Manhattan Baby : Critique Et Test Blu-Ray

Synopsis : En Égypte – Alors qu’il explorait un tombeau inconnu dans une pyramide, l’archéologue George Hacker délivre accidentellement une entité maléfique. Son acte déclenche immédiatement une malédiction ayant pour effet de le rendre aveugle. Il rentre alors à New York avec son épouse Emily et sa fille Suzie, laquelle porte une étrange amulette, qu’une femme lui avait offerte avant de disparaître.

Réalisateur : Lucio Fulci
Acteurs : Christopher Connelly, Cinzia De Ponti, Carlo De Mejo
Genre :  Horreur
Durée : 89 minutes
Pays : Italie
Date de sortie : 1982 (salles) / Octobre 2023 (Blu-Ray)

Ces dernières années les éditions couvrant la filmographie de Lucio Fulci, essentiellement ses giallos et films d’horreur, ont fleuri de parts et d’autres en France, mais avec un véritable retard sur nos voisins anglo-saxons.
Cette fin d’année 2023 marque le début de la fin du chemin autour de la renaissance HD des œuvres du cinéaste italien.
D’un côté Le Chat Noir et Manhattan Baby chez Le Chat Qui Fume, de l’autre Murder Rock chez Artus Films.

Deuxième étape pour cette triplette de sorties, après Le Chat Noir Kino Wombat pointe son regard du côté de l’édition Blu-Ray de Manhattan Baby :

I) La critique de Manhattan Baby
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de Manhattan Baby

George Hacker, archélogue chevronné, se rend en Egypte accompagné de sa petite famille.
Il fait la découverte d’un ancien tombeau, un étrange lieu occulté depuis des siècles dans lequel en regardant de trop près un ornement, il se fait foudroyer puis perd la vue.
Non loin de là, alors que Monsieur Hacker se débat dans l’obscurité, un dédale de pierres aux sombres murmures, sa fille Suzie fait la rencontre d’une étrange vieille dame, qui la met en garde sur la place maudite des vivants sur le territoire des morts. Elle lui remet une amulette.
De retour à New-York, des événements paranormaux débutent.
Autour de Suzie, mort et souffrance se dessinent. L’enfant est méconnaissable.
Un portail s’est ouvert entre le tombeau violé en plein coeur de déserts égyptiens et la fourmillante jungle urbaine new-yorkaise. Le ver est dans le fruit.

Ce Fulci du début des années 80, en plein New-York, est le premier virage vers la fin de carrière difficile du cinéaste italien.
Cependant, Manhattan Baby n’ est pas pour autant un naufrage. Tout comme L’Eventreur De New-York, réalisé la même année, il s’agit ici d’une création expérimentant un dangereux jeu d’équilibriste entre gouffre, les films à venir, et miracles, réalisations passées. Un jeu d’alchimiste infuse, entre giallo, thriller surnaturel et horreur frontale.

Tout comme Dario Argento qui une décennie plus tard tournera Trauma en dehors de son Europe natale, Lucio Fulci a du mal à créer une dimension vraisemblable, plausible. Les secrets du vieux continent, la connaissance de ses pierres et pourrissements, les impacts du temps et régimes politiques consécutifs, qui habituellement inondent insidieusement le cadre, ne sont plus là pour porter le film. La réalisation sonne fausse.
Une situation très certainement due à la difficulté de capter les États-Unis et plus particulièrement la modernité tant humaine qu’architecturale de la grosse pomme, son histoire derrière les artifices tout simplement.
Le cinéaste conçoit alors des personnages proche du fantasme européen autour des problématiques et rythmes de vie états-uniens.
Fulci tombe rapidement dans le factice, tissant alors un background instable et morcelé sur lequel le récit ne parvient pas à trouver son équilibre.

L’histoire, en elle-même, de momie et possession, aurait très bien pu porter le film mais ce qui cloche chez Manhattan Baby c’est donc la non-maîtrise de son environnement, cela avait été également le cas avec L’Enfer Des Zombies qui se rattrapait cependant par son approche jusqu’au-boutiste, gore-guignolesque.
Néanmoins, la situation n’avait pas été similaire pour Fulci en Nouvelle-Orléans avec Frayeurs et L’Au-dela, où le réalisateur avait réussi à trouver des similitudes, des chemins de traverse dans ce territoire de l’Oncle Sam, loin des buildings, et travaillant encore dans des decorums du passé, avec une histoire ancrée à disséquer, à révéler, prolongement d’horreurs européennes.

Mais halte ! Manhattan Baby n’est pas pour autant un mauvais film, et bien que tout comme L’Eventreur de New-York il possède des faiblesses, il renferme cependant encore l’ADN du cinéaste.
Ses réflexions sur la mort, l’au-delà et les mondes invisibles qui se télescopent sur nos perceptions du réel cruellement limitées sont bien présentes. Il est impossible de ne pas ressentir les ingénieuses idées, l’inventivité et les prolongements de lecture possibles.
On reconnaît la patte du réalisateur apportant son savoir-faire, sa frontalité et son esthétique macabre. Le sang coule et la poésie erre. Les sables inondent les chambres innocentes, porte d’entrée idéale pour le pourrissement collectif, la chute de toute une civilisation.
Des temples antiques aux monolithes de béton, les vibrations traversent le temps et l’espace et créent ces couloirs entre les mondes, sentiers qui étaient condamnés, et déversent aujourd’hui rance, mal originel et terreur organique.

