« Monster Dog » réalisé par Claudio Fragasso : Critique & Test Blu-Ray

Réalisateur : Claudio Fragasso
Acteurs :  Alice Cooper, Victoria Vera, Carlos Santurio
Genre : Fantastique
Pays : Italie, Espagne
Durée : 84 minutes
Date de sortie : 1986 // 2024 (Blu-Ray)

Synopsis : Accompagné de sa fiancée, Sandra, et de deux couples d’amis, la star du rock Vince Raven se rend dans la demeure de ses défunts parents, située dans un lieu isolé en rase campagne, afin de tourner son dernier clip. Croisant sur leur route le shérif, celui-ci les met en garde : plusieurs personnes ont récemment perdu la vie, le corps déchiqueté.

Ces dernières années, Claudio Fragasso a eu les honneurs du passage à la HD.
Après Bianco Apache et Scalps, du côté de Le Chat Qui Fume, ainsi que le cultissime et nanardesque Virus Cannibale, du côté de Rimini, il s’agira dans ces lignes de découvrir un titre encore totalement inédit en France, bien que porté par Alice Cooper en tant qu’acteur : Monster Dog..

Le Chat Qui Fume porte à nos rétines éberluées une création inespérée, en Blu-Ray, enfin !

La critique de Monster Dog

En rase campagne, dans une immense demeure rappelant des lieux hantés jadis par les productions Hammer, un groupe de jeunes gens se retrouve pour faire la fête, crier l’insouciance, vivre d’amour, d’alcool et de rires.
À leur arrivée, ils sont mis en garde, avertis.
Dans les bois, grognements et aboiements s’intensifient.
Dans l’obscurité, le sang coule, les corps s’entassent.

Claudio Fragasso est maître en ce qui concerne le cinéma bis.
Il touche à tout et conçoit de œuvres échos aux courants majeurs de l’époque, westerns, mort-vivants et autres monstres. Il les manipule, les fait vaciller, osciller, afin d’obtenir une vision alternative de ces univers, sous un prisme à la violence excessive et avec des moyens dérisoires.
Il construit avec Monster Dog une forme hybride entre le film d’horreur animalier, la horde de chiens, et le film de monstres, horizons à base de lycantropes et créatures d’un autre monde.
La proposition rappelle tout un mouvement, nos esprits se remémorent Razorback, Cujo ou encore Hurlements.
Fragasso, malgré une piètre installation et des décors périmés aux relents gothiques, offre un vrai travail de d’atmosphère, un vrai soin pour donner à l’espace la force que la narration ne possédera pas.
La campagne anglaise de Fragasso est bancale, certes, mais étrangement envoûtante, captivante.

En une séquence introductive d’une puissance inattendue, envoyant les personnages à l’intérieur d’un vieux manoir, la proposition tente coûte que coûte de stabiliser son impulsion première.
Le cinéaste italien se repose néanmoins sur les fulgurances des premières séquences et abandonne le navire, il meuble un corps narratif extrêmement mou. Les intentions sont en roue libre.
Il est ici évident que le cinéaste ne s’amuse aucunement dans cette réalisation, qu’il a cependant lui-même écrit, et que tout son plaisir de metteur en scène prend force lorsque la chair se distord, se disloque, libérant le plasma, faisant bouger la bête.
Le film de monstres devient huis clos, les monstres se font rares, quelques cadavres jonchent le parcours, soupçons et interrogations naissent, mais rassurez-vous, l’excitation est bien moins puissante que celle d’un épisode de ScoobyDoo.
Le temps paraît long et l’on se rappelle des pièges de vidéo-clubs, ceux où la jaquette appelait à toutes les rêveries macabres et où la VHS ne contenait que désillusions, si ce n »était désespoirs.

Les personnages épient, enquêtent, s’accusent.
Des structures sans substances où vient se greffer un nouveau vide : le jeu des acteurs.
Il n’y a pas grand chose à retenir de cette étrange mascarade et le long-métrage fantastique devient très vite grotesque.
Il ne reste pour ce dernier qu’une carte à jouer, celle d’animer la soirée très arrosée entre amis où l’on se marre, où l’on se moque.
La bière peut bien couler à flots, les mastications de chips peuvent supplanter les dialogues, Monster Dog va devenir votre étrange bête à montrer aux copains, aux copines, lorsque la nuit ne connaît plus sommeil.

La proposition chavire dans l’ultra-bis, Fragasso n’écrit plus, il pioche partout ses dialogues, ses rebondissements, sans chercher la moindre cohérence, Monster Dog devient pot-pourri où le dernier espoir repose sur un nom, celui d’Alice Cooper, dont la performance est assez stupéfiante, si ce n’est navrante.
Ce Monster Dog, produit d’une collaboration italo-espagnole, est l’illustration parfaite de la débâcle du cinéma d’exploitation italien au coeur des années 80.

