« The Phoenician Scheme  » réalisé par Wes Anderson : Critique

Synopsis : 1950. Anatole « Zsa-zsa » Korda, industriel énigmatique parmi les hommes les plus riches d’Europe, survit à une nouvelle tentative d’assassinat (son sixième accident d’avion). Ses activités commerciales aux multiples ramifications, complexes à l’extrême et d’une redoutable brutalité, ont fait de lui la cible non seulement de ses concurrents, mais aussi de gouvernements de toutes tendances idéologiques à travers le monde – et, par conséquent, des tueurs à gages qu’ils emploient.

Réalisateur : Wes Anderson
Acteurs :  Benicio Del Toro, Mia Threapleton, Michael Cera
Genre : Drame, Comédie
Pays : Allemagne, Etats-Unis
Durée : 105 minutes
Date de sortie : 
28 mai 2025

Les films de Wes Anderson s’enchaînent et se ressemblent tristement.
De ravissants écrins qui n’ont rien à conter, à contenir.
L’art de la photographie est indéniable, celui du récit est douteux, si ce n’est douloureux.

Depuis The Grand Budapest Hotel, les propositions du réalisateur ne cessent d’ouvrir l’immense vide qui demeurait sous les pieds des travaux du cinéaste. Vide qui jouait suffisamment bien de ces artifices pour masquer l’abîme.
L’architecture visuelle ne suffit plus, et les personnages qui tendent à se multiplier de façon gargantuesque ne sont plus que mannequins sans âmes, des corps à saisir, de l’esthétique bariolée vide d’humanité.

Alors, il faut bien vous l’avouer que pénétrer dans la salle Debussy en fin de festival pour le nouveau Anderson me donnait de l’urticaire, surtout depuis l’infernal The French Dispatch et la terrible déconvenue Asteroid City
Seule motivation, cette affiche présente sur les panneaux de la ville reprenant l’esprit de La mort De Marat, tableau peint par Jacques-Louis David.

Pour ce nouveau coup, Anderson tente le tout pour le tout et s’aventure radicalement dans ce qu’il aime le plus au mond : la photographie méticuleuse.
Celle où le moindre détail est pensé, entre lignes croisées pour tenir le cadre et parallélismes pour créer des champs d’opposition.
Un visuel qui comme souvent chez le cinéaste impressionne durant le premier quart d’heure et s’écroule par la suite de par son incapacité à constituer un développement narratif consistant, s’arrêtant à la glaciale vitrine US.

Sza-Sza Korda est un riche industriel qui fait la pluie et le beau temps.
Il est parvenu à structurer sa fortune sur la base d’écrous et boulons. De son fait, désormais, il peut faire basculer les marchés, faire tomber des régimes, décider de la guerre ou de la paix.
Dans son sillage, l’élite politique et ses rivaux financiers décident de mettre fin à ce pouvoir absolu.
Par quel biais ? Son assassinat et la hausse stratosphérique du tarif des écrous.
D’attaques en attaques Sza-Sza Korda survit et planifie sa vengeance, accompagné d’une bonne soeur, son héritière, et d’un curieux scientifique.

Avec The Phoenician Scheme, quelque chose naît des tocs insupportables d’Anderson, une vision politique qui dépasse la toile de fond habituelle et propose d’ausculter les coulisses d’un monde gangrené par ses investisseurs, ses industriels, ses gouvernements corrompus et ses marchés internationaux.
Alors, n’allons pas crier au brûlot politique, Anderson reste à un bas niveau de subversivité, enfonce des portes ouvertes, mais ce dernier a le mérite d’esquisser le portrait des fortunés qui font notre société, de Jeff Bezos à Donald Trump, de Elon Musk à Mark Zuckerberg.

Cela faisait bien longtemps que le cinéaste n’avait pas réussi à proposer une intrigue aussi plaisante qu’intrigante.
Ce trio de tête porté par Benicio Del Toro, Mia Threapleton et Michael Cera tient la route et surprend.
Sans jamais tomber dans la facilité du complotisme crapuleux, le réalisateur états-uniens réussit à trouver une voie d’accès pour décridibiliser les puissants de ce monde avec un geste grand public touchant.

Pour venir à dépasser son cheminement de plus en plus commun, pastiche de lui-même, il tente de dynamiter son image doucereuse. Anderson s’essaie à une expression plus brusque, fait exploser les corps, ne se refuse pas une effusion de sang ou des corps contusionnés.
Il y a une détresse du corps qui se tord qui rappelle certaines trouvailles passées à la manière de La Famille Tenenbaum.

Cependant, et comme trop souvent chez Anderson, le propos de base qui était porteur de promesses ne parvient pas à prendre son envol et l’esthète se fait cannibaliser par son addiction à la photographie.
Le récit ne fait que se répéter, ne modulant que par ses tableaux. L’introduction s’éternise, se prolonge et semble ne jamais finalement évoluer.
Les scènes se ressemblent toutes dans leurs ficelles scénaristiques.
Une sieste de trois quarts d’heure serait amplement possible, durant cette projection, sans pour autant rater une bribe récit. La proposition s’élance dans tous les motifs pour éveiller de l’intérêt du cinéma politique au film d’aventure, du cinéma d’espionnage à la comédie absurde mais ce bouillon entre Indiana Jones, Docteur Folamour et Tintin exaspère au final.
Les rebondissements sont tertiaires et ne définissent jamais plus les personnages, ne font presque pas avancer l’intrigue. Quel dommage…

The Phoenician Scheme était prometteur, sur le papier.
Pourtant le cinéaste se fait constamment rattraper par ses motifs assomants, où le grand, le beau, devient glaçage sirupeux, où la rétine se met à vomir et à s’endormir, ne portant plus aucun intérêt au propos. Wes Anderson est devenu la caricature de lui-même, son ombre.
C’est symptômatique, son cinéma n’invite plus qu’à l’ennui, ne laissant s’échapper qu’un unique espoir, que les lumières de la salle s’activent à nouveau.

Une réponse à « « The Phoenician Scheme  » réalisé par Wes Anderson : Critique »

  1. Avatar de princecranoir

    Amer constat que je partage également. A chaque nouvelle sortie, on se laisse séduire par la vitrine, on prend son ticket pour en savoir plus, être émerveillé. Mais cette belle collection d’objets a perdu son âme, elle laisse froid, elle ne dit plus rien, elle suggère tout au plus. Triste.

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