« A Cause D’Un Assassinat » réalisé par Alan J. Pakula : Critique et Test Blu-Ray

Le 4 juillet 1971, jour anniversaire de l’Indépendance des États-Unis, le sénateur Carroll est abattu au cours d’une réception à Seattle. L’enquête conclut à un acte isolé perpétré par un individu déséquilibré. Trois ans plus tard, les témoins de la scène trouvent la mort les uns après les autres. Présent lors de l’assassinat du sénateur Carroll, le journaliste Joseph Frady décide de mener l’enquête et découvre l’existence d’une machination de grande ampleur…

Réalisateur : Alan J. Pakula
Acteurs :  Warren Beatty, Hume Cronyn
Genre : Thriller Paranoïaque
Pays : Etats-Unis
Durée : 102 minutes
Date de sortie : 
1974 (salles)
Juin 2025 (Blu-Ray)

Carlotta Films, depuis ses toutes premières éditions, a souvent mis en avant le Nouvel Hollywood, par cinéastes souvent, par films décrochés parfois.
Après avoir exploré le cinéma de Coppola, les films de Cimino ou encore les travaux de Bogdanovich, l’éditeur s’élance dans une filmographie incontournable, mais bien trop rare, celle de Alan J. Pakula, avec un titre attendu depuis quelques années : A Cause D’Un Assassinat.

Carlotta Films pour l’occasion ouvre les portes de sa collection CUC, incluant un format collector et un ouvrage rédigé par le prestigieux essayiste Jean-Baptiste Thoret.

A Cause D’Un Assassinat, récit(s) des coulisses d’un réel

Film charnière dans la filmographie d’Alan J. Pakula, A Cause D’Un Assassinat est le second film de son triptyque paranoïaque avec Klute et Les Hommes Du Président.
A cette époque le thriller paranoïaque, ouvrant le coulisses d’un monde dirigé par des forces secrètes, au lendemain de l’assassinat de JFK, se taille une belle part au coeur du Nouvel Hollywood prenant le relais des films noirs vertigineux signés John Frankenheimer et prolongeant certains gestes hitchcockiens.

Avec son récit de témoins gênants, de sociétés secrètes employant des assassins et d’architectures souterraines qui dessinent le monde, par-delà la vitrine du mirage consumériste états-uniens, Pakula joue à éveiller le doute, la terreur derrière le rêve doucereux.
Il y a ici la première pierre à nos sociétés contemporaines, alimentées et fragilisées par les théories du complot, par la dénaturation de l’information jusqu’à perdre pied pour finalement élever des régimes autoritaires et dictatoriaux.
Pakula en s’immiscant dans l’ombre de la machine étatique exhume ce qui aujourd’hui nous porte dans une impasse politique, où le doute laisse la place aux conquérants, aux empereurs déviants, aux monstres.

La manière de saisir l’intrigue et de la mouvoir dépasse amplement les films à fond conspirationniste. Ce A Cause D’Un Assassinat s’affranchit de la démarche bis repetitae.
Le cinéaste est épaulé par Gordon Willis, directeur de la photographie, parvenant à faire de l’image une narration indépendante, derrière les mots et les visages il y a une science des corps en mouvement, des positions dans le cadre et du vertige des espaces architecturaux comme abysse-miroirs.
Le travail des lumières, des ombres et des zones ténébreuses, nourrissent bien plus le récit que les échanges entre personnages.
Une dimension visuelle qui mène l’expression du film à la limite de la SF et vient rappeler dans la manière de travailler le conscient, mais surtout le subconscient, un certain Soleil Vert de Richard Fleischer.

D’ailleurs en parlant de genre, il s’agit de reconnaître que la proposition de Pakula joue sur un grand nombre de tableaux et tisse ce portrait des Etats-Unis à travers les grand mouvements cinématographiques qui ont fait l’identité moderne du pays entre bagarre dans un bar, western, courses-poursuites, science-fiction et film noir.
Un jeu d’équilibriste stupéfiant qui ne tombe jamais dans le catalogue et réussit à créer une vraie symbiose entre ces modèles expressifs.

Une tenue filmique qui trouve également sa source de par la présence magnétique de Warren Beatty, acteur-politique incontournable qui appose au film toute l’assurance et la conviction qu’il porte à cette intrigue.
Sa manière de s’incorporer au cadre, à l’image, révèle une évidence, Beaty ne joue presque plus, il est devenu Frady, le journaliste, enquêtant dans les dédales souterrains d’un pouvoir qui joue avec l’inconscient collectif jusqu’à faire de l’individu une marionnette.

