« La Vénus En Fourrure » réalisé par Massimo Dallamano : Critique et Test Blu-Ray

Séverin, réside dans un hôtel au bord d’un lac pour travailler sur son prochain livre. Arrive alors Wanda, un mannequin au pouvoir de séduction hypnotique. Séverin va d’abord espionner discrètement Wanda, qui aime se promener nue dans son manteau en fourrure. Elle lui rappelle ses premiers émois érotiques de son enfance. Puis il va l’entraîner dans une relation sadomasochiste sulfureuse.

Réalisateur : Massimo Dallamano
Acteurs :  Laura Antonelli, Régis Vallée
Genre : Erotique
Pays : Italie, Allemagne, Suisse
Durée : 86 minutes
Date de sortie : 
1969 (salles)
Février 2025 (Blu-Ray)

Quand il n’y en a plus, il y en a encore.
C’est à ce petit jeu que Artus Films s’amuse très régulièrement à nous prendre dans ses filets.
Après avoir exhumé le cinéma italien dans bien des latéralités, l’éditeur français revient sur une filmographie bien trop rare, celle de Massimo Dallamano (Mais Qu’Avez-Vous Fait à Solange ?).

Direction le cinéma érotique transalpin, avec une adaptation du roman de Leopold Van Sacher Masoch datant de 1870, à savoir La Vénus A La Fourrure.
Le film de Dallamano a été interdit durant quelques années en Allemagne ainsi qu’en Italie pour son contenu subversif et provocateur.

La Vénus En Fourrure,
La Peau, le Fouet et La Chair

Bien que confidentiel, à moins d’être passionné de cinéma d’exploitation italien, le nom de Massimo Dallamano est un spectre qui à chacune de ses exhumations provoque un exquis frisson le long de l’échine.
Et pourtant, en dehors de ses giallos cultes que sont Mais Qu’Avez-Vous à Solange ? ou encore La Lame Infernale, Dallamano a ébloui les rétines de générations entières de cinéphiles.
Pour quelle raison ? Il fut directeur de la photographie sur Pour Une Poignée de Dollars et Et Pour Quelques Dollars De Plus de Sergio Leone.

C’est donc tout d’abord par le ravissement rétinien que la pénétration dans l’oeuvre du cinéaste italien se fait.
Le geste Dallamano saisit les regards, révèle les corps et a une appétence toute particulière pour la stylisation de la violence. Il s’agit d’ailleurs même d’une esthétique qui a très certainement nourrie l’incontournable Quentin Tarantino et ses films compilations à l’esthétique hyper-stylisée croisant les corps et le sang.
C’est justement dans cette approche de l’enveloppe charnelle mise à rude épreuve que La Vénus En Fourrure prend place, récit autour d’une romance sadomasochiste décadente et hors de contrôle.

Séverin, jeune écrivain, séjourne sur les bords d’un lac au sein d’un hôtel destiné à la bourgeoisie italienne. Très vite, il fait la rencontre de Wanda, sa voisine de chambre, qu’il épie quotidiennement par certaines interstices dans le mur, dissimulées derrière un tableau.
Les partenaires s’enchaînent et Séverin, depuis son observatoire, trouve la stimulation nécessaire pour son nouveau roman, questionnant les limites de la souffrance et du plaisir.
Wanda et Séverin se rencontrent, échangent, et reconnaissent mutuellement vouloir expérimenter une sexualité en perpétuellement renouvellement, quitte à emprunter des sentiers périlleux.
L’amour prend place, ils se marient. Séverin aime que Wanda le fasse souffrir entre séances de flagellations, voyeurisme adultère et humiliations crasses.
Dans ce maelstrom fait de soumission et de violence, plus aucune limite, si ce n’est la mort.

Il y a en La Vénus En Fourrure une grande partie des thématiques traversantes du cinéma de Dallamano, croisant subconscient et inconscient collectif, jouant sur les mécaniques internes qui font basculer l’ordinaire dans le monstrueux.
Les corps se dénudent, jouent de différentes palettes d’érotisme sans jamais sombrer dans une vision pornographique. Certaines séquences, images, parviennent même à nous projeter dans les essais cinématographiques décadents de Alain Robbe Grillet, et sa sexualité débridée, cruelle, amorale.
Le cinéaste a un sens du rythme particulièrement maîtrisé et parvient, malgré ses gros sabots, à maintenir l’attention du spectateur.
Un fait qui prend également racine dans la partition de Gianfranco Reverberi, passant de la composition légère, aux airs de farce, à la tortueuse et fiévreuse déambulation psychédélique.
Le réalisateur joue de glissements dans la structuration mentale des personnages, s’appuie sur les instrumentations, et ouvre des architectures intimes intrigantes pour saisir les parcours tumultueux qui poussent l’individu en quête d’expérimentations à passer d’une sexualité décomplexée à des pratiques violentes, déviantes.

