
| Réalisateur : Hong Sang-Soo |
| Acteurs : Shin Seok-ho, Ha Seong-guk, Kim Seung-yun |
| Genre : Drame, Expérimental |
| Pays : Corée Du Sud |
| Durée : 61 minutes |
| Date de sortie : 26 juin 2024 |
Synopsis : Sur l’île rocheuse de Jeju, un jeune acteur réalise un film. Alors que l’inspiration lui manque, il aperçoit une silhouette au pied d’une falaise. Grâce à cette rencontre et à une chanson d’amour écrite des années plus tôt, il a enfin une histoire à raconter.
Trois amis, un réalisateur, un technicien et une actrice, débarquent pour une semaine sur l’île de Jeju.
Au fil des jours, des rencontres, des lieux, le jeune cinéaste tente de structurer un récit et une mise en scène.
Les premiers jours défilent, les idées viennent à manquer, les errances ne cessent, les finances s’amoindrissent.
A travers le sourd chaos intérieur du réalisateur, face au calme de l’environnement en présence, aux roches qui s’enfoncent dans les eaux, une idée, une fulgurance, traverse l’esprit du jeune penseur.
In Water est la captation de la naissance des idées, le saisissement de la matrice de l’oeuvre, une plongée dans les méandres troubles de la création artistique.

Hong Sang-Soo propose avec cette déambulation, au parfum de meta-cinéma, une nouvelle variation à sa fresque autour des relations humaines.
Il s’intéresse comme souvent à l’impact du temps, en matière de mise en scène et continue de s’affirmer comme cinéaste des mots pour révéler tant les énergies suspendues, les esprits, que les constellations en mouvement, les corps.
Il revient à des explorations qui ont de nombreuses fois traversées son oeuvre avec la place du créateur face à la page blanche.
Il questionne les instants mutiques, les respirations, les images, les sons et les paroles, qui font la structure tout aussi épurée que complexe de l’oeuvre, et par prolongement des individus.
Tout en conservant l’aura rohmérienne qui fait la glaise des réalisations du cinéaste coréen, ce nouveau chapitre vient à ouvrir le travail expérimental de Hong Sang-Soo à de singulières oscillations, des mouvements formels audacieux pour un cheminement narratif plus concentré.
Le cinéaste joue de focal, déstructure la rétine, fait le point au coeur de la matière grise, brouille le cadre.
A l’ère d’un cinéma de plus en plus net et précis technologiquement, si ce n’est transparent et lisse, perdant la texture même des organismes texturés qui faisaient la picturalité du septième art, Hong Sang Soo poursuit sa voie à tendances lo-fi, dénuée de tous artifices.
Il ouvre ici un sentier réflexif unique en créant une matière impressionniste, capturant le monde dans un flou permanent.
Les cadres d’une simplicité ahurissante renvoient avec ce traitement nébuleux de l’image à un espace entre Kroyer et Monet, rappelle la fascination pour des toiles telles que Journée d’été à la plage sud de Skagen ou encore Promenade Sur La Falaise.
Hong Sang-Soo saisit le flou dans lequel on peut se plonger quand le poids de la pensée dépasse le tangible, lorsque l’introspection spirituelle et émotionnelle est telle que le monde vient à disparaître pour ne montrer que de vagues reliefs.
Reliefs troubles, qui, dans leurs lectures sont révélateurs et clairvoyants sur les maux de l’esprit.

Hong Sang-Soo parvient alors à concevoir de nouveaux espaces d’expression visuels qui prolongent et nourrissent le récit, tout comme la philosophie de l’oeuvre.
Des ennuis et inquiétudes, certitudes et inconnus, tangibles et invisibles, une force poétique s’échappe.
In Water déstructure l’artiste et autopsie les émotions humaines.
La proposition capture les gestes, les positions, et vient à mener son cheminement narratif autour des actes singuliers qui construisent le réel de demain, capture les souffles purs à la recherche d’un chaos libérateur, en harmonie avec la nature, venant inscrire les actes dans une certaine éternité, se soustrayant à ce règne du tout contrôle, de l’autorité et de l’austérité dans les arts.
In Water est un espace de réflexions autour des coulisses de la création cinématographique, de la démarche collective dans la conception de l’oeuvre filmique.
Une exploration qui prolonge d’anciennes pensées rencontrées dans Juste Sous Vos Yeux ou encore Seule Sur La Plage La Nuit.
Le cinéaste observe avec attention les impasses liées à la solitude, errances propre à une humanité sans repères, et trouve, dans l’entraide sur le plateau et face aux rencontres inopinées, une issue vers des étendues poétiques salvatrices.
La forme expérimentée par Hong Sang-Soo avec ce nouveau chapitre dans sa carrière fait espérer un rebond au coeur de sa filmographie, fait espérer la transformation d’un mouvement maîtrisé vers la naissance d’un geste nouveau. Un des meilleurs films du cinéaste.



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