« Mort Un Dimanche de Pluie » réalisé par Joël Santoni : Critique et Test Blu-Ray / 4K UHD

Architecte, David Briand vit avec sa femme Élaine et leur fille, surnommée Cric, isolés dans une vaste construction de style moderne dans un hameau près de la frontière suisse. Un jour, David rencontre Cappy Bronsky, qui, par le passé, a travaillé pour lui sur un chantier à Nogent. Un grave accident l’ayant lourdement handicapé, le laissant boiteux et affublé d’un bras mécanique, Bronsky fait comprendre à David que ce dernier a une dette envers lui.
L’architecte l’engage alors comme jardinier et emploie sa femme Hazel comme baby-sitter. Très vite, l’intrusion du couple Bronsky chez les Briand vire au cauchemar.

Réalisateur : Joël Santoni
Acteurs :  Nicole Garcia, Jean-Pierre Bacri, Dominique Lavanant
Genre : Drame, Home Invasion
Pays : France
Durée : 124 minutes
Date de sortie : 
1986 (France)

Le Chat Qui Fume nous a habitués à débusquer des films rares, attendus depuis des années -si ce n’est décennies- faisant de l’éditeur un professionnel de l’exhumation, un sorcier des rêves perdus.
Pour rappel, il y avait eu la renaissance de La Traque réalisé par Serge Leroy, les propositions fascinantes de l’imposant coffret La Femme Scorpion, l’étrange Incubus ou encore la trilogie polonaise de Zulawski.

C’est dans cette dynamique que j’écris ces lignes. Avec l’impression de me retrouver face à un fragment dérobé de cinéma, un sentier oublié.
De la sorte, en cette année 2025, Le Chat Qui Fume fait renaître un titre curieux du cinéma français, un film attendu, home invasion avec Jean-Pierre Bacri : Mort Un Dimanche De Pluie.

Mort Un Dimanche de Pluie, L’Île des Bourgeois aux Rêves Suspendus

Joël Santoni est un cinéaste de seconde zone, si ce n’est de troisième zone, efficace et populaire, officiant principalement dans la comédie.
Mort Un Dimanche de Pluie, dans sa filmographie, est un film étrange réveillant un cinéma français cruel et pugnace, réinventant ses acteurs, Jean-Pierre Bacri en tête, et ayant le mérite de prendre des risques.

Découvrir Mort Un Dimanche de Pluie aujourd’hui, c’est comme découvrir 3615 Code Père Noël après Maman, J’ai Raté L’avion… une étrange sensation, celle de découvrir une racine pourrie qui a pourtant donné naissance à plus grand.
Nous sommes en 1986 et les graines de Funny Games et Parasite sont plantées.
C’est stupéfiant tant dans le fond que dans la forme. Santoni travaille le film d’intrusion et croise ce dernier avec un cinéma de guerre des classes.
Le cinéaste paraît avoir été ensorcelé par la violence de Peckinpah et séduit par Viridiana, oui, oui, le film de Bunuel.

Cependant, ces deux géants de cinéma sont vidés de leurs substances.
L’escalade de violence n’est alors présente que pour remplir la vacuité du récit, un cache-misère.

Est-ce grave ? Non.
Joël Santoni imagine-t-il tourner un grand film ? Absolument, son maniérisme le trahit.
Est-ce grave ? Oui désormais.

La proposition ne fait pas dans la finesse et les personnages sans nuances sont agaçants.
A vrai dire, ils sont risibles dans leurs natures structurelles.
De la sorte, le méchant a un crochet, sa femme est la nourrice sadique de la maisonnée, les enfants sont innocents, le père est à côté de la plaque et la mère reprend son emploi de jeunesse pour mieux laisser le champ libre à la maison et leur fille.
La conjugaison entre le sujet et le verbe, les protagonistes et l’action, est embarrassante.
Et cela sans avoir pris la peine d’approcher les séquences en dehors de la maison…
Ces dernières sont sont d’un intérêt douteux, comme par exemple le lieu de travail de la mère où le moindre de ses collègues donne des crises d’eczéma à chaque fois qu’un mot est échangé, sans compter la chanson promotionnelle du film, inadaptée et insupportable.

Ne perdons pas plus de temps, enfonçons le clou.
Comme si le home invasion ne suffisait pas, motif qu’il recycle sans prendre de risques, le réalisateur décide en compagnie de Philippe Setbon de tordre l’intrigue jusqu’à concevoir une narration sous forme de vendetta sociale.
Mort Un Dimanche De Pluie devient alors un film de vengeance qui n’a cette appellation que pour se permettre d’ouvrir le bal des sévices et jouir de sa montée sadique, confinée dans une architecture de béton à la rigidité éreintante, reflet de la bâtisse du film, reflet d’un film usant.