Pourtant, une étincelle subsiste, celle avec laquelle Fragasso ne cesse de révéler des sentiers, ceux que nous rêverions de voir.
Il ne s’attaque jamais véritablement aux récits lycanthropes mais ne cesse d’essayer de tenir notre attention sur la question.
Il convie des jeunes aux hormones débordantes et ne joue jamais d’érotisme.
Il pousse continuellement le regard spectateur au désintérêt pour mieux le piquer, le surprendre entre étrangeté et grotesque.
Fragasso, en fait, se révèle prodigieux savant de la frustration, génie des rêves avortés.

Monster Dog est chimère.
Claudio Fragasso promet monts et merveilles, joue avec les décorums, remplit le film avec des mirages, dont Alice Cooper est le fer de lance, et conçoit un faux labyrinthe où la moindre allée n’est qu’impasse poussant, entre une intro et une clôture fracassantes, à se jouer de nos consciences, à proposer une œuvre d’un rare désert tout autant narratif que visuel.
Heureusement les chiens sont là, heureusement la bête existe.
C’est d’ailleurs le caractère artisanal dans la création plastique du monstre, qu’on ne voit que furtivement, qui a réussi à capturer nos rétines, qui a réussi à nous plonger dans nos mirettes enfantines, celles qui ont encore peur du loup.
Sans cela, l’arnaque aurait été totale, le tour de Fragasso, d’une certaine manière est déroutant, Spaggiari du cinéma italien.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

L’édition de Monster Dog rejoint le rang des éditions au format scanavo.

Cette dernière a été désignée par Frédéric Domont dont nous avons déjà acclamé le travail. Il reprend ici des visuels d’époque pour illustrer le recto de l’édition. Un visuel du plus bel effet.

Image :

1920×1080 / 23,976p / Format 1.66

Nous savons que du côté de l’éditeur les copies sont toujours de qualité, mais face à ce Monster Dog nous ne nous attendions pas à des images si bien restaurées.

Le film se passe quasi intégralement de nuit et le niveau de précision, de clarté, dans les scènes les plus obscures est inattendu, assez fin..
Le travail autour des contrastes est poussé donnant un certain relief qui se prolonge à travers une colorimétrie assez juste et qui dévoile une profondeur surprenante.

Le cadre est stable, l’image a été plutôt bien nettoyée et travaillée, quelques griffures, craquelures sont en présence mais rien de bien important, de rares instants renforçant la dimension film de vidéo-clubs.

Le niveau de détails est développé, bien que sa densité aurait pu être un poil plus poussée, et finalement, bien que nous avons d’immenses réserves sur le film, Kino Wombat est conquis par cette proposition en matière de restauration.

Note : 8 sur 10.

Son

L’unique piste est en anglais DTS HD Mastee Audio 2.0, sous-titrée français.

La piste est plus que correcte et dispose d’un mix général plutôt clair et dynamique.
Les voix sont vivantes et ne se font pas manger par d’autres arrangements, elles prennent même par moment le dessus.
Enfin, lors du moreau interprété par Alice Cooper, on remarquera des dynamiques améliorées, facteur renforçant l’impression d’être face à une oeuvre publicitaire pour l’interprète de No More Mr Nice Guy.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

– Le Seigneur Des Chiens, avec le réalisateur Lamberto Bava, la scénariste Rossella Deuidi et le producteur Roberto Bessi :

Bien que Monster Dog soit un piètre film, il reste le témoignage de la fin de la grande époque du cinéma d’exploitationitalien.
Le film est un témoignage nécessaire pour comprendre l’effondrement de tout un écosystème culturel, annonce du futur chaos Berlusconi.
Lamberto Bava, réalisateur de Démons, Rossella Druidi, ex-épouse de Fragasso et scénariste de Troll 2 ainsi que Roberto Bessi, producteur de Fou à Tuer, reviennent sur l’aventure Monster Dog qui est symptomatique de l’entièreté du cinéma italien du milieu des année 80.
Le trio revient sur la collaboration avec l’Espagne et la venue d’une célébrité américaine, entre autres.
Puis des déambulations autour du film, sa création, ses anecdotes et mésaventures sont proposées.

Un supplément qui captive et donne à voir un triste déclin cinématographique, celui de toute une industrie.

– Scènes Coupées

– Film-annonce

Note : 8 sur 10.

Pour découvrir Monster Dog :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/monster-dog

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Voyages singuliers, parfois intimes, d’autres fois outranciers, souvent vibratoires et hypnotiques.
De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

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