May travaille dans un cabinet vétérinaire. C’est une jeune fille timide et complexée qui a beaucoup du mal à se faire des amis et dont l’attitude est étrange aux yeux des autres. Elle partage son appartement avec sa seule vraie amie, une poupée que lui a donné sa mère quand elle était petite. Un jour, elle flirte avec un jeune mécanicien intrigué par son attitude. Leur relation ne dure pas longtemps et après d’autres brèves rencontres sans lendemain, May décide de se fabriquer elle-même un amant idéal…

| Réalisateur : Lucky McKee |
| Acteurs : Angela Bettis, Jeremy Sisto |
| Genre : Horreur |
| Pays : Etats-Unis |
| Durée : 93 minutes |
| Date de sortie : 2002 (salles) Juin 2025 (Blu-Ray) |
Le nom de Lucky McKee ravive à la fois le souvenir de l’ère mourante des vidéo-clubs et fait résonner les premières années où j’ai commencé à me constituer une vidéothèque à domicile, aux alentours de mes douze ans.
Les DVD s’amassaient, principalement des films d’horreur, que nous regardions entre amis durant les vacances scolaires, au rythme effréné de cinq à six long-métrages dans la journée.
Lucky McKee m’est donc inscrit dans cette période précise, période de boulimie cinéphile à tendance horrifique, avec ses films The Woods et May.
Néanmoins, la mémoire fait défaut.
Autant le souvenir de l’irritant The Woman est clair, autant le spectre de la séance de All Cheerleaders Die en festival reste tangible, autant, cependant, les deux premiers long-métrages du cinéaste semblent avoir fusionné dans mon esprit.
Impossible de dissocier The Woods et May, deux propositions aux tonalités différentes, certes, que mon vortex a étrangement uni.
Quelle joie donc que de replonger au coeur du premier long-métrage, en HD et grâce à ESC, d’un des grands espoirs de l’horreur des années 2000 qui aujourd’hui hante tristement les déserts de la DTV.

May, l’amour en pièces ou la Prométhée moderne
May est est une jeune femme introvertie.
Elle est assistante vétérinaire, elle y exerce sa sincère passion pour la couture.
Elle noue les membres, le organes et les chairs d’un coup d’aiguilles.
Ses seules amies sont ses poupées qui meublent son appartement, et plus spécifiquement une poupée, offerte par sa mère lorsqu’elle était enfant. Une poupée qui ne doit jamais sortir de son réceptacle, une boîte faite de bois et de verre.
Un jour, au détour de la laverie automatique de son quartier, elle tombe sous le charme d’un jeune homme, cinéphile passionné par le cinéma d’Argento, et plus particulièrement, elle tombe sous le magnétisme de ses mains.
Il se dit adorateur de l’étrange. Elle est étrange.
Il filme des fictions sur des amours cannibales. Elle l’embrasse et lui entaille profondément la lèvre à pleine dents.
Entre le fantasme de l’horreur et la réalité de l’horreur, la relation dérape. Le sang coule. L’emballage de verre de la poupée se met à se fissurer.
May, folle de rage après la rupture, se met en tête de collecter les plus belles parties de corps environnants pour constituer l’amant idéal.
Avec ce premier long-métrage Lucky Mckee touche autant au conte qu’au drame humain, au surnaturel qu’au fait divers sordide.
Il parvient à capturer le moment de bascule où les marginaux, malgré eux, ne peuvent plus contenir leurs errances sociétales, leurs sorts d’exilés.
La proposition ne cesse de glisser d’un univers cinématographique à un autre, d’un précipice mental à un autre.
Il y a ici la logique d’un parcours, celui d’une fleur qui s’ouvre, mais qui, face à l’ardeur de l’astre se fait consumer, tombe, se transforme en amas organique pourrissant, contaminant le monde, déstabilisant les corps et les esprits. Elle est l’anomalie dans un monde uniformisé, où l’horreur n’est plus que frisson pour divertir, où finalement seul l’individu anormal, en dehors des cases, fait peur, pousse à la fuite.
L’étrange envahit la pellicule, McKee saisit l’instant où l’oppressé devient oppresseur.
Tout aussi proche du Maniac de William Lustig que du Frankenstein de Mary Shelley, le geste du cinéaste fonctionne à la manière d’un patchwork décadent progressant par séquences crépusculaires, de la chaleur saturée des extérieurs, lieux de rencontres, le jour, à la moiteur crasse des intérieurs, lieux de vie, lieux de mort, la nuit, où les ténèbres viennent enserrer progressivement le film, écartelant la chair, sciant les os et reconstituant les corps, manière d’exécuter au sens propre un cadavre exquis.

