Dennis Cleg doit être réinséré dans la société après de nombreuses années passées dans un asile pour malades mentaux criminels. Sous la tutelle de Mme Wilkinson, une femme déterminée qui gère à Londres une pension pour des personnes comme Spider, l’homme agité et marmonnant toujours nerveusement doit retrouver sa place dans la vie.

| Réalisatrice : David Cronenberg |
| Acteurs : Ralph Fienne, Miranda Richardson, Gabriel Byrne |
| Genre : Drame |
| Pays : Canada, Royaume-Uni |
| Durée : 99 minutes |
| Date de sortie : 2002 (salles) // novembre 2024 (Blu-Ray/Blu-Ray 4K UHD) |
À l’aube des années 2000, David Cronenberg effectuait une bascule, une transition dans son approche du cinéma dépassant les modulations du corps pour pleinement plonger dans les méandres psychologiques de personnages en proie au chaos.
Spider se positionne alors comme une de ces premières expériences de combats internes et aujourd’hui Metropolitan Films propose une toute nouvelle restauration 4K qui fait grand bien après avoir laissé la proposition au placard après pas moins de deux décennies, et son antique sortie DVD.

Spider, toile de la psyché, dédale de la raison, la métamorphose de Cronenberg
Après plusieurs décennies à interroger le corps et la machine, l’organe et la science, de Rage à Existenz en passant par Crash, Videodrome ou encore Chromosome 3, le cinéaste canadien avait su mettre à mal la chair pour questionner les fondations d’une société malade en proie au péril dans sa quête prométhéenne de dépassement de l’enveloppe charnelle.
Avec Spider, Cronenberg se détourne de cette mythologie ayant donné ses lettres de noblesse au body horror et se loge dans l’esprit de personnages prisonniers de leurs psychismes.
En cela cette première réalisation du vingt et unième siècle pour le réalisateur atteste de modulations qui se confirmeront les années suivantes avec A History Of Violence et A Dangerous Method.
Cronenberg, avec Spider, s’affranchit de ses obsessions futuristes et plonge par-delà la matière, dans le siège de l’identité refoulée : le subconscient.
La proposition marque, dans le geste du cinéaste, un regard dans le rétroviseur où pour définir le présent il y a la nécessité d’explorer le passé.
Il s’agit d’ailleurs de l’échappée en la matière la plus saillante de sa filmographie tant il travaille le ricochet entre les temporalités jusqu’à ne faire qu’une réalité entre passé et présent, film tout en surimpressions et échos, illusions et spectres.
Les lieux ont survécu, des âmes vagabondent toujours, certaines nouvelles, d’autres qui perdurent, prisonnières de villes maudites.
En jouant avec les codes du thriller psychologique, tout en croisant les motifs avec le film puzzle ainsi que le drame familial, le regard spectateur se trouve porté par une atmosphère trouble où les tenants et aboutissants ne se dessinent que par fragments, où continuellement la réflexion ne cesse de moduler entre différentes pistes, alternant impasses et avancées significatives dans la pénombre.
Les rues suintent, le pavé se recouvre de crasse, les murs s’effritent. La ville hurle, les habitants sont sourds : NO FUTURE.
La matière des songes, des illusions et des brouillards psychiques prend forme, territoire aqueux où le réel devient entité intangible, glaise fuyante où les mécaniques ne cessent de changer pour révéler un intrigant travail d’horloger, de tisseur temporel.

Dans ce dédale astucieux, et redoutablement exigeant, où le cadre dans sa structuration glisse les indices avec malice, toile d’araignée faisant tout autant office de piège que de garde-manger, la performance de Ralph Fiennes pousse le curseur de l’étrangeté dans des retranchements assez peu communs.
On pense d’ailleurs en parallèle à la pompeuse interprétation schizophrénique de James McAvoy chez Shyamalan, et intimement résonne une pensée : Cronenberg, ce perfide titan, Fiennes, ce crépuscule rageur.
La rencontre de ces deux artistes est un miracle bien trop peu mis en avant.
Spider est une oeuvre de David Cronenberg à réhabiliter, jouant en dehors de sa grammaire traditionnelle, de son geste endémique, et pourtant un cri-pivot qui dessine le liant entre deux mouvements d’une filmographie qui sculpte avec effroi les mutations de la chair et les impasses tortueuses de l’esprit, la faille.
Aujourd’hui, le cinéaste canadien, avec Les Crimes Du Futur et Les Linceuls, tente l’harmonisation de ces deux champs entre body horror et thriller psychologique, Spider est la clé de voûte dérobée à cette ambitieuse fresque, le timide mais nécessaire secret qui révèle et pousse à retravailler avec obsession la filmographie du cinéaste.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray 4K UHD
Image :
Tout comme nous étions restés sans voix face aux textures et la justesse de la restauration de Le Festin Nu, ici, avec Spider nous redécouvrons en profondeur le film, mouton noir de la filmographie de Cronenberg.
Le niveau de détails en présence est hallucinant, de la maille des vêtements au grain de peau des acteurs en passant par les reliefs des papiers peints défraîchis, le moindre recoin de l’image est à couper le souffle.
On en vient presque à oublier le film et à simplement s’extasier d’une telle beauté visuelle. C’est transcendantal pour tout amateur d’images oubliées et exhumées.
Une profondeur dans le cadre se dessine, les textures et matières prennent vie, dans ce délitement progressif l’image vient à nous laisser pourrir, captif de notre rétine et de cette beauté.
Un élan qui se trouve être soutenu par un traitement HDR 10 extrêmement robuste jouant avec une très belle palette de couleurs, retirant les teintes parfois plus chaude de l’antique DVD, ici les tons sont glaçants, transperçants.
On reste néanmoins frustré à l’idée du niveau de beauté qu’aurait été une telle restauration avec un traitement Dolby Vision.
Son :
Pour notre part, nous avons expérimenté la piste 5.1 Dts-HD MA Anglaise.
Et tout comme pour le soin apporté à l’image pour cette restauration, le son se trouve être d’un dynamisme et d’une profondeur enivrantes.
La spatialisation sur les canaux n’en fait pas trop, juste à ce qu’il fait pour déstabiliser et pousser l’œil dans ce bourbier psychologique.
Les surrounds offrent une emprise délicate.
Les voix, quant à elles, conservent le splendide accent anglais. Le master parvient à saisir les moindres oscillations tonales, les moindres positions de langue. Impressionnant.

Suppléments :
L’intégralité des suppléments en présence proviennent de l’édition DVD sortie il y a de cela deux décennies.
Bien que le contenu soit intéressant, il reste une certaine frustration, comme un regard actuel de Cronenberg sur son oeuvre ou bien un retour sur la restauration effectuée.
- Commentaire audio de David Cronenberg (VOST)
- Interview de David Cronenberg et des acteurs (14’)
- Court métrage : « Caméra » David Cronenberg (2000, 6’)
- Anatomie d’une scène (13’)
- Master class de David Cronenberg (2002, 35’)
- Bandes-annonces


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