« L’Attaque des Fourgons Blindés » réalisé par Bruce Beresford : Critique et Test Bu-Ray

Un fourgon blinde des services de securite Darcy transportant le salaire de centaines d’employes est intercepte par des hommes armes. Ils s’emparent du butin mais ils sont bientot tous abattus par Dino, tueur a gages qui travaille pour le compte de Henderson, chef de gang.

Du côté de Kino Wombat, nous sommes attachés aux petits éditeurs, tout particulièrement lorsqu’ils marient cinéma populaire et cinéma exigeant.
C’est exactement le créneau de Badlands, que l’on suit du coin de l’œil depuis quelques années, proposant en cette année 2025 trois nouveaux titres :

  • Steel Flower de Park Seok-Yeon
  • L’Attaque Du Fourgon Blindé de Bruce Beresford
  • Second Life de Park Young-ju

Bien que paraissant être un nouvel éditeur, Badlands est en réalité présent depuis de nombreuses années.
Souvenez-vous, il y eut tout d’abord la sortie de La Bouche De Jean-Pierre en DVD, moyen-métrage réalisé par Lucile Hadzihalilovic, puis l’arrivée en écho au Leto de Kirill Serebrennikov d’un certain L’Aiguille porté par le visage incendiaire de Viktor Tsoi, proposition véritablement obsédante, puis il y a de cela deux ans, l’arrivée de trois films d’un cinéaste japonais trop méconnu en Occident,Yuzo Kawashima, dont nous avions chroniqué l’entêtant La Bête Elégante.

Oups, on me dit dans l’oreillette qu’il y aurait aussi dans la besace de l’éditeur un film pakistanais de zombies particulièrement irrévérencieux et outrancier du nom de Hell’s Ground.

Alors explorer aujourd’hui de nouveaux horizons dont deux pièces de cinéma coréen méconnues et s’engager sur le chemin de L’Attaque Du Fourgon Blindé, film de casse australien qui titille fortement notre curiosité, marque définitivement l’empreinte de Badlands et son goût pour un cinéma rare, indépendant, mondial et libre.

Aujourd’hui, direction L’Attaque Des Fourgons Blindés réalisé par Bruce Beresford.

L’Attaque des Fourgons Blindés, instantanés d’un chaos

Parmi les créneaux de cinéma qui m’exaspèrent le film de braquages est en tête de liste.
L’habituel didactisme à tendance moraliste me désespère, les montages jouant sur l’alternance des espaces, temporalités et personnages m’ennuie, bref, cela m’agace profondément.
Reste, que la curiosité l’emporte bien souvent… et heureusement… je plonge…

L’Attaque des Fourgons Blindés a sa propre marche, son propre langage, gardant dans sa besace une part de twists, certes, sans pour autant que Beresford n’essaie de créer un cadre factice où les personnages n’existeraient que pour le temps du film.
Ici, le spectateur est abandonné avec violence dans la cruauté du monde, avec réalisme, dans une forme de marche ou crève, ne guidant jamais et obligeant la rétine et la matière grise à s’accrocher au train lancé à pleine vitesse. Les personnages n’attendent personne ils vivent, hurlent, tuent, souffrent, mentent et meurent.
L’image est brute, le grain poissard, les visages durs, le spectre sonore en prises directes.
Il s’agit d’un film rutilant et chaotique.

Beresford, en descendant de Dennis Hopper, emprunte le langage du Nouvel Hollywood, celui en dehors des studios, irrévérencieux, fou et politiquement troublant.
De par sa manière de faire du cinéma, une fascinante rugosité émane de l’oeuvre, un geste écorché s’impose créant autant de personnages que de galeries narratives, bâties sur des sentiers tout juste creusés où le spectateur, oui vous sur votre canapé à vous empiffrer, va devoir travailler pour donner toute sa consistance et son élasticité au récit.
Le cinéaste braque la rétine, invite à déstructurer toute une société corrompue allant de ses banques à ses officiers de police, de ses assurances à ses passants.
Le vol, on s’en fout, ici on parle d’un monde puant où le mal a triomphé, où le profit, le gain, sont devenus la dernière obsession jusqu’à pousser l’humain à devenir créature avide d’or et de sang.

Finalement, la terre souillée par la colonisation, celle dérobée et noyée de viscères, exulte, traverse l’asphalte et conduit à l’auto-destruction. L’écho, invisible, est terrifiant.
C’est une présence historique jamais relevée par le cinéaste.
Un fantôme qui pèse sur une toute une structuration sociétale, camp pénitentiaire britannique au XVIIIe siècle, amorce d’une nation barbare, brutale.