Entre humoir noir et rires jaunes, un climat dangereux encercle le regard spectateur. La rythmique est méthodique et l’horreur ne pénètre la toile qu’après une heure suspendue où l’on ne sait pas exactement comment va provenir le drame.
Le piège se referme. Les glissements d’atmosphères se succèdent jusqu’à pénétrer des zones profondément troublantes, où les rictus se muent en grimaces d’effroi.
Le cinéaste a conscience des possibilités de son art, et plus particulièrement de l’horizon fantastique, et coud son premier effort en y glissant des secrets, dans les doublures, du cinéma d’Argento aux classiques de la Hammer tout en esquissant lointainement les remous d’oeuvres malades telle la poésie macabre de Jorg Buttgereit.
Mais attention, prenez garde, la grande force de ce May ne se cache pas dans l’écriture de McKee, non, le magnétisme de May repose principalement la symbiose et le dépassement du personnage de May par son interprète Angela Bettis.
L’actrice plonge à corps perdu dans son interprétation, ne joue plus et devient le protagoniste imaginé.
May dépasse l’écran et parvient à devenir entité touchant au réel, faisant frissonner de par sa dynamique réaliste.
A la moindre phrase, au moindre regard, au moindre mouvement, Bettis parvient à instaurer un malaise transperçant et déstabilisant.
May est une première réalisation fascinante, au budget réduit, rappelant l’énergie folle d’une jeune vague de cinéastes indépendants américains des années 70, à savoir Wes Craven, avec La Dernière Maison Sur La Gauche, Tobe Hooper, avec Massacre à La Tronçonneuse, ou encore George Romero, avec La Nuit Des Morts-Vivants.
Il y a la fougue, la liberté, le chaos.
Les corps se tordent, se déchirent, se rencontrent, s’unissent, forment une présence cadavérique puante, où la charogne devient beauté cauchemardesque.
Lucky McKee avec un tel essai avait tout pour devenir un grand créateur, un cinéaste horrifique porteur d’une nouvelle vague…

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
Les éditions s’enchaînent et une vraie esthétique dans la collection ESC se fait ressentir, un sentiment extrêmement agréable pour les collectionneurs.
Dans le cas de May, l’édition collector combo Blu-Ray/DVD, propose un travail méticuleux tant sur le fond que sur la forme, digipack avec fourreau du plus bel effet, contenant un livret et un poster.
Génial.
Image :
May fait partie des derniers films d’horreur des années 2000 à avoir connu un tournage en 35mm, et cela se ressent.
L’image a un grain organique véritablement hypnotique, apportant une dimension étouffante délicieuse.
La restauration en présence, sans trop réussir à savoir de quand elle date mais étant à coup sûr la même que chez Second Sight, affiche une copie parfaitement nettoyée et un cadre stable.
De la pellicule 35mm, la proposition parvient à exhumer de belles textures, une certaine profondeur et un nuancier de couleurs sombres et crasses redoutable.
Le niveau de détails aurait pu être un brin plus poussé.
Quelques scènes nocturnes en extérieur voient les nuances noir perdre en densité.
Une réussite.
Son :
DTS-HD MA 5.1 Français et Anglais
Les deux pistes sont particulièrement bien balancées, avec une plus grande finesse sur les jeux de niveau et de spatialisation du côté de la version originale.
La VF tend parfois à trop avancer les voix sur le mix général.
L’usage des canaux surrounds est léger mais fait son effet, venant saisir lors des séquences les plus retorses.
Néanmoins, par pitié, découvrez May en VOSTFR.
Bien que le mixage en VF soit de bonne qualité, le doublage, lui, impacte bien trop la portée du film pour lui faire conserver sa crasse, cela tourne rapidement à la caricature.
Ne dénaturez pas cette belle oeuvre.

Suppléments :
- Commentaire audio du réalisateur Lucky McKee
- « Morceaux choisis » : sur le tournage de May
Le supplément permet de ressentir la bonne atmosphère sur le tournage et de se plonger au coeur du plateau.
Sympathique.
- « Le Fabricant de jouets » : entretien avec le réalisateur Lucky McKe
Notre supplément favori.
Le réalisateur revient sur son parcours à l’université, ses rencontres, ses collaborations ainsi que les raisons de l’écriture de May.
On en vient à déambuler sur l’ère pré-May, le tournage et son ressenti actuel autour du film.
Particulièrement touchant et étoffé.
- « Des mains de maître » : entretien avec le l’acteur Jeremy Sisto
L’acteur qui donne la réplique à May revient sur ses souvenirs, ses anecdotes autour du film, sa rencontre avec Lucky McKee et le travail avec Angela Bettis.
Un bonus intéressant mais bien trop rapide.
- « De Frankenstein à May » : analyses de Miranda Corcoran sur May
Extrêmement riche et fascinant, l’analyse de Miranda Corcoran est incontournable.
Elle revient sur les adaptations et variations du texte de Mary Shelley pour mener jusqu’à May et sa forme moderne, ses variations.
Il s’agit d’un travail extrêmement référencé et étudié.
Vous n’aurez qu’une envie, plonger dans votre bibliothèque, votre librairie locale et débusquer Frankenstein, si ce n’est pas déjà fait évidemment.
- Un livret 32 pages rédigé par Marc Toullec :
On vous le dit à chaque fois mais nous, chez Kino Wombat, on adore les livrets, si ce n’est même parfois plus que certains suppléments vidéo.
Ici Marc Toullec, comme souvent chez ESC, revient sur Lucky McKee, la naissance du film et analyse les symboliques traversantes.
Très juste.
- Bande-annonce
Pour découvrir May en Blu-Ray : https://www.esc-distribution.com/accueil/10623-may-combo-dvd-bd-edition-limitee-3701432022321.html?srsltid=AfmBOooXrdvIxaduUAqPxADO_DqbImWowFVPCUw63TgtKpZQNIZYQ7Wu


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