« Crépuscule » réalisé par György Fehér : Test Blu-Ray

Le corps de la petite Anna, huit ans, est découvert au fin fond d’une forêt. Deux inspecteurs sont dépêchés sur place pour mener l’enquête et retrouver le dangereux tueur en série qui a déjà sévi deux fois dans la région. Lorsque leur unique suspect met fin à ses jours, les enquêteurs décident de partir sur une nouvelle piste, s’aidant pour cela d’un dessin de la dernière victime…

Réalisateur : György Fehér
Acteurs :  Péter Haumann, János Derzsi
Genre : Drame, Film Noir
Pays : Hongrie
Durée : 105 minutes
Date de sortie : 
12 juin 2024 (salles France)
1990 (salles Hongrie)
18 mars 2025 (Blu-Ray)

Il y a des œuvres que nous n’espérions plus trouver, découvrir, dans les salles obscures, en édition physique, du côté de Kino Wombat.
C’est le cas de Crépuscule, film de György Fehér, qui depuis que nous avons vu passer quelques photogrammes il y a de cela quelques années nous hante, profondément.
Alors, certes, il y a bien eu des éditions étrangères du côté de Arbelos et Second Run, mais le désir de découvrir pleinement ce dédale entre ombres et silhouettes lumineuses, crimes et errances, en saisissant ses moindres secrets commençait à me dévorer.

C’est finalement, de manière inattendue, avec une joie non dissimulée que le rêve ténébreux pu prendre vie dans nos rétines en juin dernier, avec la sortie en salles par Carlotta.
Un événement qui vient trouver sa confirmation avec une inespérée mais aujourd’hui réelle édition Blu-Ray, particulièrement complète.

Crépuscule,
Brumes et Morts, Errances Labyrinthiques et Spectres Doubles

Crépuscule est l’adaptation du roman de Friedrich Dürrenmatt, La Promesse, mais aussi une reinterpretation d’une première adaptation cinéma, Ça S’Est Passé En Plein Jour, réalisée par Vladislav Vajda, avec pour acteur central Michel Simon.
Le livre original et sa première transposition à l’écran sont réel et miroitements, deux architectures à la fois semblables et modulaires.
Fehér développe ces prolongements, ces narrations existantes, écourte les dimensions originelles pour toucher à l’âme même d’une Hongrie rurale, pour toucher à l’intime, sa vision de cinéaste, afin de naître et réinventer le monde.

Le cinéaste trouve un équilibre entre le pessimisme de l’un et l’ouverture de l’autre.
Il crée un savant jeu, quelque part en périphérie.
La structuration narrative de Fehér est bien différente.
Elle s’installe entre champ poétique des éléments en pleine déliquescence, avec des échos tarkovskiens, et une écriture sous forme de thriller halluciné, poussant dans les bras de Element Of Crime, rêverie policière macabre autour du double réalisée par Lars Von Trier.

Le noir et blanc est saturé, l’air devient tangible, poisseux et étouffant.
L’espace sonore entre élans mystiques et thèmes rappelant Carmina Burana, création renvoyant à la fin de toutes choses, au spectre du chaos nazi, à l’approche du néant, consolide cet aspect apocalyptique, cet approche du déluge.
Ce lien entre son et image est contrôlé avec génie, les oscillations de lumière tantôt vers l’écran pour éclairer les protagonistes, tantôt vers le public pour l’assimiler à ce pourrissement généralisé, est un geste de cinéma tout autant novateur que prodigieux.
Une situation qui n’est pas liée au hasard des choses, car Fehér avant d’être cinéaste est avant tout ingénieur son mais également directeur de la photographie.
L’histoire s’échappe, l’expérience artistique touche un absolu.

Crépusule est un sommet de cinéma qui vient à rappeler le miracle qu’a été le cinéma hongrois, sa singularité, sa mélancolie, son humanité, son avant-gardisme et avant tout sa lucidité crépusulaire.
La proposition de Gyorgy Fehér est unique en son genre, travaille ses propres codes et symboliques, déstabilise, pour finalement porter la rétine vers un nouvel élan du septième art, vers une porte dérobée que nous découvrons plus de trois décennies plus tard.

Article complet : https://kinowombat.com/2024/06/11/crepuscule-realise-par-gyorgy-feher-critique/

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Image :

Cette nouvelle restauration 4K est un véritable miracle. Nous avions été soufflés en salles mais il faut bien avouer que le voyage sur cette galette Blu-Ray mène vers des ailleurs d’une rare magnificence.
Tout d’abord la photographie de Crépuscule, originellement un véritable miracle, trouve ici une grâce inouïe, les éclairages, la texture pellicule, la profondeur de champs mais également le soin apporté à la précision des contrastes font de cette restauration un éblouissement de tous les instants.

Le niveau de détails est hypnotique, et ce même dans les zones les plus obscures du cadre.
L’image a été impeccablement nettoyée et stabilisée.

Sublime !

Note : 10 sur 10.

Son :

Hongrois DTS-HD MA 1.0

Une piste particulièrement simple et frontale mais dotée d’une épatante limpidité et d’un nettoyage extrêmement méticuleux.
Les voix et atmosphères ambiantes pénètrent l’ouïe, la composition, quant à elle, lancinante et envoûtante plonge le regard de manière profonde dans les abîmes.
Superbe.

Note : 10 sur 10.

Suppléments :

Carlotta Films, pour l’édition Blu-Ray de Crépuscule, reprend les suppléments proposés par Arbelos, pour la sortie Blu-Ray, , à l’exception du livret.
Une véritable bénédiction car nous rêvions d’enfin pouvoir plonger dans ces entretiens, incontournables, et découvrir d’autres travaux du cinéaste.
Une édition discrète et pourtant incontournable de par son contenu et ses qualités techniques.

  • « UNE LUMIÈRE PARTICULIÈRE » : ENTRETIEN AVEC MIKLÓS GURBÁN (33 mn)
    Le directeur de la photographie de Crépuscule raconte sa rencontre avec György Fehér et détaille sa méthode de travail atypique, axée sur les plans-séquences, l’éclairage et la performance des acteurs :

Il s’agit ici du supplément rêvé. Lorsque l’on sort des méandres photographiques et atmosphériques de Crépuscule, au-delà de se questionner sur le geste de Gyorgy Fehér, il vient surtout l’envie d’aller à la rencontre du directeur de la photographie qui ici en plus d’une demi-heure explore le film et ses techniques. Génial !

  • LE LONG AFFRONTEMENT : ENTRETIEN AVEC MÁRIA CZEILIK (24 mn) La monteuse attitrée de György Fehér revient sur leur relation professionnelle, aussi enrichissante qu’éprouvante, et sur la complicité qui liait le cinéaste à Béla Tarr.

Bien qu’il ne soit plus possible aujourd’hui de partir à la rencontre de Gyorgy Fehér, Maria Czeilik revient sur sa rencontre avec le cinéaste et ses méthodes de travail, sa vision de cinéma et ses collaborations au sein du cinéma hongrois.
Un bel instant.

  • 2 COURTS-MÉTRAGES INÉDITS RÉALISÉS PAR GYÖRGY FEHÉR :

    ÖREGEK (1969 – Noir & Blanc – 16 mn) Dans ce documentaire, des personnes âgées confient leurs difficultés au quotidien à des représentants du Parti venus les écouter.


    TOMIKÁM (1970 – Noir & Blanc – 23 mn) Une promesse non tenue entre un vieux philatéliste et un jeune célibataire roublard va conduire ce dernier devant un tribunal et remettre en cause son existence…

  • BANDE-ANNONCE 2024

Note : 10 sur 10.

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De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

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