
| Réalisateur : Shusuke Kaneko & Shinji Higuchi |
| Acteurs : Tsuyoshi Ihara, Shinobu Nakayama, Ayako Fujitani |
| Genre : Kaiju-eiga |
| Durée : 96 minutes |
| Année : 1995 (salles), 2024 (Coffret Blu-Ray) |
| Pays : Japon |
Synopsis : Alors que la Terre se révèle la proie de terribles créatures préhistoriques appelées Gyaos, l’Humanité et l’armée semblent perdre tout contrôle. Gamera est de retour pour combattre son ennemi juré, un oiseau préhistorique. Mais ses intentions ne sont pas comprises par les militaires…
Courant des années 1990, le Kaiju est en pleine résurrection, la pop culture est en émoi face aux monstres gigantesques, les Etats-Unis se penchent sur la question, planifient leur propre Godzilla pour la fin de la décennie et bien des licences naissent en écho à ce courant cinématographique ayant fleuri au Japon quelques décennies auparavant.
De Power Rangers à Jurassic Park pour les US en passant par Neon Genesis Evangelion au Japon, créatures et gigantismes viennent parcourir la Terre pour repositionner l’humain sur la chaîne alimentaire, le faire chuter de son trône.
Les grands noms du passé, eux, comptent bien retrouver leur royaume.
C’est d’ailleurs Takao Okawara, dès 1991, qui vient impulser un retour du mastodonte qu’est Godzilla en enchaînant Godzilla vs Mothra et Godzilla vs Mechagodzilla 2.
Plus réservé, Gamera, lui, a pris son temps pour son retour sur le devant de la scène et vit sa résurrection en 1995 sous la direction de Shusuke Kaneko et Shinji Higuchi.
Deux noms importants du cinéma nippon qui vont signer cette trilogie Gamera, en empruntant autant au geste traditionnel du kaiju eiga qu’à la modernité des VFX.
Gamera : Gardien De L’Univers fait table rase du passé.
Il s’agit ici de créer un nouveau départ pour la bête, moins familial, plus politique et destructeur.
Contrairement à son premier volet historique, où Gamera se lie d’amitié avec un jeune garçon, ici la créature des profondeurs se voit lié entre organe et mysticisme à une jeune femme. Les enfants sont sortis de l’équation, les jeunes adultes ciblés.
De plus, loin d’être une créature d’un autre temps, Gamera est un monstre protecteur provenant d’un autre peuple, d’une autre civilisation, descendant des étrusques, aujourd’hui oublié.
Des changements de direction qui impliquent la licence à la fois dans le questionnement de la dégénérescence civilisationnel et appellent à l’observation d’un monde naturel en plein dérèglement, impliquant le réveil de ses puissances endormies.
L’humain a réveillé certaines forces, des colosses insoupçonnés et supérieurs.

Kaneko propose un récit parfaitement rythmé, aux intrigues maigres mais plus fournies que par le passé, et mène une direction d’acteurs prenante.
Il parvient à constituer un récit d’aventures, renvoyant par moment au Monde Perdu de Harry O. Hoyt, qu’il mène dans différents décorums tous plus intéressants pour la spatialisation de l’action que pour le développement de l’intrigue. Sans jamais bâtir une cathédrale, Gamera assure une petite structure narrative stable et intéressante.
En terre et mer, villes et îles reculées, il y a une perception globale du Japon tant dans son territoire que dans son organisation humaine.
Les différents affrontements donnent lieu à une belle inventivité et chaque relief dessine un sentier vers de nouveaux rebondissements, de nouveaux éléments.
En dehors de la lecture de l’humanité, bien que plaisante mais qui trouve néanmoins des limites structurelles, c’est avec un véritable plaisir que l’on retrouve tant Gamera que Gyaos, leurs mécanismes internes, évolutions et puissances new age. Un semblant de questionnement biologique emballe le tout.
Face aux monstres, le casting est très juste, et atteint même un certain magnétisme à travers les personnages campés par Shinobu Nakayama, que l’on retrouvera dans Fist Of Legend, et Ayako Fujitani. Les deux actrices seront également présentes dans le reste de cette trilogie Gamera 90s.
Ce duo féminin, l’ornithologue et l’étudiante, porte la proposition au-delà de ses capacités et parvient à captiver tout du long.
Higuchi, de son côté, que nous avions découvert par Shin Godzilla récemment puis tardivement avec Neon Genesis Evangelion, fait un travail en matière de Tokusatsu remarquable.
Il use de toutes les techniques plastiques connues du Kaiju-eiga, les porte à un niveau impressionnant et se lance dans le pari risqué des effets numériques avec brio.
Gamera est impressionnant, Gyaos est fascinant. Le spectre du film de 1967 plane de-ci, de-là, mais ne s’enfonce jamais dans la vulgaire copie.
Les affrontements sont dantesques et sans l’ingéniosité d’Higuchi, le film n’atteindrait pas le niveau auquel nous assistons. Tour de Tokyo anéanti, villages rasés, explosions de centrales nucléaires, rien n’arrête Higuchi dans sa création apocalyptique mais également dans le prolongement des aptitudes physiques des diverses créatures.
Les effets numériques ont quant à eux été inséré à bon escient donnant à voir à travers les yeux de la bête avec une vision saturée et quasi-robotique.
Une faille dans le réel se creuse, les monstres apportent un regard qui vient à balayer la moindre certitude d’une humanité vaniteuse et de dirigeants mégalomanes, inconscients.

Gamera : Gardien De L’Univers réussit l’exploit de remettre le géant du Kaiju de la Daiei sur pied mais parvient surtout à l’inscrire dans une certaine postérité. Plastiquement la proposition est un véritable ravissement rétinien.
Kaneko et Higuchi se désolidarisent de la projection familiale et s’embarquent dans un film plus mature, spectaculaire et conscient d’un monde en plein pourrissement.
Les monstres renaissent, l’humanité tremble, la civilisation vit peut-être ses dernières heures.
Au firmament de ce jour qui ne connaîtra peut-être aucun lendemain, le déchaînement de Gamera, protecteur des humains, et le chaos imposé par Gyaos, créature hors de contrôle, sont fascinants.
Qu’est-ce qu’on s’amuse !



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