Dans le Nouvel Hollywood, les rêveurs, héritiers de meurtriers, sont bien souvent châtiés, par un territoire maudit.
Ici, en Australie, les rêveurs sont inexistants, il n’y a qu’âmes en peine et ordures. C’est le bout du monde, le bout de la route, où, pour survivre ne reste que l’attaque, modèle-socle du pays.
Les corps hurlent, la torture y est monnaie courante, le crime pour s’enrichir est juste artifice pour se dérober à un cauchemar impasse.
Beresford joue sur les canaux de l’ozploitation, manipulant les codes du cinéma populaire pour dynamiter toute une société-truand.

L’Attaque des Fourgons Blindés se dérobe à toutes les projections.
Il s’agit d’un film de l’action, et non pas d’action, un film du présent, où le passé n’a pas le temps d’être exhumé et où le futur semble inexistant.
Instable dans sa rythmique, chaotique dans sa narration, la proposition est pourtant un brasier furieux se servant des petites frappes pour toucher au cœur les plus hautes sphères.
Bruce Beresford signe un brûlot nihiliste aussi simple que cacophonique, aussi turbulent que lancinant.
Il y a d’ailleurs dans cet essai, la glaise d’un incontournable de ces dernières décennies, un grand film de braquage, Reservoir Dogs.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

Badlands propose une édition très soignée, avec visuel réversible, optant pour le scanavo plutôt que l’amaray en terme de boitier, et avec un visuel signé Frédéric Domont, comme toujours réalisé de main de maître.
Le style apporté au visuel avant installe une véritable pâte éditoriale.
Les éditions Badlands ont de la gueule, ça c’est certain, et le passage au format Blu-Ray, pour la dimension des éditions est un vrai soulagement de collectionneur.

Par pitié ! Ne perdez pas le rythme ! Nous voulons encore des éditions de cet acabit et des films rares.

Image :

C’est une excellente surprise.
Badlands propose une restauration de grande qualité avec le respect de la texture argentique, son grain organique et sa profondeur.
Qu’il s’agisse du niveau de détails, avec un piqué imparable n’essayant jamais de trop en faire, ou bien de sa colorimétrie, équilibrant et contrastant de manière juste et appropriée le cadre, le travail opéré ici ne dénature jamais l’oeuvre originelle, exhume l’image avec intelligence.
Des petits défauts traversent l’image de-ci, de-là, légères marques sur la pellicule qui n’endommagent aucunement l’expérience.

C’est une belle réussite.

Note : 8 sur 10.

Son :

ANGLAIS DTS-HD MASTER AUDIO 2.0 ET 5.1 / FRANÇAIS 2.0

Nous n’avons pas effectué trois visionnages du film pour checker l’intégralité des pistes.
Le film a été visionné en anglais 5.1.
Le proposition laisse ressortir les prises de son directes donnant une vraie vie au film dans sa spatialisation, ressentant la rue, les voix, et autres effets incorporés.
Aucune saturation ou déséquilibre en présence.

Concernant la piste 2.0 française, cette dernière tient la route bien qu’assez limitée en terme de profondeur, une piste datée mais nettoyée.

Note : 8 sur 10.

Suppléments :

L’édition ne bénéficie pas de livret, nous sommes dans la collection 1Kult, contrairement aux deux éditions coréennes mais contient de très intéressants suppléments :

  • « Bruce Beresford, le marginal » par Melvin Zed (29’)
    Melvin Zed est un spécialiste de l’Ozploitation qui parle avec passion de cet horizon de cinéma et s’élance dans son exhumation de puis plusieurs années.
    Ici, l’essayiste aborde le réalisateur de L’Attaque des Fourgons Blindés, cinéaste australien incontournable et pourtant réduit à l’oubli. Melvin Zed revient sur sa carrière de manière précise, détaillée et didactique.
  • « L’Ozploitation à contre-courant » par Melvin Zed (33’)
    Melvin Zed autopsie L’Attaque Des Fourgons Blindés et décape son apparente simplicité première pour faire trembler tout un pays de cinéma.
    C’est absolument fascinant tant autour du film que dans sa manière de s’affranchir du roman originel.
    Génial.
  •   »Count Your Toes  » : Making of (36’)
    Ancien supplément upscalé en compagnie de l’équipe du film, du réalisateur et des acteurs.
    Extrêmement intéressant bien que moins détaillé que le travail de pointe de Melvin Zed.
    Reste, un vrai plaisir d’écouter une équipe parler de son oeuvre.
  • Bandes-annonces

Note : 8 sur 10.

Pour découvrir L’Attaque Des Fourgons Blindés :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/lattaque-des-fourgons-blindes?srsltid=AfmBOorcfaXJdp9RC5ZUBfBspsjWQdPVSNiUsAAUvdZdeivzmEX8O9qR



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