Le film, qui constitue une préquelle à la série télévisée, s’ouvre sur la découverte du corps de Teresa Banks et l’enquête sur son assassinat, se poursuit avec la prémonition, par l’agent Cooper, qu’un autre meurtre aura lieu, puis « un an plus tard », raconte les sept derniers jours de la vie de Laura Palmer.

| Réalisateur : David Lynch |
| Acteurs : Sheryl Lee, Moira Kelly, Kyle MacLachlan |
| Genre : Drame |
| Pays : Etats-Unis |
| Durée : 135 minutes |
| Date de sortie : 1992 (salles) 6 mai 2025 (Blu-Ray 4K UHD) |
Cela fait désormais plusieurs mois, si ce n’est années, que se dessine la sortie d’une édition 4K de Fire Walk With Me.
Après plusieurs retards, ça y est, l’édition est entre nos mains, quelques mois après la disparition du cinéaste, quelques semaines après avoir, pour notre part, revisité l’intégralité de la série légendaire Twin Peaks.
Il ne nous restait d’ailleurs plus qu’à embarquer pour ce curieux voyage, aux côtés de Laura Palmer, sept jours avant son décès.
La brume recouvre la forêt, la cascade se fait grondante et certaines failles s’ouvrent, vers d’autres réalités, vers d’autres succursales, espaces invisibles qui font l’équilibre et le chaos du monde.

Fire Walk With Me, Révélations Et Nouveaux Labyrinthes
Un an avant l’assassinat de Laura Palmer, la dépouille de Teresa Banks fut retrouvée enroulée dans une bâche, flottante dans le cour d’eau qui borde la ville de Deer Meadow.
Le FIB est dépêché, de nouveaux visages font leurs apparitions, des pièces insoupçonnées d’un puzzle tentaculaire naissent.
Le temps passe, les mois s’écoulent, l’enquête est dans l’impasse, Gordon Cole et Dale Cooper reviennent sur le devant de la scène, la caméra mène jusqu’à Twin Peaks, va à la rencontre de Laura Palmer et suit ses sept derniers jours, dévoile certains de ses secrets et ausculte ses écartèlements intimes.
Le regard spectateur est mis en branle, des éléments de lecture se juxtaposent, le lien entre éléments de la série et nouvelles pistes s’ouvre.
Fire Walk With Me dévoile le personnage spectre, et architecture dérobée, de la série qu’est Laura Palmer. Une approche qui donne également à voir toute la bourgade sous un jour nouveau, de sa géographie à ses habitants.
David Lynch s’enfonce durant deux heures dans un dédale qui sous ses apparats de pièce révélatrice ne vient en réalité que complexifier les certitudes que nous avions à la fin des deux premières saisons.
La démystification redoutée s’oriente vers la constitution d’un personnage-brouillard, une nappe physique entêtante à l’énigme impossible, tout du moins par les champs du réel, poussant à se fier aux rêves pour façonner le réel. Dieu créa le monde en sept jours, David Lynch,lui, à travers Laura Palmer plonge le monde dans le vide, par le biais d’une vertigineuse déconstruction, dans le même temps imparti.
Le film-introduction apporte tout autant de lumières qu’il observe les enchevêtrements de champs, de chaos, de superpositions dimensionnelles.

Laura Palmer est une Alice Au Pays Des Cauchemars, une jeune femme hantée qui ne cesse de s’enfoncer dans les tréfonds d’une humanité malade, entre drogues et prostitutions, une martyre écartelée entre l’Amerique puritaine et les bas-fonds.
A travers ce personnage tout aussi aussi réel qu’imaginaire, la fresque Twin Peaks s’ordonne à la manière d’une clé de voûte dans la filmographie de David Lynch et ce Fire Walk With Me, spécifiquement, en est une énigmatique synthèse.
Ainsi, il y a tout autant de Blue Velvet, dans la lecture des marginaux, que d’Eraserhead, dans sa grammaire expérimentale au coeur de la Red Room et ses passages dérobés. Cependant, ce n’est pas tout car le mal intangible de Lost Highway ne cesse de virevolter derrière la figure de Bob en tant qu’entité démoniaque, pour enfin rencontrer Sailor Et Lula, et ses amants maudits.
Un regard qui vient aussi se frotter au prodigieux Inland Empire et sa nécessité d’affranchissement du réel par la pénétration de cadres successifs jusqu’à atteindre les coulisses, entre purgatoire et portes closes du paradis.
Dans ce melting-pot ingénieux venant à rencontrer la philosophie labyrinthique du cinéaste, remettant en question une réalité faite d’artifices, la proposition en présence se trouve être la conclusion la plus juste à cette création au langage singulier que n’a eu de cesse de structurer le réalisateur.


