Rejetons de la classe aisée hongkongaise, Louis et son amie Kathy vont se lier à Tomato et Pong, de condition plus modeste. Devenus inséparables, les deux couples mènent une vie oisive, rêvant de rallier des contrées lointaines à bord du Nomad, le voilier du père de Louis. Ils seront bientôt rejoints par Shinsuke, le petit ami nippon de Kathy, poursuivi pour avoir déserté l’Armée rouge japonaise…

| Réalisateur : Patrick Tam |
| Acteurs : Leslie Chung, Pat Ha, Kent Tong, Cecilia Yip |
| Genre : Drame |
| Pays : Hong-Kong |
| Durée : 91 minutes |
| Date de sortie : 1982 (Hong-Kong) / 2024 (France) / Novembre 2024 (Blu-Ray) |
Ces dernières années, et plus particulièrement ces derniers mois, le cinéma de la nouvelle vague hongkongaise que nous n’attendions plus de (re)découvrir vient enfin à se pâmer devant nos mirettes éberluées.
Un travail de longue haleine, tout d’abord mené par Spectrum Films, qui finalement a réussi à s’élargir à d’autres acteur éditoriaux tels que Carlotta, qui ont une confortable assise en matière de cinéma asiatique.
Dans ce nouvel élan, de nombreux cinéastes qui voyaient leurs carrières sombrer face à l’oubli viennent à renaître. C’est exactement le cas de Patrick Tam qui commence à voir ses créations arriver sur les terres occidentales avec de belles restaurations.
Dans le cas de Nomad, il s’agit d’un film majeur pour saisir l’urgence dans laquelle est plongée la jeunesse d’Hong-Kong, le film était néanmoins encore inédit en France avant 2024.
Après une sortie en salles en juin 2024, Carlotta est de retour en cette fin d’année avec une sortie Blu-Ray de cette oeuvre importante.
La proposition de Patrick Tam, réalisée en 1982, se déroule à l’orée de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine.
Nous sommes quinze ans avant la cassure vertigineuse que serait, sera, ce rattachement.
Dans cette frayeur perpétuelle de perte de liberté par la jeunesse, dans cette terreur d’être une terre de désirs internationaux et dans ce cauchemar de résonances historiques effrayantes avec les pays frontaliers, que cela soit la Chine ou bien le Japon, Patrick Tam parvient à capturer une lumière vacillante, bien que puissante, d’une génération en perte de repères, prête à créer un nouveau monde.
Dans les chambres David Bowie fait vibrer les murs. L’art Kabuki rageur et silencieux progresse en silence dans certains coeurs.
En périphérie, la J-Pop s’affiche et recouvre les murs.
Secrètement, un déserteur de l’armée rouge japonaise fait son apparition.
Sans bruit, les frontières avec la Chine renvoient à une geôle, une impasse dont seul les flots, la navigation vers l’inconnu semble encore promettre un rêve, loin de cet étau entre capitalisme et communisme.
Dans ce magma multiculturel et politique, Tam questionne l’âme même de Hong-Kong, sa population et son ensevelissement culturel intime par une économie monstrueuse et uniformisante.
Il est tout simplement obsédant de découvrir ces ruisseaux, tout juste perceptibles, venant polluer, flétrir les rêves, désirs et libertés.
Tout en contrastes et constructions méticuleuses du cadre, il est fascinant d’observer comment Patrick Lam est parvenu à saisir l’essence chaotique de son pays et la transposer avec un tel art de la narration, des élans poétiques.

Il est saisissant de découvrir la manière avec laquelle Patrick Tam a conçu son langage cinématographique mêlant tout autant la nouvelle vague française dans la création des personnages et sa narration que le cinéma asiatique allant du Japon aux Philippines.
La rencontre de personnage rohmeriens avec une déambulation narrative proche de Jaques Rivette tout en jouant de variations visuelles rappelant Godard subjugue. Un étrange sentiment se dégage car à aucun moment Patrick Tam ne copie, il s’inspire et développe sa propre aura.
Une aura que le cinéaste vient saupoudrer d’échos provenant tout autant d’éclats de chambara que de projections d’une jeunesse étouffée par la mondialisation que dessinait Mike De Leon avec son étrange et passionnant Kakabakaba Ka Ba?.
Au-delà de s’inspirer de la nouvelle vague française et de motifs frontaliers, Nomad dessine les formes qui feront le cinéma de Hong-Kong des années 80, structures les reliefs de Wong Kar-Wai, entre romances, politiques et violences, et va plus loin en modelant l’arche sur lequel la nouvelle vague taïwanaise va se construire, à savoir le cinéma de Hou-Hsiao Hsien (Millenium Mambo), Tsai Ming-Liang (La Rivière, La Saveur De La Pastèque) ou encore Edward Yang (A Brighter Summer Day).
Pour lire la critique complète : Critique complète de Nomad

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray :
Image :
Récemment restauré en 4K dans sa mouture Director’s Cut, Nomad resplendit et propose une juste exhumation sans trop en faire, lui permettant de ne pas se dénaturer tout en resplendissant.
En cela, la texture pellicule a savamment été conservée, son grain également et le piqué offrant de beaux reliefs, de riches détails ne va pas jusqu’à saturer le cadre et permet d’obtenir une sorte de léger recul, idéal pour capturer l’énergie qui émane de l’œuvre. Les plans de jour comme de nuit, d’intérieur comme d’extérieur, sont particulièrement stables et ont une grande lisibilité. Le travail de la lumière est bien restitué.
De plus, le point fort de cette restauration est sa minutie colorimétrique.
Patrick Tam avec Nomad s’approche ardemment de La Nouvelle Vague, et plus particulièrement de la période Pierre Le Fou réalisé par Godard.
L’importance des couleurs qui traversent le cadre, qui se répondent, qui guident et jouent de mystères sont là, particulièrement vives, sans jamais pour autant saturer. La justesse de ton est très agréable.
Une réussite.
Son :
Dts-HD MA Cantonais 1.0
La piste sonore en présence offre tout ce que l’on peut attendre d’un film provenant de la fin des 80s avec ce type de configuration.
Il y a un vrai dynamisme dans la bande son, les instruments ressortent avec profondeur et accompagnent cette jeunesse prise en étau s’échappant à travers les cultures périphériques. Les voix sont mises en avant, ne saturent pas et regorgent d’informations. L’ensemble est très stable et aspire progressivement l’esprit du spectateur.
Suppléments :
- « Réflexions sur Nomad » : Texte inédit de Patrick Tam (2024, 18’) :
Lecture d’une lettre écrite par le cinéaste à l’occasion de a restauration de Nomad. Le cinéaste contextualise son film et aide à serpenter dans les couloirs mouvants de l’oeuvre. Le tout est accompagné par des images du film qui se trouvent être un juste écho aux mots. - « Génération perdue » : Entretien avec Dennis Yu et Stanley Kwan (25’) :
Parfait pour ressentir l’élan et l’appétit rebelle de La Nouvelle Vague Hongkongaise, de nombreux souvenirs et axes de lecture pour affiner la lecture du film et le rattacher à tout un mouvement. - Bande-annonce 2024


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