A Cause D’Un Assassinat est un très grand film naissant au coeur du Nouvel Hollywood, remettant en question le rêve américain, s’enfonçant dans la faille à hauteur d’humain jusqu’à toucher des abîmes monumentaux où l’on perçoit l’individualité, la personnalité, comme un rôle attribué par un lointain joueur de flûte.
Vertigineux.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

A Cause D’Un Assassinat est proposé dans le format le plus pretigieux de l’éditeur, soit le mythique CUC, coffret ultra collector, comprenant un ouvrage rédigé par Jean-Baptiste Thoret, le DVD, le Blu-Ray et un magnifique écrin au visuel signé Laurent Durieux.

Image :

Le master proposé par Carlotta est très certainement le même que celui sorti il y a quelques années du côté de Criterion, à savoir, une restauration 2K issue d’un scan 4K à partir du négatif original 35mm.
Vous pouvez y aller le yeux fermés, la proposition en présence est magnifique, bien loin des souvenirs que nous pouvions avoir d’anciens transferts. Le film de Pakula renaît.
Avec une texture argentique solidement conservée, le transfert ne souffre d’aucun lissage et le niveau de détails est assez poussé sans pour autant dénaturer l’oeuvre, gardant ses zones de trouble.

Au niveau de la colorimétrie, on découvre un film qui ne modifie jamais les couleurs originales, ne cédant pas au dynamisme et au racolage visuel.
De même, le travail des contrastes ressort à merveille parvenant à tenir des noirs profonds.

Note : 9 sur 10.

Son :

Mono Dts-HD MA Français & Anglais

Sans nous porter vers de véritables déflagrations, ce que nous n’attendions pas, la piste VOSTF réussit à créer une atmosphère adéquate pour plonger au cœur du film sans jamais saturer, et parvenant à offrir des équilibres confortables.
Concernant la VF, nous ne sommes pas fans des doublages, mais ici ils tiennent la route, bien que plus en avant dans le mix général, qui, lui, est aussi solide que sur la piste VOSTF.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

Nous avons entre les mains l’édition CUC et il faut bien avouer que c’est à nouveau un régal cinéphile.
Le livre rédigé par JB Thoret y est partiulièrement pertinent et offre bien des pistes de lecture par-delà le simple cas du film de Pakula. L’essai est complété par des entretiens avec le réalisateur.

En ce qui concerne les suppléments présents sur le disque Blu-Ray, il s’agit une nouvelle fois d’un bel assemblage entre suppléments provenant de l’édition Criterion et un supplément inédit en présence de Nicolas Pariser. Du bonheur :

. ALEX COX À PROPOS DE « À CAUSE D’UN ASSASSINAT » (15 mn)
« Ce monde chimérique que Pakula et Beatty nous faisaient découvrir en 1974, c’est celui dans lequel on vit aujourd’hui. […] Toutes nos données appartiennent à des sociétés privées et à des agences gouvernementales et sont à vendre. » Une présentation du réalisateur Alex Cox.

. MISE AU POINT : LA GENÈSE DE « À CAUSE D’UN ASSASSINAT » (15 mn)
Assistant d’Alan J. Pakula sur le tournage du film, Jon Boorstin se souvient de la synergie existant entre le réalisateur et son directeur de la photographie, Gordon Willis. Loin d’être un film politique, À cause d’un assassinat traite, selon Boorstin, de la culture du contrôle et de la paranoïa, brillamment illustrée lors de la séquence clé du test.

. RÉVISIONS (27 mn) 
« Le thème du complot, notamment au cinéma, est revenu à cause du 11-Septembre et, évidemment, de toutes les thèses complotistes autour. Le 11-Septembre a probablement été notre assassinat de John F. Kennedy. » Un entretien inédit avec le cinéaste Nicolas Pariser (Alice et le Maire).

Note : 10 sur 10.

Pour découvrir A Cause D’Un Assassinat en Blu-Ray :
https://laboutique.carlottafilms.com/products/a-cause-dun-assassinat-dalan-j-pakula?srsltid=AfmBOoru0p8OG75NyZYQwcZ7R2ZerNB2kJOCyY5Cl0ffXTaS1nrLT2ZT


Laisser un commentaire

Ici, Kino Wombat

Un espace de recherche, d’exploration, d’expérimentation, du cinéma sous toutes ses formes.
Une recherche d’oeuvres oubliées, de rétines perdues et de visions nouvelles se joue.
Voyages singuliers, parfois intimes, d’autres fois outranciers, souvent vibratoires et hypnotiques.
De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

Let’s connect