House : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Une lycéenne rend visite à sa tante malade en compagnie de six amies. Isolées dans une grande demeure perdue au milieu de nulle part, les jeunes filles assistent à d’inquiétants événements surnaturels une fois la nuit tombée.

Réalisateur : Nobuhiko Obayashi
Acteurs : Kimiko Ikegami, Yoko Minamida, Miki Jinbo
Genre : Horreur, Comédie, Expérimental
Pays : Japon
Durée : 87 minutes
Date de sortie (Japon) : 1977 / Date de sortie (France) : 28 juin 2023 / 7 novembre (Blu-Ray)

Attendu depuis belles lurettes, House réalisé par Nobuhiko Obayashi se dévoile et parcourt enfin l’hexagone 46 ans après sa sortie.
Le premier long-métrage du cinéaste, qui ouvrira une brèche dans laquelle vivent pleinement aujourd’hui des cinéastes tels que Hideo Nakata, Takashi Miike ou encore Sono Sion, est un concentré d’idées, un magma insondable d’où sort tout autant la culture vidéo internet, le milieu des poop videos, tout comme le cinéma moderne et très certainement à venir, dépassant allègrement le carcan de l’horreur pour dévoiler une rétine hallucinée.
En ce début novembre 2023, House a terminé son petit chemin en salles et vient explorer nos salons, espaces intimes, dans un très beau et travaillé futurepak, le tout bien évidemment en Blu-Ray.

L’article s’organisera en deux temps :

I) La critique de House
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de House

A la veille des grandes vacances, et en plein préparatifs, pour un voyage avec son père veuf, Belle apprend l’arrivée d’une nouvelle femme dans la vie de son paternel, comme précisé par papa « une seconde maman ».
Une nouvelle intolérable qui la pousse à annuler le voyage et partir avec ses copines.
Nouvelle destination accompagnée par un étrange chat, chez sa tante, propriétaire d’une immense bâtisse, où Belle compte bien découvrir des histoires sur sa mère, le tout entourée de ses meilleures amies. La nuit tombée les portes se referment, des têtes sortent des puits, des flots de sang inondent la vieille construction, le réel se déforme, le monde des yokai et des malédictions s’ouvre.

En matière de films étranges et hallucinés, House, premier long-métrage de son auteur, est en pôle position, se moquant très rapidement de son architecture, appuyant sur ses fondations grotesques jusqu’à l’absurde pour finalement s’amuser, expérimenter l’image et plonger dans une culture horrifique carnavalesque tout bonnement fascinante.
Les mots manquent pour décrire un tel spectacle, le déchirement entre cinéma bis et œuvre fantastique charnière est déroutant.
Il est inutile de vouloir saisir les informations présentes à l’écran, bienvenue dans l’image et ses variations, dans l’image et ses outrances, dans l’image et le cinéma. Car dans House il y a toute la puissance visuelle, les trouvailles et l’imaginaire qui faisait la magie de Méliès, surimpression, collages, gestes amplifiés et visions kaléidoscopiques.

Les sept jeunes femmes représentent chacune une caractéristique qui se reflète en général par leurs noms, une faculté qui fera avancer le récit ou bien sombrer l’équipée.
Ainsi il y a Belle pour la beauté, Mach pour l’estomac et donc la gourmandise ou encore Kung-Fu spécialiste en arts martiaux.
Dans cette configuration digne du club des 5, nous visitons chaque pièce de la maison, à la rencontre de nouvelles sciences occultes, à la découverte de nouveaux sorts, tous mis en scène de manières hypnotiques.
La proposition d’Obayashi ne laisse aucun temps mort et nous assomme d’une créativité qui estomaque, où l’on se demande quand est-ce que nous toucherons le sommet de cette montagne folle et hystérique.

Au cœur de ce grand huit hanté, avec notre recul de plusieurs décennie, on y remarque des motifs aujourd’hui incontournable dans le cinéma d’horreur.
Tout d’abord, il est impossible après la découverte de House de ne pas lier certaines séquences comme génitrices du cinéma de Hideo Nakata, avec Ring et Dark Waters, de l’univers de Takashi Shimizu, sa saga Ju-On, ou encore le cinéma acide et furieux de Takashi Miike.
D’ailleurs il serait assez malvenu de se limiter uniquement au cinéma japonais, tant la scène finale nous renvoie frontalement à un certain Evil Dead réalisé par Sam Raimi, tout comme à un autre ponte du genre Braindead de Peter Jackson.