Alors, certes, La Vénus En Fourrure porte en elle la possibilité de s’accomplir en tant qu’oeuvre psychanalytique, mais ce serait lui donner trop d’importance pour la réflexion qui y est finalement soutenue.
Dallamano n’est pas ici pour présenter un essai réflexif sur les relations humaines, psychologiques et charnelles. Il ne s’agit pas d’un questionnement sur les divagations décadentes du corps et de l’esprit.
Il s’agit d’un film d’exploitation érotique somme toute assez conventionnel reposant sur une oeuvre littéraire, qui elle, défendait ses idées et positions.
Que cela soit le développement psychologique ou encore le regard porté sur la pratique sadomasochiste, la réalisation en présence prend de très nombreux raccourcis poussant à des formations intellectuelles parfois même dangereuses, tout particulièrement lors de l’analyse de l’impasse du fonctionnement dominant/dominé.

En dehors des ces déroulés et cheminements thématiques, la proposition permet à Laura Antonelli de capturer une grande part de la lumière du film avec une présence magnétique, bien plus mémorable que celle du cultissime Malicia, et laissera Régis Vallée au jeu très limité proposer une performance presque touchante.

Bref, bien que douteux dans sa représentation des sexes et dans son impasse relationnelle dominant/dominé, La Vénus En Fourrure est une vraie petite réussite de cinéma d’exploitation italien, certainement du fait que Massimo Dallamano avant d’être réalisateur fut directeur de la photographie chez Sergio Leone et qu’il parvient ici à dépasser son récit de par une esthétique aussi bis qu’envoûtante.
Le réalisateur de Mais Qu’avez-vous Fait À Solange, propose ici une spirale infernale, sur fond de sadomasochisme et psychologie de contoir, fait de violences, d’humiliations et d’expérimentations incertaines. C’est du bis, mais du bon bis.


Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

L’édition de La Vénus En Fourrure reprend l’esthétique et la forme aujourd’hui bien ancrée de l’éditeur.
Une édition digipack à fourreau reprenant l’affiche originale du film. A l’intérieur il est possible d’y découvrir l’affiche allemande du film.
A noter, Artus Films propose un visuel alternatif de toute beauté, en vente directement sur son site.

Image :

Format Cinemascope 2.35 original respecté
16/9ème compatible 4/3
Couleur

Master 2K restauré, la proposition ici faite est particulièrement enthousiasmante avec un soin particulier à la texture argentique et une image nettoyée; ainsi que stabilisée, contenant de très rares poussières.
Le niveau de détails est soutenu, les reliefs de la peau ressortent et une certaine profondeur s’affiche.
L’étalonnage effectué apporte de couleurs au nuancier plutôt chaud et semblant ne jamais trahir la colorimétrie d’origine.

Une solide copie HD.

Note : 8 sur 10.

Son :

Le master son en présence est de très bonne facture.
La balance entre les différentes fréquences est correctement ajustée, n’écrasant pas le mix avec les voix post-synchro et laissant à la partition de Reverberi de belles latéralités pour exister.
Aucune saturation à l’horizon et l’équilibre entre le grave et les aigus est impeccable.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

A vrai dire, nous nous attendions qu’à peu de suppléments sur cette édition et sommes absolument conquis par la richesse de la proposition.

  • Présentation du film par Emmanuel Le Gagne et Sébastien Gayraud
    Il s’agit du meilleur supplément de l’édition.
    Le Gagne, rédacteur chez Culturopoing, et Gayraud, essayiste cinéma fascinant, échangent durant trois quarts d’heure autour du film, reviennent en détails sur la carrière de Massimo Dallamano mais également sur les acteurs et l’équipe technique qui a travaillé sur le film.
    Tout en déambulation, échanges amicaux, le deux spécialistes explorent le cinéma d’exploitation italien de la fin des années 60 et du début des années 70, apportant suffisamment de contenu pour prolonger l’expérience du film. Génial.
  • Entretien avec Sergio d’Offizi (Directeur de la photographie)
    Durant dix minutes assez rapides, D’Offizi revient sur sa collaboration avec Dallamano, ses souvenirs du film et du tournage, un petit dédale mémoriel très agréable.
  • Entretien avec Alida Cappellini (Décors)
    Il est rare de découvrir de entretiens en compagnie des décorateurs, c’est le cas ici, pour un peu plus d’un quart d’heure assez riche, abordant les diverses variations du film, ses lieux, atmosphères, et relatios avec Dallamano. A voir.
  • Diaporama d’affiches et de photos
  • Film-annonce original

Note : 9 sur 10.

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De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

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