Synopsis : Pour fêter son dix-septième anniversaire, Mari, accompagnée d’une amie, décide de se procurer de la marijuana. Lorsqu’un jeune marginal, Junior, se propose de leur en procurer, elles acceptent, ne se doutant pas que le dealer fait partie d’une bande de sadiques meurtriers emmenés par le terrifiant Krug. Leur calvaire va bientôt commencer.
| Réalisateurs : Wes Craven |
| Genre : Horreur |
| Durée : 84 minutes |
| Date de sortie : 1972 (salles) / Février 2024 (coffret Blu-Ray) |
| Pays : Etats-Unis |
Bien qu’aujourd’hui La Dernière Maison Sur La Gauche soit un incontournable du cinéma mondial, il aura fallu de nombreuses années, décennies avant que ce dernier ne parvienne à occuper la place qui lui était réservée pour le public français, contrairement à ses contemporains horrifiques que sont L’Exorciste, Massacre à La Tronçonneuse, Vendredi 13 ou encore Halloween.
Tout d’abord entre sa sortie américaine, lors de séances drive-in, et son circuit salles dans l’hexagone, il y a un fossé de dix années.
Une décennie qui aura laissé découvrir les héritiers avant les origines.
Le Rape And Revenge, tel que nous le connaissons avec ses codes modernes outranciers, perversion de La Source de Bergman, provient en grande partie de l’œuvre de Craven mais aussi de la proposition de Bo Arne Vibenius, Crime à Froid.
Deux sorties qui avec le temps ont été plus ou moins éclipsées, vivotant dans l’ombre, mais qui sont les piliers centraux de tout un territoire du septième art, un dépassement qui résonne bien plus loin que les champs horrifiques.
Une vibration qui sonde l’âme humaine et ses abjectes bordures.
Cependant, à la sortie française du film, le genre du rape and revenge avait déjà dégénéré dans un magma d’œuvres vulgaires et sombrait dans des surenchères toujours plus crasses.
Actuellement, bon nombre d’œuvres ont d’ailleurs dépassé la violence visuelle du film originel, bon nombre de créations ont atteint des paroxysmes d’ignominie.
Mais… fort heureusement, La Dernière Maison Sur La Gauche a bien plus à offrir en terme de cinéma que la plupart de ses successeurs, un regard terrifiant sur les États-Unis et le début du lent mais irréversible déclin du mouvement Flower Power, une plongée dans le chaos d’un système pourrissant.
La création de Craven est la cave puante de l’oncle Sam, un espace qu’ESC nous propose de découvrir pour la première fois en France en HD avec un coffret 3 disques du plus bel effet.
L’article s’organisera en deux temps :
I) La critique de La Dernière Maison Sur La Gauche
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
I) La critique de La Dernière Maison Sur La Gauche
Pour fêter son anniversaire, Mari, issue d’une famille aisée installée en plein cœur de la forêt, se rend en ville avec son amie Phyllis pour assister à un concert.
En périphérie des Grands Boulevards, dans les recoins déshérités, Phyllis convainc Mari de partir à la recherche de Marijuana, pour pimenter la soirée.
Dans leur quête, elles tombent sur Junior qui va les mener droit à un piège, les guider jusque dans les mains de Krug et sa bande de sadiques.
La nuit s’éternise, les jeunes femmes sont conduites en pleine forêt, humiliées, torturées, laissées pour mortes.
La bande de loubards, ayant crashé le véhicule devant les mener dans l’Etat voisin se réfugie dans la maison la plus proche, celle des parents de Mari.
Réalisé en 1972 par Wes Craven, scénarisé par Sean S.Cunningham, le film fait partie de ce sursaut sauvage et barbare du cinéma d’exploitation sur les terres de l’oncle Sam.
Aux côtés de La Nuit Des Morts-Vivants, Halloween, Massacre À La Tronçonneuse et Driller Killer, La Dernière Maison Sur La Gauche marque la naissance de nouveaux cinéastes, pionniers en leur genre, prenant racine dans des territoires éloignés d’Hollywood, sans budget mais avec une hargne hors du commun. Elles sont l’expression d’une colère et d’une société en plein chaos. Le grondement derrière le nauséeux rêve vanté sans jamais discontinuer, la fissure qui révèle l’envers du décor.