House est une performance, un spectacle, un cabaret, une œuvre à la forme libre, ne répondant à presque aucune attente en terme de narration, qui marie comique, horreur et expérimental avec un savoir-faire fascinant.
Une histoire de malédiction, de maison hantée, somme toute assez ordinaire qui réussit la prouesse extraordinaire de se situer à mi-chemin d’un siècle de cinéma, célébrant la magie du septième art des débuts et offrant le croquis de plusieurs décennies de cinéma à venir.
Il ne reste plus qu’à partir à la découverte de cinéma d’Obayashi. Incroyable expérience.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Chez Kino Wombat, il y a toujours eu l’attrait pour le support physique, sa défense et sa reconnaissance face à un dématérialisé de plus en plus présent et instable.
Dans nos gargantuesques bibliothèques se trouvent de-ci, de-là, des films plus ou moins introuvables, parfois même oubliés.
Lorsque nous nous attardons sur les étagères, il est possible d’y trouver toutes sortes d’éditions, et jaquettes. Du boitier amaray conventionnel aux éditions pachydermiques (Metropolis, La jetée, William Klein…) ne répondant à aucune norme. Face à cette diversité, il aurait été difficile de ne pas remarquer l’engouement croissant pour les éditions steelbooks.
Des contenants « luxueux » qui n’ont jamais eu nos grâces, forme assez vulgaire, aux visuels putassiers, et finitions prétentieuses, à laquelle nous préférons allègrement les digipacks, produits de cœur, étui avec lesquels Potemkine a toujours excellé.
Pour la sortie de House, l’éditeur fait l’impasse sur le digipack et se lance autour de l’enveloppe de fer.
Un contenant de fer,certes, mais en aucun cas un steelbook. Le film d’Obayashi arrive en France avec un Futurepak, cousin du steelbook, aux matériaux plus épais, qualitatifs, mais présentant sur la tranche deux charnières.
Pour notre part, il faut reconnaître le travail ici effectué entre les gammes de couleurs obsédantes de cet étui luxueux et ses amusants reliefs.
Alors même si les fourreaux nous manquent, il faut reconnaître que ce House clinquant ravira les collectionneurs en quête d’objets singuliers, qu’il s’agisse du film comme de son édition.

Image :

Le master HD proposé par Potemkine est de très bonne facture, légèrement trop lumineuse, avec une stabilité remarquable, de fantastiques contrastes et un grain maîtrisé révélant de nombreux détails et conservant à merveille la texture de la pellicule.
Les couleurs, elles, respectent le regard d’Obayashi, conservent le caractère hallucinatoire de l’œuvre et viennent même gagner en puissance contrairement à ce que nous avions pu découvrir en salles, car oui, il y a bien des équipements chez les particuliers qui parviennent allègrement à damner le pion de certaines salles vieillissantes.

Note : 8.5 sur 10.

Son :

Une unique piste Japonais DTSHD-MA Dual mono est proposée.

Cette dernière plutôt stable ne touche pas le ravissement du master image, ne réalise pas la même prouesse en matière de rajeunissement. Bien que l’ensemble soit clair et correctement contrasté, il manque, à l’exception de la bande originale, des dynamiques dans les atmosphères et dialogues afin de creuser plus en profondeur la scène audio.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

Pour clôturer cette édition, Potemkine a su concevoir une heure et demi d’obsédants suppléments :

  • « House of Time » : interview inédite de Nobuhiko Obayashi par Stéphane du Mesnildot et Yves Montmayeur au festival de Tokyo 2017 (37′) :
    Une rencontre assez relaxante, le débit de parole d’Obayashi étant bien plus que posé, réfléchi, qui plonge au coeur de la vie du cinéaste et de ses souvenirs de cinéma, de tournage et des variations sociologiques, économiques et culturelles que le Japon a traversé.
    Un supplément touchant d’un réalisateur que nous découvrons à peine.
  • « House » vu par Stéphane du Mesnildot, spécialiste du cinéma japonais (2023, 24′) :
    Stéphane Du Mesnildot revient autour de House en tant que premier teen movie pop au Japon.
    Il resitue cette oeuvre autour du « printemps de la vie » au coeur d’un cinéma mondial mais aussi dans la culture nippone entre cinéma et manga horrifique.
    Nous percevons l’équilibre entre culture américaine, le teen movie, et toute la puissance créatrice et singulière, que l’on peut trouver au pays du soleil levant.
    En explorant l’histoire de House, le spécialiste aborde plus largement la carrière d’Obayashi et éveille un véritable intérêt dans la découverte de ce réalisateur incontournable et pourtant si rare.
  • « Maison truquée : les effets spéciaux de House » : analyse de Fabien Mauro, auteur de « Kaiju, envahisseurs & apocalypse » (2023, 29′) :
    Le supplément dont nous rêvions. Porté par la voix hypnotique de Fabien Mauro, l’auteur décrypte, séquences à l’appui, les effets spéciaux du film d’Obayashi. Une analyse très technique et atypique en matière de bonus.
    EXTRAORDINAIRE ! FONCEZ !
  • Bande-annonce

Note : 10 sur 10.

Avis général :

House est une oeuvre qui ne ressemble à aucune autre, une impasse narrative fourmillant d’expérimentations visuelles toutes aussi troublantes qu’obsédantes, portant nos regards jusqu’à l’ivresse d’images .
Le film d’Obayashi n’a pas fini de nourrir le cinéma mondial qu’il a déjà fortement accompagné. Les tiroirs sont encore nombreux à explorer et nos rétines ne cessent de rejouer les scènes hallucinées jusqu’à l’hypnose.
Potemkine pour découvrir le film propose un très bon master image et joue des coudes avec la piste son qui sur certaines fréquences saturent, révèlent l’âge du film.
Comme bien souvent chez l’éditeur, nous sommes invités à prolonger l’aventure avec des suppléments à la fois nombreux et surtout d’une rare pertinence.
Enfin, loin de notre amour amer pour les steelbook et futurepak, il est à noter que le travail du design de l’édition est d’excellente facture.
Une sortie incontournable.

Pour découvrir House en Blu-Ray :

Laisser un commentaire

Ici, Kino Wombat

Un espace de recherche, d’exploration, d’expérimentation, du cinéma sous toutes ses formes.
Une recherche d’oeuvres oubliées, de rétines perdues et de visions nouvelles se joue.
Voyages singuliers, parfois intimes, d’autres fois outranciers, souvent vibratoires et hypnotiques.
De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

Let’s connect