Marie, pasteure ivoirienne et ancienne journaliste, vit à Tunis. Elle héberge Naney, une jeune mère en quête d’un avenir meilleur, et Jolie, une étudiante déterminée qui porte les espoirs de sa famille restée au pays. Quand les trois femmes recueillent Kenza, 4 ans, rescapée d’un naufrage, leur refuge se transforme en famille recomposée tendre mais intranquille dans un climat social de plus en plus préoccupant.

| Réalisatrice : Erige Sehiri |
| Actrices : Laetitia Ky, Aïssa Maïga, Debora Lobe Naney |
| Genre : Drame |
| Pays : France, Tunisie, Qatar |
| Durée : 92 minutes |
| Date de sortie : 14 mai 2025 (Festival De Cannes / Un Certain Regard) |
Erige Sehiri est une rencontre cannoise qui date de La Quinzaine des Réalisateurs 2022.
Un de mes plus doux et solaires souvenirs de cette édition, quelque part entre les gestes d’Abbas Kiarostami et Guillaume Brac.
Avec Sous Les Figues, la cinéaste contait la Tunisie, ses femmes, ses hommes, ses générations, le temps d’une journée dans une exploitation de figuiers.
A l’ombre des branches ou dans les allées découvertes, au rythme des rituels journaliers, entre pauses, récolte et repas, entre mots, gestes et regards, Sehiri était parvenu à saisir toute une population, ses interrogations.
Elle tissait avec une poésie certaine une toile politique et sociale enivrante.
Une justesse de ton qui à ne pas douter vient des origines cinématographiques dans lesquelles prend racine le cinéma de Sehiri, cette dernière venant tout droit du cinéma documentaire indépendant, où elle s’est d’ailleurs installée avec sa propre société de production Henia.
Sa première réalisation, La Voie Normale, observait des cheminots tunisiens arpentant l’unique voie de chemin de fer du pays répondant aux normes internationales. La cinéaste livrait une étude des infrastructure ferroviaires, qui devenait projection des errances institutionnelles, tunisiennes.
C’est donc avec une impatience toute particulière que je retrouve le cinéma de Sehiri, et ce, désormais, en sélection officielle dans la catégorie Un Certain Regard.
Cette fois-ci, loin des étendues lumineuses des plantations, la cinéaste embarque pour un cinéma politique et crépusculaire, sur fond de migration et désastres humanitaires.
Un pasteure ivoirienne, vivant à Tunis, accueille deux jeunes femmes, l’une mère, l’autre étudiante, éloignées de leurs pays.
C’est lorsque la maisonnée recueille une fillette rescapée d’un naufrage que le récit prend son point d’appui.
Sur le papier, tout semble de bon augure pour ce Promis Le Ciel…

Néanmoins le film qui semblait se dessiner n’a été que mirage roublard.
Sehiri s’échappe de ce qui faisait la justesse de son cinéma, ce caractère flanant qui laisse à l’image le temps de respirer et ouvrir la pensée.
Ici, avec Promis Le Ciel, elle s’enfonce dans un tunnel sans jamais prendre le temps d’ausculter son sujet, usant de tous les raccourcis narratifs et mangeant à tous les rateliers en terme de problématiques humaines, sociales et politiques abordées pour donner une impression de richesse, de lecture complète et complexe.
Dans cette Tunisie faisant la chasse à la population subsaharienne, présente de manière clandestine ou légale, la cinéaste tente de prendre le pouls de tout un pays par le biais de ses bouc-émissaires.
Elle y dresse une église évangéliste rédemptrice, ce qui m’est personnellement impossible à considérer tant le niveau de fanatisme de cette variante protestante est grande, qui serait l’unique sanctuaire d’une population traquée.
Son regard est impasse, ne contraste, ne nuance et ne développe jamais la réflexion. C’est un constat qui se regarde et s’admire.
Une situation qui est un comble pour une réalisatrice issue du monde du documentaire.
En dehors de l’engagement de la proposition, le récit de sororité, quant à lui, aurait pu fonctionner, les actrices sans être justes dans leurs tonalités ont leurs magnétismes.
Cependant, une fois de plus ce qui pêche est l’écriture, avec des échanges et dialogues à la limite de l’acceptable, où les mots ne portent plus l’image mais deviennent des masses moralisatrices difficiles à porter, à digérer.

Peut-être aurait-il fallu recentrer les intrigues, les limiter, car là où Sous Les Figues était un ravissant relai humain de paroles et d’instantanés formant une fresque profondément touchante, ici, il ne s’agit que de séquences maladroites, échos d’une écriture de surface où finalement les thématiques profondément captivantes, le sort des populations subsahariennes aux portes de l’Europe et la place des femmes dans des sociétés où la soumission est loi, ne sont qu’étui pour nourrir le divertissement, pire pour bâtir une morale digne d’un téléfilm.
Erige Sehiri avait le sujet, les acteurs, les lieux et la photographie, mais ce Promis Le Ciel n’est que gouffre, que l’on tente de ne pas accepter dans son amorce et se transformant en véritable plaie.
Une grande déception, profondément agaçante.


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