Au coeur de ce film à la fois introduction et conclusion, alpha et omega, il y a également les traces de la saison 3 à venir.
En cela, près d’un quart de siècle entre les deux créations, un dialogue s’immisce, un dialogue rythmé où les réponses de la saison 3 résonnent dans ce Fire Walk With Me et où les interrogations de la saison 3 trouvent des déploiements réflexifs dans le long-métrage.
Un jeu de temps, d’espace, de chair et d’âmes où la rose bleue transparaît, où le réseau électrique devient portail céleste, où la porosité entre les mondes n’a jamais été aussi proche qu’éloignée se configure.
Un vertige absolu qui gronde autant dans l’amas organique constitutif des personnages que dans leurs places minimes mais fondamentale à échelle cosmique.
Bien qu’il soit effectivement facile d’user de cette réalisation comme d’un complément, cela serait se fourvoyer car David Lynch réalise ici un chef d’oeuvre tant esthétique que narratif, un geste de cinéma qui chamboule profondément, réinvente le monde, le cinématographe et ses sensibilités.
Fire Walk With Me, qui paraît hermétique et errant lors d’une première rencontre, se trouve être le fragment essentiel de tout un algorithme, de l’éco-système même qu’est Twin Peaks, et plus largement, de l’oeuvre de Lynch.
Il s’agit d’une pièce obsédante qui mène un jeu de question-réponse avec l’entièreté d’une filmographie jouant entre les apparats et les grondements mécaniques voraces qui font la société états-unienne.
… dans son ésotérisme, dans ses susurrements et corps meurtris, une relation transparaît celle d’une âme pure dévorée par son environnement et son ange gardien, Laura Palmer et Dale Cooper.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray 4K UHD
L’édition Blu-Ray 4K UHD dispose d’une étrange édition.
Cette dernière contient deux boîtiers : un steelbook contenant le disque 4K et un scanavo contenant l’édition Blu-Ray.
Les deux éditions sont reliées par un bandeau.
Concernant le steelbook, objet qui ne nous attire pas particulièrement en général, il faut bien avouer que là nous sommes scotchés. Reprenant le visuel original le rendu steelbook apporte un magnétisme tout particulier entre la rose bleue et le visage de Laura Palmer.
Le scanavo, quant à lui, est de belle facture.
Image :
Le master 4K en présence ne bénéficie pas de traitement HDR.
Nous sommes donc sur un master 4K SDR, selon les volontés de David Lynch.
Bien que cela puisse surprendre de prime abord, avec nos habitudes colorimétriques des dernières années, il s’agit de reconnaître que ce qui se joue devant nos mirettes est magnifique.
Potemkine offre un petit mirage avec une gestion du piqué fascinante, faisant (re)découvrir les recoins du cadre, mais assure également une savante conservation de la texture pellicule.
Le tout est porté par un travail colorimétrique précis, ne se fourvoyant jamais dans la facilité des couleurs saturées. La moindre tonalité est d’une justesse enivrante et les séquences finales, épileptiques, viennent griffer profondément la rétine.
C’est beau.
Son :
Français DTSHD-MA 5.1, Anglais DTSHD-MA 7.1, Anglais DTSHD-MA 2.0
Pour notre part, nous ne nous sommes aventurés que du côté de la piste VOSTF 7.1.
Cette dernière est exemplaire, avec tout d’abord une très juste balance entre les fréquences mais surtout une merveilleuse clarté des signaux qu’il sagisse de la voix, de la bande originale ou du spectre sonore ambiant.
Avec Twin Peaks, le son est une porte vers l’au-delà, vers les monde dérobés, une emprise sur la perception du spectateur.
Ici tant avec le rendu technique qu’avec la spatialisation des fréquences, tout est parfaitement calibré.

Suppléments :
Pour profiter du montage des scènes coupées intitulé Missing Pieces en 4K, il faudra rester sur le disque 4K. Néanmoins, pour le reste des suppléments direction le scanavo Blu-Ray.
Les suppléments de l’édition étaient déjà présents sur la précédente édition Blu-Ray de l’éditeur.
- « Twin Peaks : Missing Pieces », les pièces manquantes du dossier : 33 scènes coupées ou alternatives du film (HD, 2014, 91’25 », VOST) :
Montage réalisé en 2014 par David Lynch, il s’agit d’éléments secondaires permettant de percevoir Fire Walk With Me à travers le regard des personnages en contact, de manière plus ou moins proche, avec Laura Palmer.
La proposition dans son dernier acte dépasse le film et va jusqu’à la possession de Dale Cooper par Bob à la fin de la saison 2.
Aussi anecdotique que nécessaire pour prolonger les réflexions du cinéaste.
- « Entre deux mondes » (Between Two Worlds) : entretiens avec David Lynch, Sheryl Lee, Ray Wise et Grace Zabriskie (2014, HD, 28’25 », VOST) :
Moment d’échange entre le cinéaste et les acteurs. Il s’agit ici d’une curieuse table ronde avec un ton assez détendu revenant sur de nombreux souvenirs et anecdotes. Charmant. - Entretien avec Pacôme Thiellement, spécialiste de David Lynch (15’08 ») :
Pacôme Thiellement est un de nos intervenants favoris. Spécialiste du cinéma sous forme de jeu de piste qu’il s’agisse de Lynch ou de Rivette, ses lectures sont toujours d’une précision d’orfèvre et sa capacité à envoûter est GRANDE. - Entretien avec Hervé Aubron, critique (27’11 »)
- Making of promotionnel d’époque (7’28 », VOST)
- Entretiens tirés d’archives avec Ray Wise, Sheryl Lee, Moira Kelly et Mädchen Amick (6’17 », VOST)
- Bande-annonce 25ème anniversaire (2017, HD, 1’31 », VOST)
- Bande-annonce originale (1992, 1’41 »)
Pour découvrir Fire Walk With Me en 4K UHD :
https://store.potemkine.fr/dvd/3545020092644-twin-peaks-fire-walk-with-me-david-lynch/


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