Cette première réalisation de Wes Craven, de moins de 100.000 dollars, est une création sauvage qui s’est écrit sur le tas avec des acteurs non professionnels et des performers softcore, parfois hardcore. Rempli d’imperfections, de cadrages bancales et de montages étranges, le cinéaste s’amuse énormément à expérimenter, à tenter de jouer des différentes dynamiques à sa portée embarquant tout autant dans un spectacle crasse cacophonique que dans une œuvre mélancolique distordue fascinante.
On trouve d’ailleurs de nombreuses passerelles entre la proposition de Craven et le chef d’œuvre de Tobe Hooper à venir, Massacre à La Tronçonneuse, tant dans la représentation des marges que dans l’accès à des Etats-Unis muets, invisibilisés, aux hurlements sourds.

Cunningham et Craven construisent alors leur film de viol et vengeance à travers une toile fascinante, où les personnages traversants font entrer le réel, où les personnages traversants définissent la société qu’il s’agisse des policiers à la ramasse jusqu’aux hippies qui jonchent les routes en passant par les descendants de la Manson family et jeunes rongés par la drogue.
Ils parviennent à écrire une narration grinçante qui vacille entre terreur et farce. Un choix surprenant qui rend l’œuvre particulièrement déstabilisante nous faisant passer du calvaire des jeunes femmes, accompagnées de sonorités expérimentales anxiogènes, aux péripéties de policiers à la ramasse rappelant les Marx Brothers, accompagnés par une musique country carnavalesque rappelant tout autant le Délivrance de Boorman que les accompagnements burlesques du cinéma muet. Il y a cet écho à tout une histoire du cinéma états-uniens, tout comme le fera également Romero dans Zombie, en intégrant dans l’horreur une surprenante bataille de tarte à la crème.
Les lames taillent la chair, le mal contamine le bien, il n’y a plus que les ténèbres. Le monde n’est plus que violence où les autorités sont dépassées, où les citoyens se mettent à assurer leur propre défense.
Un far west terrifiant renaît, la loi du plus fort est instaurée, le courant des vigilante movies tressaillit.
Il y a dans ce premier essai de Wes Craven une énergie nihiliste terrifiante, un traitement rugueux, quasi-documentaire, qui observe la fragile structure sur laquelle toute une civilisation s’active aveuglément et joue à montrer les craquelures, les ombres invasives, la nature primaire des hommes, celle de la domination, de l’anéantissement. Nous sommes notre cancer, nous sommes notre perte et La Dernière Maison Sur La Gauche n’est qu’une observation de cette effroyable écroulement à l’échelle individuelle.
Cette première réalisation de Wes Craven est une marche importante du cinéma indépendant américain, un pilier du cinéma d’horreur mondial, qui ouvre la voie à un cinéaste qui à chaque décennie aura sur rebondir pour refonder les reliefs de la terreur moderne.
La Dernière Maison Sur La Gauche est crasse, rance, insalubre, profondément blessant et déstabilisant mais également fascinant dans sa liberté infinie, celle de sonder le chaos inhérent à l’espèce humaine et sa contagiosité. CULTE.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
Image :
Il est difficile d’attendre les prouesses modernes en terme d’image et de restauration pour cette première réalisation de Wes Craven.
La Dernière Maison Sur La Gauche a été réalisé avec un micro-budget et le matériel originel reste de pauvre qualité, au grain sursaturé.
Cependant, l’édition que propose ESC, rappelant curieusement l’édition Arrow d’il y a quelques années, avec son set 3 disques, propose un rendu nettoyé des marques du temps et dispose d’un cadre particulièrement stable.
Notre dernier souvenir en date remonte à une vieille édition DVD qui de par sa qualité technique venait à faire sombrer le film, venait à faire oublier le caractère sauvage de l’œuvre.
L’image a un grain extrêmement chargé, une texture argentique qui fourmille, jusqu’à soustraire des détails de l’image.
On découvre d’ailleurs régulièrement des arrières plans troubles, bien que le bon technique soit en présence et que le champ de la HD soit bel et bien réel. Nous sommes cependant loin de la gestion irréprochable de matériaux originaux bruts comme avec la dernière restauration de Massacre À La Tronçonneuse par exemple.
Du côté de la colorimétrie, il y a de très nombreuses bonnes surprises, avec des nuances et contrastes intéressants, tout particulièrement autour des rouges et verts qui ressortent avec dynamisme sans jamais dénaturer la gamme globale.