C’est pourtant, malgré tout et paradoxalement, dans son approche grossière que le metteur en scène touche à la peur, celle de se faire déposséder, celle de se faire dépasser par l’inconnu.
Les mécaniques d’intrusion et de dépossessions sont plaquées avec un tel rythme qu’il est difficile de reprendre sa respiration, apnée qui place le spectateur dans une véritable situation d’inconfort.
La proposition est troublante, de par sa manière d’oser infliger la douleur.
On sait le film bancal et pourtant la curiosité du « mais jusqu’où ça ira » prend le dessus et plaque un sentiment de danger perpétuel à la fois grotesque et crapuleux.

Joël Santoni avec Mort Un Dimanche de Pluie réalise le film le plus important de sa carrière, c’est dire, mais un film mineur en matière de cinéma.
Une proposition qui a le courage de placer ses acteurs en dehors de leur zone de jeux habituels pour Garcia, Bacri et Lavanant, et ce même si c’est pout précipiter leurs chutes.
C’est du bis, du bis de luxe certes, mais du bis, dans sa formule bis repetitae la plus pauvre, pellicule vorace qui mord de part et d’autre les vignettes de films bien plus audacieux.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray / 4K UHD

L’éditeur continue sa collection Scanavo avec fourreau, simple mais élégante, et propose deux versions : une édition contenant le disque Blu-Ray et une édition comprenant le disque Blu-Ray et le disque 4K Ultra HD.
Pour notre part, nous avons entre nos mains l’édition le plus complète.

Le fourreau cartonné reprend la très belle affiche originale retravaillée par Frédéric Domont, apportant des noirs plus denses.
Le visuel Scanavo, quant à lui, est une création du même Frédéric Domont, conservant des idées de l’affiche originale et mettant en lumière le couple d’acteurs principaux, Nicole Garcia et Jean-Pierre Bacri.

Encore une belle réussite éditoriale.

Image :

Restauré en 4K, à partir du négatif original, Mort Un Dimanche De Pluie resplendit sans dénaturer l’expérience, n’essayant pas de moderniser l’image.
Bien que le premier plan nous faisait craindre une restauration en demi-teinte, avec un cadre non stabilisé durant une partie du générique d’introduction, il se trouve que tout rentre immédiatement dans l’ordre dès la première séquence, pluie battante, la nuit.

Le travail des textures est une réussite qu’il s’agisse du béton, des vêtements ou encore de la peau. Il y a un naturel glacial et glaçant, comme s’il était possible de ressentir le caractère anxiogène des murs de cette maison-tombeau d’architecte.
La palette colorimétrique est assez riche et offre un nuancier précis permettant aux couleurs tranchantes d’être vives sans être pop et ouvrant des contrastes, ainsi qu’une profondeur des noirs solide.

Note : 9 sur 10.

Son :

Dts-HD MA 2.0 et 5.1 VF

Les deux pistes sont stables avec un mix agréable, des accompagnements instrumentaux apportant de belles rondeurs, et des voix présentes sans surplomber le mix.
C’est clair, avec de belles dynamiques.
La version 5.1, quant à elle, bien que discrète, permet de créer des atmosphères sonores d’ambiance bienvenues qu’il s’agit du bruit de la pluie, le son des pas. La spatialisation permet un sympathique spectre pour se laisser glisser dans ce cauchemar.

Les deux pistes proposent des sous-titres français pour malentendants.

Note : 8 sur 10.

Suppléments :

Le Chat Qui Fume nous a habitué à de nombreux suppléments sur ces éditions exhumant le cinéma français, multipliant les intervenants.
Ici, l’éditeur s’est recentré sur deux entretiens en compagnie du scénariste du film, Philippe Setbon, revenant sur sa carrière dans un premier temps et abordant le cas de Mort Un Dimanche de pluie dans un second temps.

  • Profession scénariste avec Philippe Setbon : Le scénariste revient sur ses souvenirs d’enfance, les films qui ont forgé son regard et sa plume, pour mener jusqu’aux films qu’il a écrit.
    Philippe Setbon est particulièrement à l’aise et structure à travers son parcours un cheminement de cinéma alternatif où l’on parle Charles Bronson, Klaus Kinski ou encore Sergio Leone.
    Regardez, c’est prenant !
  • Terreur sous la pluie avec Philippe Setbon : Un court supplément où Setbon aborde le cas Dimanche Un Jour De Pluie, le parcours tumultueux de l’oeuvre en salles et la collaboration avec Joel Santoni. Intrigant.

Note : 7.5 sur 10.

Pour découvrir Mort Un Dimanche De Pluie :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/mort-un-dimanche-de-pluie?srsltid=AfmBOoopaAN5jLpNR7cRuJNABnGnuEQEvIwPwddrBTTMCfWQ-_jztu39

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