Synopsis : Dans le futur, un nouveau traitement psychothérapeutique nommé PT a été inventé. Grâce à une machine, le DC Mini, il est possible de rentrer dans les rêves des patients, et de les enregistrer afin de sonder les tréfonds de la pensée et de l’inconscient. Alors que le processus est toujours dans sa phase de test, l’un des prototypes du DC Mini est volé, créant un vent de panique au sein des scientifiques ayant développé cette petite révolution.
| Réalisateur : Satoshi Kon |
| Genre : Animation, Thriller Surréaliste |
| Durée : 91 minutes |
| Pays : Japon |
| Date de sortie : 2006 |
Bien que Satoshi Kon eut une carrière de réalisateur assez courte, le cinéaste japonais aura réussi le pari de s’ancrer comme un pilier essentiel de l’animation japonaise en quatre long-métrages, quatre expérimentations visuelles qui encore actuellement ne trouvent pas véritablement d’héritiers, de prolongations.
Satoshi Kon était un foudroiement, une fronde inattendue qui ne cesse, et risque de continuer pour quelques de décennies, à fasciner et offrir de véritables vertiges aux rétines aventureuses.
En France, chacune des sorties au format physique du maître déclenche un torrent d’intérêt faisant des éditions parues de véritables trésors de collectionneurs.
Alors, bien qu’il reste possible de mettre la main sur la filmographie, plus ou moins aisément en fonction des éditions, nous assistons en ce début 2024 à la première édition 4K UHD sur le territoire hexagonal, bien que nous soyons encore privés de Millenium Actress dans ce format, et découvrons avec des regards émerveillés le chant du cygne du réalisateur : Paprika.
L’article s’organisera en deux axes :
I) La critique de Paprika
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray 4K UHD
Dans un futur proche, la DC Mini, technologie révolutionnaire, permettra d’entrer dans les rêves de patients hantés par leurs subconscients. Un procédé novateur pour une psychothérapie ciblée et optimale.
La porte sur nos intimités les plus profondes s’ouvre, les regards extérieurs s’y enfoncent, l’âme est pénétrée.
Dans Paprika Satoshi Kon plonge au coeur d’une enquête tentaculaire afin de retrouver le DC Mini qui vient d’être dérobé.
Dans l’ombre un nouveau terrorisme est en train de naître, celui de la manipulation des rêves.
Le réel fusionne avec les songes, le sol se dérobe, les imaginaires pullulent, les inconscients individuels se transforment en inconscient collectif, deviennent geysers public, écroulement.
En s’enfonçant dans les espaces au-delà de la pensée, une brillante thérapeute, accompagnée d’un redoutable détective, explore les méandres.
Un jeu du chat et de la souris débute, labyrinthe rempli d’alter-ego, et d’obsédants miroirs.
Un monde nouveau est en train de naître, avec ses codes et mystères.

Satoshi Kon reprend ici de nombreuses mécaniques de ses œuvres passées, travaille le monde à travers une structure kaléidoscope, et s’amuse avec le spectateur, trouble le rapport au tangible, élargit le champ des réels et fait du songe une réalité matérielle, que ce dernier soit lumineux ou bien ténébreux.
Bien que durant le premier tiers du film nous soyons ballottés de parts et d’autres du récit sans pleinement assimiler les concepts, on retrouve dans Paprika cette aisance dans les glissements entre les points de vue, le soulèvement du récit par les lignes narratives souterraines, et cette ingéniosité picturale dans les reflets, dans les détails, ouvrant d’incessantes portes.
La magie de l’image est totale. L’hypnose, elle, en devient même inquiétante.
Le regard s’éprend du moindre recoin, et la puissance conséquente de Satoshi Kon réside dans le fait de parvenir à dépasser sa monumentale conception visuelle avec un sens de l’écriture prodigieux, si ce n’est miraculeux.
On se trouve ici face à l’œuvre de Science-fiction la plus ambitieuse depuis bien des années, si ce n’est depuis le début du siècle.
Sorti en 2006 mais très certainement en construction durant de longues années, Paprika transcende les thématiques de Ghost In The Shell et parvient avant même l’ère des réseaux sociaux, des partages de vie privée incessants, à parler du naufrage que nous vivons actuellement et continue à lire dans nos décennies à venir.
La création tient de la prophétie et inquiète lourdement, car plus les inconscients se révèlent, s’entassent, s’écrasent, allant de l’appartement à la ville pour finalement contaminer le monde, et plus les geôles dans lesquelles nous évoluons, en dehors de l’écran, apparaissent autour de nous, remettant en question notre constitution toute entière, de nos chemins de vie jusqu’aux plus secrets fantasmes.
Où commence notre intimité ? Existe-t’elle encore ? Avons-nous vendu notre âme ? Qui sommes-nous ?