Ce nouveau master est donc une redécouverte certaine, pour un film qui commençait à se faire rare en France, avec une image stable et nettoyée, respectant le caractère argentique de l’œuvre, bien que restant limité dans ses prouesses visuelles.
Concernant les montages alternatifs, le Krug & Company ainsi que le R-Rated, le master reste similaire.
Enfin la version VHS apportera les couleurs désaturées et l’image dégradée que les fans ont connu à la sortie du film en vidéo.

Son :
Sur la version intégrale, deux pistes sonores sont proposées avec Mono français et Mono Anglais.
La piste VOSTFR est surprenante. Elle réussit à trouver une vraie stabilité, ne sature jamais, et a une belle précision, on évite les soucis d’aigus intensifs.
La bande originale est également une belle tranche de restitution, parvenant constamment à offrir une piste mono sans oscillation, avec une justesse dans la restitution.
Les différentes fréquences se laissent mutuellement respirer bien que tout se joue en frontal. Une réussite.
Quant à la piste VF, nous ne nous y sommes pas véritablement aventurés.

Suppléments :
Les suppléments de l’édition sont répartis sur les trois disques, tout comme les quatre montages du film :
Disque 1 :
- Présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (5 min) :
Brève introduction au film, qui sera prolongée par Thoret avec un autre supplément sur le disque 3.
Le spécialiste en dit juste assez sur la place du film et des éléments de tournage pour exciter nos intérêts.
- « Les femmes dans le rape-and-revenge » : Entretien croisé avec Célia Sauvage, Clara Sebastiao et Violaine de Charnage (70 min) :
Fascinante table ronde autour de trois spécialistes, venues d’horizons différents, à la rencontre du cinéma dit du Rape & Revenge, remontant bien avant La Source de Bergman mais allant jusqu’à La Naissance D’une Nation de Griffith, décortiquant tant l’histoire que le codes du genre.
Les échanges sont extrêmement construits, fournis et complets. Les intervenantes sont passionnantes, et bien que nous étions extrêmement curieux de découvrir Violaine De Charnage, dont nous suivons les réflexions avec intérêt, nous sommes également pris d’hypnose par les argumentaires et analyses de Célia Sauvage et Clara Sebastiao.
A ne surtout pas rater !
- « Ce n’est que du cinéma » : Making-of du film (29 min) :
Un document qui explore le film et son tournage, avec Wes Craven et Sean S. Cunningham principalement, à travers diverses images du film et contenus d’archives.
Il est extrêmement plaisant de plonger au cœur du film accompagné de ses deux expérimentateurs de l’horreur.
Des redites se font de-ci, de-là, avec le commentaire audio.
- Commentaire audio du réalisateur Wes Craven et du producteur Sean S. Cunningham (2002) :
Que dire, que faire, que prendre face à ce déluge d’informations, de ressources. On y découvre les coulisses du film, la naissance des idées et les modalités d’une des collaborations les plus curieuses du cinéma d’horreur Craven/Cunningham.
Un supplément obsédant réservé avant tout aux fans !
- Commentaire audio avec les acteurs David Hess, Marc Sheffler et Fred Lincoln (2003) :
Contrairement au commentaire avec Craven et Cunningham, celui des acteurs, bien qu’intéressant et intrigant rebondit bien plus autour d’anecdotes de tournage et de récits de rencontre. Reste de belles et intrigantes confidences.
DISQUE 2 :
- « L’héritage de Wes Craven » : entretien avec Alexandre Aja (15 min) :
Le réalisateur de Haute Tension revient sur sa relation à la filmographie de Wes Craven. Il propose d’explorer sa rencontre avec le cinéaste américain et remonte à lorsqu’il a débuté le pilotage du remake de La Colline A Des Yeux puis explore avec plus de précision le cas de La Dernière Maison Sur La Gauche.
Alexandre Aja parle avec un véritable amour pour le cinéma de Craven. De nombreuses redites apparaissent par rapport à d’autres suppléments mais une telle passion dans l’entretien que nous sommes ravis de retrouver Aja, créateur de nos premiers cauchemars, parler de l’origine de ses propres obsessions.
- « Wes Craven, l’Amérique sauvage » : Conférence de Stéphane Du Mesnildot dans le cadre de la rétrospective Wes Craven à la Cinémathèque Française(67 min) :
Sommet de ce second disque, Stéphane Du Mesnildot autopsie en profondeur la carrière de Wes Craven et nous porte dans un voyage d’une profondeur fascinante.
