« Great Jailbreak » réalisé par Teruo Ishii : Critique et Test Blu-Ray

Ichiro, condamné à mort, attend son exécution dans le couloir de la mort de la prison d’Abashiri après avoir été trahi par ses anciens acolytes. Avec d’autres co-détenus, il s’évade de prison pour préparer sa vengeance. Mais le climat extrême du nord du Japon ne va pas leur faciliter la tâche.

Réalisateur : Teruo Ishii
Acteurs :  Ken Takakura, Bunta Sugawara
Genre : Yakuza, Evasion, Vengeance
Pays : Japon
Durée : 91 minutes
Date de sortie :
1975 (Japon)
Septembre 2024 (Blu-Ray/DVD)

Cela faisait quelques temps que je devais me pencher sur les dernières sorties Roboto Films.

C’est donc en pleine canicule, et avec la promesse de plaines enneigées, d’évasions carcérales, de fusillades ainsi que de règlements de compte, que Great Jailbreak réalisé par Teruo Ishii m’a fait du pied.

Une proposition inattendue, pour un film qui jusqu’à l’arrivée de cette édition Blu-Ray/DVD était encore inédit en France, triste situation qui se répète pour une partie non négligeable de la filmographie du grand cinéaste populaire qu’est Teruo Ishii.

Great Jailbreak, pot-pourri à la japonaise

Perdu en plein milieu de terres enneigées, un groupe de prisonniers qui était promis à la potence s’est évadé.
Dans le lot, entre violeurs, tueurs et autres criminels, se trouve un braqueur bien décidé à retourner en ville pour régler quelques comptes, sonner à quelques portes, faire sauter quelques têtes.
Sur son chemin, l’amour se dresse.

Teruo Ishii, avec ce curieux Great Jailbreak, ouvre les portes d’un cinéma compilatoire, un regard dans le rétroviseur sur son travail et ses essais en matière de cinéma de genre.
Il y a des yakuzas, du sang, de la romance, des fusils, une once d’érotisme, de la vengeance et bien évidemment de l’évasion.
Il est important dans ce cas précis d’appuyer sur l’importance de l’évasion carcérale, Ishii ayant durant les années 60 réalisé près de 10 films de la série Abarashi Prison, saga filmique reposant sur la fuite de prisonniers en milieu naturel hostile, au coeur de la toundra, en pleine île d’Hokkaido.

Une saga qui trouve dans son premier volet la présence d’un certain Ken Takakura, tenant le premier rôle, et étant télescopé une décennie plus tard dans ce Great Jailbreak qui pose son introduction en reprenant une grande partie des codes érigés dans Abarashi Prison.
Une présence épaulée par l’incontournable Bunta Sugawara, acteur bien connu des films Yakuza.

Mais attention, limiter Great Jailbreak à un écho d’une série bis 60s serait se fourvoyer car ici il y a un jeu de métamorphose formel assez intrigant, s’amusant continuellement à faire s’effondrer des branches entières de cinéma d’exploitation pour s’accrocher à d’autres rameaux bien plus volumineux qu’ils ne pourraient paraître.
C’est avec ce récit polymorphe, jouant avec les inconnus et les zones d’ombre, que le cinéaste prend plaisir à relancer la rythmique de la proposition, ne s’attardant jamais en palabres et se servant des motifs des genres usités pour creuser l’intrigue.
Ishii joue l’économie d’informations permettant de structurer des personnages avec un geste captivant, ne se limitant pas uniquement à son personnage principal.
De plus, il échappe au piège récurrent des flashbacks. Il se contente du temps de l’action et maintient l’urgence du récit entre cavale, road-trip et morts inventives.

Le repos n’existe pas, c’est une véritable montagne russe qui marque également la nécessité durant les 70s, face à la présence vorace de postes de télévision, d’oser l’outrance et l’irrévérence, les visions que la boîte à images n’oserait porter.
Le divertissement est dense accompagné par des mélodies entêtantes, jouant de manière simpliste mais efficace sur l’émotion du spectateur, des phrases coups de poing et un niveau de violence suffisamment élevé pour continuellement relancer la mise.

Teruo Ishii, avec Great Jailbreak, joue sur un autre tableau que ses films outranciers et jubilatoires parvenues jusqu’en Occident, à savoir L’Effrayant Docteur Hijikata, Femmes Criminelles ou encore Orgies Of Edo.
Nous sommes en 1975, époque où ses plus grands succès sont déjà sortis, et il semble que le cinéaste tente un patchwork de ses univers, entre oeuvres à formes classiques, Abarashi Prison, et cinéma ultra-violent.
Une recette qui fonctionne particulièrement bien, une exhumation de filmographie plus que bienvenue.
Curieux, curieuses, partez à la découverte de Great Jailbreak, vous ne serez pas déçus.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Roboto Films continue sur sa très belle lancée éditoriale, avec un très beau mediabook.
Il faut bien avouer que voir trôner la collection Roboto Films sur l’étagère apporte un petit frisson de collectionneur.

Image :

Bien que s’agissant d’une première mondiale pour la restauration de Great Jailbreak, il faut reconnaître que le master HD n’est pas exempt de tout défaut.
Nous sommes face à une restauration qui malgré son caractère inédit semble dater, avec un piqué peu appuyé, une image sans grande profondeur et un niveau de définition HD, certain, mais limité.
De même, en ce qui concerne la colorimétrie, le film n’a pas de grandes dynamiques traversantes, et reste plutôt fade.

L’image a été nettoyée, quelques scories et poussières subsistent.

C’est à dire qu’à force d’être pourri gâté, on devient difficile.
Reste que vous ne découvrirez jamais avec un meilleur master, ce chaînon particulièrement rare de la filmographie de Teruo Ishii.

Note : 6 sur 10.

Son :

La piste VOSTF DTS-HD MA 2.0 offre un rendu assez classique pour les films nippons de cet époque, avec un équilibre plutôt bien dosé entre les fréquences, des voix mises en avant et des accompagnements instrumentaux ainsi que des effets sonores ne saturant jamais et ayant d’agréables reliefs.
C’est frontal, simple et efficace.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

Chez Roboto Films, il faut bien avoué que nous sommes ravis.
C’est le livret qui prime, et des livrets toujours copieusement garnis.
Quant aux suppléments video, ils ne sont jamais légions mais d’une qualité remarquable.

  • Livret contenant des photos de tournage
  • Essai de Pauline Martyn (livret) :
    Un écrit qui revient sur la carrière de Ken Takakura, sa carrière mouvementée et son caractère iconique au Japon.
    A travers la filmographie de l’acteur, Pauline Martyn revient sur les fluctuations au coeur de la Toei et du cinéma japonais plus largement.
    A lire !
  • Essai de Nathan Stuart (livret) :
    Nathan Stuart, quant à lui, aborde le cas Teruo Ishii, cinéaste à la fois culte et méconnu qui méritait bien un texte comme celui-ci pour exhumer une filmographie incontournable en matière de cinéma populaire et exploitationnel. Foncez !
  • Entretien avec Julien Sévéon (disque) :
    Julien Sévéon, chez Kino Wombat, on l’adore, tout simplement.
    Qu’il s’agisse du ton, de la diction, du rythme de la réflexion, il faut bien avouer qu’il touche toujours juste, et c’est encore une fois le cas dans cette édition où il reviendra sur la carrière de Ishii, Sugawara et Takakura, entre autres, et livrera une juste lecture et contextualisation du film.
    Superbe.
  • Bandes annonces

Pour découvrir Great Jailbreak :
https://roboto-films.fr/products/great-jailbreak

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