencontres et combines, dans l’attente de la majorité, dans l’attente de la liberté.
Le monde de la prostitution s’anime, se dévoile. Alors que le Grand Prix de Montréal approche, Léa propose à Noémie de travailler seulement pour trois jours durant l’événement. Quelques passes pour toucher le pactole et s’évader, oublier les ténèbres.

Le cinéma de Geneviève Albert se révèle être d’une précision et d’une maîtrise implacable.
Elle œuvre en dehors des sentiers battus, ouvre nos rétines aux bordures de l’adolescence, aux recoins terrifiants face auxquels nous préférons fermer les yeux.
Dans un crescendo continu, jusqu’à créer un sentiment tétanisant de répulsion chez le spectateur, la cinéaste sculpte son récit sans jamais se tourner vers le sentimentalisme et rejetant tout ressort misérabiliste. Elle fonce dans cette épaisse masse qu’est le réel et décortique, autopsie, analyse les êtres, leurs gestes et rapports.
Elle observe avec attention les glissements comportementaux des uns envers les autres, les relations qui se chevauchent, se défient, s’écrasent et s’exploitent, le tout dans un bouillon capitaliste qui régit absolument la moindre relation humaine, le moindre subrepticement de liberté.
En scindant sa narration en deux parties distinctes, la cinéaste orchestre dans un premier temps la construction des personnages et leur environnement, les mécanismes poussant à la prostitution et les pratiques nauséeuses utilisées par de jeunes proxénètes, puis dans un second temps, nous arrache à notre inconfort, notre malaise, pour plonger entièrement notre regard dans l’horreur absolue des passes. Au rythme de 12 relations par jour, au rythme du décompte des trois jours de Grand Prix, Geneviève Albert invite les hommes de Montréal, de tout âge, de tout milieu, à révéler leurs monstruosités, et à vivre le véritable calvaire de Noémie, prise en étau entre clients, proxénètes, rêve de liberté, peur de retourner au foyer et volonté de s’émanciper.

De la sorte, il est donné à voir la société toute entière, par le corps de la femme, le corps adolescent, et d’humer le fétide parfum, la rance, la crasse, les lieux en périphérie où la sauvagerie perdure, où elle est connue, distinguée et alimentée.
En esquivant l’aveuglement généralisé, la réalisatrice frappe un grand coup et touche un point essentiel face au sujet traité, celui de ne jamais érotiser les relations, celui d’utiliser la caméra pour atteindre le réel et le caractère abject de cette pratique : celle de réduire un être à son corps, à son sexe, à le transformer en objet, en entité marchande exploitable.
Avec Noémie Dit Oui, nous sommes loin des insupportables lectures du sujet que pouvaient proposer des œuvres comme Sleeping Beauty ou encore Jeune & Jolie, nous plongeons ici dans les plus sombres rapports humains, ceux guidés par l’esclavage des corps, leurs déshumanisations et leurs mises à profit.
L’éprouvante expérience qu’est Noémie Dit Oui fonctionne tout d’abord grâce au regard conscient et sans concession de sa réalisatrice, mais aussi par l’interprétation troublante de réalisme de Kelly Depeault.
Nous assistons à une performance totale, éprouvante et estomaquante d’une jeune actrice qui joue d’une intelligence émotionnelle hors du commun et vient nous faire oublier la fiction, nous faisant plonger dans un réel abrupte.
Noémie Dit Oui est une expérience de cinéma pénible, rude, éreintante, et cela non pas dans le mauvais sens du terme, mais bien plutôt comme proposition de cinema totale, qui ne laisse au spectateur aucun abris, si ce n’est la distance entre lui et l’écran et tisse un récit autour de la prostitution adolescente qui blesse, qui heurte, qui frappe, mais qui avant tout ouvre la conscience et pose le regard face aux terreurs sourdes qui planent au dessus de nos vies, de nos villes.
Kelly Depeault incarne ici Noémie avec maestria et réussit à porter à merveille ce personnage pensé par la cinéaste, et ce dans toutes ses latéralités.
Nous assistons à un événement rare, la naissance d’un film utile, la naissance d’un incontournable, non pas pour le septième art nécessairement, mais pour la société toute entière.
Ouvrez les yeux, explorez votre rétine et ne vous détournez plus de l’ombre dans laquelle les âmes errantes gisent.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition DVD
Image :
Film uniquement édité au format DVD, Noémie Dit Oui bénéficie d’une image qui est en-deçà du rendu HD mais qui réussit néanmoins à trouver une stabilité, à garder un piqué suffisant pour ne pas saturer mais assez révéler de détails afin de permettre un confort réel de visionnage, bien qu’il soit difficile de parler de « confort » face à un film tel que Noémie Dit Oui.
Du côté du contraste et de la colorimétrie, l’ensemble accompagne plutôt bien l’image et ses détails afin de ne pas trop appuyer sur les faiblesses du support.
Reste que les scènes de nuit appuient parfois beaucoup les noirs afin très certainement de cacher les difficultés, et occultent une partie des éléments visibles sur les contours de l’image.
Une honnête copie pour découvrir le film, stable et offrant un certain confort.
Cependant nous sommes loin des standards modernes où la HD a pris largement le dessus sur nos habitudes cinéphiles.
Son :
Une unique piste son 5.1 est proposée.
Elle est accompagnée d’un sous-titrage français, dans le cas où les accents et expressions de nos amis canadiens ne parviendraient pas à trouver chemin jusqu’à notre pavillon.
Le rendu sonore est vraiment bon, construit de très belles atmosphères, nous enserre dans son récit cauchemardesque et trouble profondément.
La spatialisation n’est pas d’une grande finesse mais utilise les différents canaux en ancrant un véritable effet sur le spectateur. Les différentes fréquences, voix, ambiance sonore et bande originale, trouvent une balance plus que correcte.
Suppléments :
Deux suppléments sont présents dans l’édition DVD de Noémie Dit Oui :
- Un livret avec une courte présentation du film et interview : En deux pages, la réalisatrice propose d’organiser ses pensées pour découvrir les intentions derrière la réalisation d’un tel film, s’ensuit deux rapides questions en compagnie de deux associations militantes pour protéger les mineurs face à la prostitution.
- Un entretien avec la réalisatrice : Un entretien extrêmement court mais d’un contenu incroyablement condensé. En tout juste quelques minutes, secondes, la cinéaste parvient à revenir sur les éléments forts, et livre quelques pistes de lecture. Très court mais à la qualité surprenante.

Avis général :
Avec Noémie Dit oui réalisé par Geneviève Albert, nous assistons à un événement rare, la naissance d’un film utile, la naissance d’un incontournable, non pas pour le septième art nécessairement, mais pour la société toute entière.
Wayna Pitch propose une édition DVD pour porter le film jusqu’à nos salons avec une image perfectible, ne tirant pas toutes les dynamiques du support à son avantage mais restant agréable, et un rendu sonore convaincant, jouant des différents canaux pour nous porter au coeur de l’oeuvre.
L’éditeur a néanmoins encore des difficultés à proposer des contenus supplémentaires plus fournis mais trouve dans la note d’intention de la réalisatrice une véritable matière pour porter le film.
Pour découvrir Noémie Dit Oui en DVD :


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