Il resitue le cinéaste dans son environnement, reconstruit les contextes politiques et idéologiques pour tisser progressivement la naissance de Craven.
La conférence est faite de méandres, de sombres recoins et d’obsédants cauchemars qui traversent les terres de l’Oncle Sam. Incontournable.
- « Wes Craven, l’électrochoc » : reportage sur l’influence du réalisateur sur trois réalisateurs français (16 min) :
Gonzalez, Perrault et Cisterne abordent l’impact du cinéma de Craven sur leurs carrières, leurs obsessions.
On est tout particulièrement porté par les mots de Gonzalez.
- « Toujours debout, l’héritage de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE » : interview d’archive avec Wes Craven (15 min) :
Un supplément qui n’apporte pas d’énormes détails à tout ce que nous avons découvert avant mais il est très agréable d’écouter Wes Craven s’aventurer sur les sentiers de l’héritage de son propre film.
DISQUE 3 :
- LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven, par Jean-Baptiste Thoret (56 min) :
Avec tout son didactisme, avec toute sa clarté langagière, Jean-Baptiste Thoret cerne La Dernière Maison Sur La Gauche de manière complète et complexe. Il établit autour de l’oeuvre tout un contexte socio-politique, il ouvre une page de cinéma et y installe Wes Craven, sa rencontre avec Sean S. Cunningham puis les coulisses d’écriture, le tournage, ses montages et sa réception.
- « Krug fait plier l’Angleterre » : reportage sur la première projection du fim dans sa version non censurée. (24 min) :
Curieux document sur la première UK du film en Angleterre, pas moins de trois décennies après sa sortie, de nombreux intervenants, de David Hess à Gunnar Hensen en passant par le boss de Blue Underground, reviennent sur la censure sur les terres d’Elisabeth II et le cas précis de La Dernière Maison Sur La Gauche.
Une intrigante réflexion sur les organes de la censure se dégage de la proposition.
- « Composition Pour Un Meurtre » entretien avec le compositeur du film (10 min) :
L’acteur qui incarne Krug, ayant également la casquette de compositeur, aborde son amour de la création musicale mais aussi ses inspirations diverses qui taillent une taille non négligeable dans l’étrangeté et l’âpreté de l’oeuvre de Craven. Document d’archives sympathique.
- « Images interdites » : interview de l’équipe du film à propos des scènes choquantes (8 min) :
Sean Cunningham et Wes Craven ainsi que d’autres membres de l’équipe technique reviennent sur des scènes problématiques, des séquences éprouvantes qui ont été arrachées par les exploitants de salles eux-mêmes. Une rencontre de la censure populaire fascinante et un accompagnement dans les territoires les plus sombres du film en compagnie des réalisateurs.
- « Tales That’ll Tear Your Heart Out » : court-métrage inachevé de Wes Craven. (11 min) :
Court-métrage dénué de son qui laisse déjà entrevoir La Dernière Maison Sur La Gauche, tout autant dans la capture de l’image que dans l’architecture du montage.
- « Marie Dying At The Lake » : Scène supprimée :
Scène assez peu intéressante et non sous-titrée, laissant apercevoir le personnage de Marie en train de décéder au bord du lac dans les bras de ses parents.
- Scènes coupées & Prises de vues (48 min)
- Trailers internationaux

Avis Général :
Cette édition gargantuesque de La Dernière Maison Sur La Gauche est un véritable labyrinthe qui redonne pleinement à l’oeuvre, longtemps décriée et censurée, sa place de tournant fondamental pour le cinéma Etats-Uniens indépendant.
Le master image en présence reste marqué, et l’image se fraie un chemin à travers un lourd nuage de grain tout en offrant des caractéristiques HD certaines et une véritable avancée par rapport à nos anciens DVD. Le master son, quant à lui, est une réussite.
Enfin, du côté des suppléments, il faut bien reconnaître qu’ESC a mis toutes ses ressources à disposition pour couvrir toutes les latéralités de l’oeuvre. De la sorte chaque entretien vient couvrir un horizon différent venant compléter le précèdent.
Vous risquez d’en apprendre beaucoup sur La Dernière Maison Sur La Gauche et Wes Craven.


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