Au cœur de cette fournaise, de cette glaise étouffante, où la matière n’a plus de définition, de limite, Satoshi Kon forge un lieu de repli, un lieu de décharge où les imaginaires se trouvent captés, pour ne plus faire des porteurs les captifs : le cinéma.
La liberté d’imaginer, de rêver, de construire par la pensée s’effectue.
De la romance au kaiju, de l’horreur au thriller, de la science-fiction à l’expérimental surréaliste, Paprika ne recule devant aucun horizon.
Il y a dans la création des films, dans la contemplation des images, un échange tout autant pour nourrir que libérer les subconscients, se délester d’un poids nauséeux.
La salle comme un espace pour capturer l’anti-matière, et contempler la lumière produite.
Paprika dans son chaos, nous emporte dans un tourbillon de symboliques et de pistes.
Le dernier long-métrage de Satoshi Kon est un savant mélange de cinéma expérimental, d’avant-garde en matière d’animation mais également un monumental thriller, dépassant de très loin tout ce qui peut généralement nous être servi, et ce, en incluant David Fincher. Il s’agit d’une œuvre connexe avec le Inland Empire de David Lynch, des fenêtres ouvertes sur l’âme et les chemins de l’esprit.
Des sentiers troublés qui peuvent tout autant causer notre anéantissement que notre résurrection.
Dans ce jeu de balancier, entre lumières et ténèbres, le cinéaste est un géant et Paprika est un incontournable, une pierre angulaire sur laquelle le septième art devrait s’empresser de se nourrir.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray 4K UHD
L’édition 4K UHD est proposée en steelbook, matériel que nous apprécions peu et pourtant nous pouvons vous affirmer que celui de Paprika est une merveille de détails et de contrastes. Un très bel objet.
Image :
Le master en présence, avec nouvelle restauration, est un vrai pas en avant pour Paprika.
Il y a une fluidité, et un dynamisme, impressionnant provenant en grande partie d’une gestion des couleurs minutieuse, pour ne jamais dénaturer mais nuancer pour révéler les détails, ouvrir la profondeur de champ.
Le traitement Dolby Vision appuie cette lancée et nous sommes enivrés par la proposition aux tonalités si justes, si fascinantes.
PS : Lorsque nous revenons au disque Blu-Ray, le gap entre la copie 4K HDR et la copie HD se fait bel et bien ressentir avec une perte de profondeur et de reliefs.
Son :
Plusieurs pistes en présence dont une VOSTFR japonaise en Dolby Atmos et une piste VF DTS-HD Master Audio 5.1.
Pour notre part, nous nous sommes cantonnés à la piste japonaise.
La spatialisation y est étonnante, parfaitement balancée et fait pénétrer nos regards avec profondeur dans le film, accompagnant les moindres soubresauts, les moindres nuances d’intensité. Nous sommes arraché à notre réalité. Irréprochable.

Suppléments :
Les suppléments sont dispersés sur les deux disques.
Sur le disque 4K UHD :
– La restauration de Paprika : Retour sur le lancement de la restauration 4K, le travail pour ne pas dénaturer le film d’origine, les nuances minutieuses à trouver avec le HDR et la restauration du son en Dolby Atmos. Les techniciens sont assez précis et mettent d’une belle manière la proposition en avant. Intrigant.
Sur le disque Blu-Ray :
Les suppléments présents sur ce disque étaient également présents sur les précédents disques Blu-Ray du film.
– Commentaire audio de Satoshi Kon, Susumu Hirasawa et Taro Morishima, producteur associé :
Chez Kino Wombat, nous n’avons jamais trop eu le temps de nous poser autour de Satoshi Kon bien qu’il nous ait envoûté à plusieurs reprises.
Ce commentaire audio nous donne justement à entendre la pensée claire et complexe d’un des cinéastes les plus inventifs de son temps.
La présence du producteur donne également un certain relief pour saisir les coulisses du film et sa naissance. Superbe.
– Making of :
Mise en parallèle du travail de Tsutsui, auteur du roman dont est inspiré Paprika, et du film de Satoshi Kon.
Puis nous suivons Satoshi Kon au quotidien, aux différentes étapes de la réalisation.
Il est agréable de découvrir le cinéaste au travail, de sentir la naissance des idées.
Cependant la rythmique promotionnelle harassante dessert la matière apportée.
– Jusqu’au bout du rêve » : mots des acteurs et de l’équipe du film :
Les doubleurs ainsi que Satoshi Kon et Tsutsui sont présents pour échanger sur la symbolique des rêves.
Croisement de séance de doublages, de table ronde et de face caméra, de nombreux détails sont soulevés mais le caractère promotionnel laisse un arrière goût de prise de parole artificielle.
– L’art de l’imaginaire » : entretien avec le directeur artistique :
Certainement le bonus issu de contenus promotionnels le plus intéressant laissant percevoir la conception et la naissance de l’image de Paprika.
– Un monde de rêve » : entretien avec le directeur de la photo et le directeur de l’animation :
Encore un supplément très étrange avec voix off et croisements d’entretiens.
Cependant, il est passionnant de percevoir les idées derrière l’animation, les différentes mécaniques.
– Storyboards et Dessins Originaux :
Finalement le meilleur supplément du disque pour comprendre visuellement les différentes étapes qui font naître l’image.
Reste que les séquences sont extrêmement courtes.

Avis Général :
Paprika est un sommet de cinéma, une œuvre visionnaire qui croise thriller et science-fiction et dépasse de loin nos conceptions du monde, s’affranchissant du temps et de l’espace pour ouvrir le subconscient et remodeler le réel. Satoshi Kon est un génie.
L’édition en présence, avec le disque 4K UHD, propose un master et une restauration très fine de par sa profondeur, ses nuances de couleurs et son foisonnement de détails. Paprika n’est jamais dénaturé, n’outrepasse pas les limites du remodelage et parvient à renaître tout en gardant son identité. La piste Dolby Atmos enfonce le clou et nous propulse dans une transe rare.
Enfin, du côté des suppléments, à l’exception du supplément sur la restauration, l’édition est une vache maigre, reprenant les suppléments de l’édition Blu-Ray d’il y a quelques années en compilant des matériaux promotionnels épuisants dans leurs formes, coupant la parole des intervenants pour placer des voix off et rebondir sur de nouvelles thématiques quitte à ne pas avoir bouclé la précédente.



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