Synopsis : Su-Mi et Su-Yeon, deux sœurs, sont en conflit avec leur belle-mère. Pendant le dîner, le fantôme d’une petite fille apparaît et des événements étranges se produisent. Les oiseaux meurent.

Du côté de The Jokers, l’été 2024 rime avec Kim Jee-Woon. L’éditeur et distributeur français, à l’occasion de la sortie de Ça Tourne À Séoul, replonge dans la filmographie du cinéaste coréen offrant films oubliés et classiques. Des ressorties qui apportent, par la même occasion, des restaurations inédites en France.

Ainsi il est désormais possible de découvrir, dans nos salons, et dans des conditions optimales, 2 Sœurs et A Bittersweet Life en Blu-Ray 4K UHD mais aussi Foul King en Blu-Ray.
Pour les plus aventureux, veuillez noter que The Quiet Family est également sorti en Blu-Ray, du côté de Spectrum Films.

Premier arrêt autour de ce cinéaste important, aux côtés de Park Chan-Wook ou encore Bong Joon-Ho, en matière de renouveau du cinéma sud-coréen des années 2000 : 2 Sœurs.

La critique de 2 Sœurs

2 Sœurs est un surprenant écart stylistique dans la carrière de Kim Jee-Woon.
Le film marque un virage atmosphérique fantastique profond et s’émancipe des frontalités et lectures sociales avec lesquelles il avait su embarquer avec poigne, et cynisme, nos esprits.
Une surprise qui se révèle évidence dès lors que l’on découvre l’usage de sa mise en scène tortueuse et alambiquée, stérile dans The Quiet Family, prétentieuse dans A Bittersweet Life, et qui trouve ici la puissance de porter toute la froideur, la perfidie et l’horreur d’un conte fantomatique.

L’œil de Kim Jee-Woon, piloté par le prodigieux et encore trop méconnu Lee Mo-Gae en tant que directeur de la photographie, offre une vision pénétrante en apesanteur et en constante poursuite spectrale de ses personnages.
La famille reconstituée en présence, le père, la belle-mère et les deux filles, va être mise en sacrifice dans un fascinant jeu de tourmente quelque part entre dédale psychologique et histoire de maison hantée.

Dans sa mise en scène, Kim Jee-Woon conçoit un tryptique ambiant sidérant.
De la maison mouvante aux névroses partagées, en passant par une réalité insaisissable, le cinéaste invite à un jeu de piste complexe et particulièrement ingénieux, où chaque détail renvoie à une symbolique, où chaque symbole renvoie à des ricochets du subconscient.
Une fois la psyché des protagonistes posée, le réalisateur dérobe l’architecture de la maison pour n’en faire que projection intime, anxiogène labyrinthe traversé de failles et fantômes.
Le spectateur, lui, devient curieux spectateur d’une oeuvre qui invite à être pénétrée, vécue, jusqu’à la scission mentale.

Kim Jee-Woon est un enivrant illusionniste, génie des tours de passe-passe et espiègle manipulateur.
Il a su s’entourer tout autant d’un virtuose de la photographie que d’un astucieux monteur, pour piéger le regard dans ce jeu de miroir entre réflecteurs intimes et ténébreuse réalité.
Le regard spectateur ne cesse de vouloir contrôler un manège qui ne cesse de se dérober pour mieux se révéler, qui joue des temporalités jusqu’à l’étourdissement, qui travaille l’invisible jusqu’à questionner l’existence même de la réalité.

Pour porter cette parade profondément effrayante, on retrouve Im Soo-Jeong, qui avait avaler notre âme dans le Je Suis Un Cyborg de Park Chan-Wook, en grande sœur obsessionnelle et protectrice mais également des noms tels que Yum Jung-Ah ou encore Moon Geun-Young, qui ont su saisir notre rétine, et qui malheureusement n’auront pas connu de carrière internationale, juste les méandres de la télévision et les insipides dramas.

2 Sœurs est aujourd’hui le sommet de la filmographie de Kim Jee-Woon, son film le plus abouti, maîtrisé et envoûtant.
Il réussit un épatant travail de labyrinthe psychologique qui trouve écho au cœur d’une histoire de fantômes aux mille recoins et zones d’ombre à dévoiler, à saisir, pour (re)constituer le puzzle d’un mystère étourdissant, regard terrifiant sur la nature humaine.
Kim Jee-Woon pousse le spectateur à entrer dans des réflexions intimes, ne laisse jamais passif, risquant d’en laisser certains sur le bord de pellicule, mais offrant un grand moment de cinéma aux autres. Saisissant.

Les caractéristiques de l’édition Blu-Ray 4K UHD

Image :

2 Sœurs à été restauré en 4K, en 2021, sous la supervision de Kim Jee-Woon à partir du négatif 35 mm d’origine.

C’est un véritable petit miracle de restauration. La photographie de Lee Mo-Gae retrouve toute sa minutie. Dans notre souvenir, qui commençait à dater, 2 Sœurs semblait loin d’une telle picturalité
Les détails sont foisonnants, le caractère organique et vivant du 35 mm apporte une profondeur et un grain magnifiques. Des tissus aux papiers peints, des expressions de visage à la nature enivrante, tout est d’une grande beauté.

Le traitement HDR, quant à lui, révèle un nuancier de couleurs insoupçonné et fait de 2 Sœurs un émerveillement rétinien qui était jusqu’alors insoupçonné des services de Kino Wombat.
Lorsque l’on passe l’expérience en Dolby Vision, le constat est d’autant plus sidérant.

Reste une ou deux scènes, en deçà, en extérieur de nuit qui se trouvent à peiner pour garder la stabilité des noirs. Quelques secondes dans une immensité d’images irréprochables.

Son :

Deux pistes à l’honneur, française et coréenne, toutes deux en DTS-HD MA 5.1.

Nous n’avons eu l’occasion que de découvrir la piste VOSTFR

A l’image de la restauration 4K du film, le travail autour du son est saisissant. Les ambiances ressortent à merveille, les fréquences ont un équilibre envoûtant et la spatialisation vient à plusieurs reprises surprendre, effrayer. Les surrounds permettent un résultat atmosphérique de grande qualité.

Les moindres craquements de la bâtisse, silences dévorants et autres rafales qui balaient la nature environnante vous seront portés.

Suppléments :

• Inédit : Entretien avec Kim Jee Woon (10 min)
• Commentaire audio de Kim Jee Woon et Lee Mogae (chef opérateur) – sous-titré en francais. 
• Entretiens avec les acteurs
• Discussion entre Kim Jee Woon et Im Pil-sung, jeune réalisateur coréen (26 min)
• Making of (25 min)
• Scènes coupées commentées par Kim Jee Woon
• Entretien avec le chef décorateur
• Entretien avec l’ingénieur du son
• Les effets spéciaux (entretien avec l’équipe)
• Interview du chef opérateur
• A propos du film : le point de vue d’un psychiatre

The Jokers a particulièrement soigné le contenu de son édition.
Se plonger dans ces suppléments est u long et ambitieux dédale qui apporte tant des mécanismes de lecture pour 2 Soeurs que tout une déconstruction du cinéma d’esprit, des labyrinthes du subconscient.
Plongez !