Dans ce monde relié par les malédictions oubliées, il est difficile de ne pas voir une reprise assez marquante du film de Friedkin, L’Exorciste, où Pazuzu s’invitait dans la ville. Finalement l’histoire est sensiblement la même, une divinité malveillante hantant l’innocence de nos petites têtes blondes pour mieux nous ronger.
Bien que les similitudes entre les deux films soient flagrantes, il est intrigant de voir comme Fulci s’est emparé du cinéma moderne américain. Quelque part entre L’Exorciste et Poltergeist, il crée une proposition dans un interstice entre aventure et horreur. Il parviet à faire renaître le spectre lointain du cinéma de momie, fait jaillir dans nos cortex des passerelles avec le film de Karl Freund.
Une atmosphère digne d’un Indiana Jones plane sur l’introduction.
Ici, Fulci ne plonge pas dans les ténèbres, mais s’empare d’un cinéma dynamique, œuvrant sur la rythmique pour combler les errances.
Il donne à chaque séquence le goût de la curiosité, de la volonté d’en savoir plus pour toujours mieux se damner.
Là où généralement il y a la volonté de sortir du cauchemar, Manhattan Baby aiguise nos désirs de profondeurs.
Une tentation qui n’est pas uniquement liée au travail du cinéaste italien, ce dernier ayant du mal à lier les séquences, mais principalement grâce à l’accompagnement musical de Fabio Frizzi qui fait oublier les manquements, joue d’hypnose.

Manhattan Baby est cette œuvre de fin de carrière, où les fulgurances manquent, où l’écriture se perd, où le génie s’envole, mais qui réussit en travaillant les motifs passés et les préoccupations cinématographiques contemporaines, le cinéma de possession, à traverser le temps et devenir une curieuse œuvre bis repetitae agréable, intrigante et peut-être même obsédante dans ses brisures, d’une certaine manière.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Le design de l’édition de Manhattan Baby, digipack trois volets comme toujours luxueux, a été réalisé par Frédéric Domont.
Le visuel avant reprend la sublime affiche du film et l’arrière s’organise d’une manière similaire aux autres éditions digipack de l’éditeur.
Concernant la tranche, le titre ressort à merveille au milieu de la collection et attire particulièrement le regard.
Les volets intérieurs réorganisent certaines séquences du film, ces dernières réunies par un visuel sur le panneau central autour de l’amulette maudite. Le choix des visuels, tant à l’avant qu’à l’arrière des volets, amplifient le désir de découvrir le film.
Comme toujours un somptueux travail, qui hisse encore une fois Le Chat Qui Fume au sommet des éditeurs hexagonaux.

Image :

Solide master image qui bien que montrant des limites sur son générique d’introduction se révèle finalement d’un très bon niveau.
Le piqué vient à révéler certaines astuces de maquillage limites d’effets visuels, de très nombreux détails apparaissent et la profondeur de champ est conséquente. Le tout croisé à une colorimétrie appuyée, sans jamais dénaturer, donne une belle dynamique aux cadrages. Les contrastes, quant à eux sont contrôlés avec minutie apportant une stabilité conséquente. Du beau travail.

Note : 8 sur 10.

Son :

VOSTF DTS-HD MA 2.0 :
Une proposition honnête qui n’est pas miraculeuse pour autant. La piste est claire, bien équilibrée, les différentes fréquences et hauteurs ne se cannibalisent pas, ne se distordent pas. Voix, pistes musicales de Frizzi et environnement sonore s’équilibrent la plupart du temps. Reste qu’aux moins très chargés la voix s’aplanit quelque peu et perd de sa dynamique.

VF DTS-HD MA 2.0 :
La piste VF, en dehors de son doublage guignolesque desservant le film, est plutôt stable, avec des voix plus en avant sur la scène et perdant l’équilibre de la VO gardant néanmoins une belle dynamique dans les dialogues.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

  • « Fulci for Fake »: Fiction virant au documentaire où l’on suit un acteur devant incarner le cinéaste. L’acteur dans ses recherches laisse la place aux interviews, rencontres qui dessinent le Lucio Fulci, à la rencontre d’un spectre, de ses blessures et son parcours de cinéaste difficile et tardivement reconnu. Le format est étrange, déroutant, mais le foisonnement d’informations fascinant.
  • Mourir deux fois à New York avec l’actrice Cinzia de Ponti : Retour sur l’expérience de Cinzia De Ponti, figure incontournable du bis italien des années 80, autour de son travail à deux reprises à NewYork avec Lucio Fulci pour Manhattan Baby et L’Eventreur De New York. Intéressant, le supplément ouvre le regard sur le cinéma italien d’exploitation italien des années 80, post-filone.
  • Bande-annonce

Et comme nous sommes des enfants pourris gâtés, et toujours frustrés, nous aurions rêvé voir l’édition toucher les sommets en proposant la création musicale de Fabio Frizzi sur CD.

Note : 9 sur 10.

Avis général :

Manhattan Baby est un film mineur dans la filmographie de Lucio Fulci, une intrigante hybridation de ses motifs passés, jouant sur les attentes du cinéma américain, en terme de films de possession, et réussissant néanmoins à atteindre un certain degré d’hypnose de par la partition obsédante de Fabio Frizzi.
L’édition proposée par Le Chat Qui Fume est une fois de plus remarquable.
Tant du côté de l’image que du son l’expérience est très réussie, renvoyant à des expériences proches de nos souvenirs de l’édition Blue Underground.
Du côté des suppléments, l’éditeur a eu la bonne idée d’inclure le documentaire Fulci For Fake. Un incontournable pour tout admirateur du cinéaste italien.
Fulci Boys, Fulci Girls, C’EST POUR VOUS.

Note : 8 sur 10.

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De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

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