Stars At Noon : Critique / Les Méandres Tropicaux De Claire Denis

Réalisatrice : Claire Denis
Acteurs : Magaret Qualley, Benny Safdie, Joe Alwyn
Genre : Thriller, Drame
Pays : France
Durée : 137 minutes
Date de sortie : 14 juin 2023

Synopsis : Une jeune journaliste américaine en détresse bloquée sans passeport dans le Nicaragua d’aujourd’hui en pleine période électorale rencontre dans un bar d’hôtel un voyageur anglais. Il lui semble être l’homme rêvé pour l’aider à fuir le pays. Elle réalise trop tard qu’au contraire, elle entre à ses côtés dans un monde plus trouble, plus dangereux.

Plus d’un an après avoir été couronné du prestigieux Grand Prix au Festival de Cannes, le nouveau film de Claire Denis débarque enfin en salles, en ce mois de juin 2023, alors que nous avons en tête les fresques de la nouvelle cuvée cannoise, un étrange retard, pour un film porté par deux étoiles contemporaines Margareth Qualley et Benny Safdie.

Nicaragua, en pleine crise du Covid, une journaliste états-unienne, tout récemment mise au ban, erre dans un territoire inconnu, seule, sans aucun soutien étranger, privée de ses documents d’identité. D’une relation à l’autre, la jeune femme tente de trouver une issue à ce songe poisseux entre étreintes et alcool, entre abandon et espoir. Elle fait alors la rencontre d’un jeune homme anglais, dans les affaires, tentant de créer des structures, tentant de faire fortune, dans cette nature sauvage, dans ces rues prises d’assaut par l’armée et des groupes paramilitaires.
Une idylle débute, un jeu de faux-semblants définit la relation, autour d’eux le monde se referme, la sueur étouffe, les corps de compressent. A l’extérieur, des regards acides les scrutent.
Qui sont ces jeunes individus ? Que veulent ces regards espions ?

Dans ces tropiques tout aussi suffocants qu’excitants, le regard est mis à rude épreuve. Un thriller érotique se forme, tout en trompe-l’œil, un jeu de piste s’esquisse.
Le nouveau film de Claire Denis joue sur une dynamique quasi insaisissable où toutes nos certitudes se dérobent pour réinventer constamment les personnages et mouvoir de manière troublante l’environnement. Les liquides corporels dans lesquels les individus baignent leur permettent de toujours s’éclipser, glisser entre nos pensées, sans pourtant jamais se réinventer, mais toujours pour mieux nous embrumer, concevoir de faux appuis, dales instables, qui font s’écrouler toutes nos constructions.

Nous pensons très rapidement à l’atmosphère d’un certain Pacifiction d’Albert Serra, en compétition la même année, qui jouait du climat tropical pour créer une dimension paranoïaque surréaliste.
La dimension paranoïaque, qui, dans ces terres, politiquement instables, où les puissances occidentales tentent de s’implanter pour mieux s’approprier les richesses, ne prend pas les mêmes dimensions, n’embarque pas sur les champs hallucinés et s’enfonce avec rudesse dans la crasse du réel, ne se soustrait jamais au tangible pour accéder au sensible.
Une puissance de cinéma qui est usé avec une frontalité épuisante perdant le regard, l’attention, au fur et à mesure du développement.

Reste les acteurs, en roue libre, qui accèdent autant au prodige qu’à la caricature, à la finesse de jeu comme au vulgaire, Margaret Qualley en profite donc pour montrer tout le panel des possibles, toutes les outrances d’interprétation, nous faisant passer de la fascination à une profonde indifférence.
Les autres comédiens sont littéralement avalés par cette lumière qui irradiait le dernier film de Quentin Tarantino, qui tenait tête à Brad Pitt, et qui ici, ne laisse de place à personne d’autres, offrant une galerie d’individus faussement énigmatiques et véritablement creux.
Joe Alwyn qui jouait ici son tremplin vers un public plus vaste se perd dans un troublant exercice de vide, là où, l’interprétation de Benny Safdie réussissait à relancer le film, s’égare finalement dans les méandres incontrôlées de Claire Denis.

Stars At Noon, lauréat du Grand Prix, aurait pu être un sublime et suave film d’errance, nous portant à l’hypnose totale, à la paranoïa absolue.
Les ingrédients étaient présents, l’atmosphère enivrante.
Finalement, à force de s’ausculter, de s’admirer, le film s’oublie totalement dans un enchaînement de faux semblants hasardeux, à l’intrigue politique vaseuse jusqu’au néant, et où les acteurs qui promettaient tant, sont tous dévorés par la fascinante mais lassante, de par son manque de nuances, Margaret Qualley.

Laisser un commentaire

Ici, Kino Wombat

Un espace de recherche, d’exploration, d’expérimentation, du cinéma sous toutes ses formes.
Une recherche d’oeuvres oubliées, de rétines perdues et de visions nouvelles se joue.
Voyages singuliers, parfois intimes, d’autres fois outranciers, souvent vibratoires et hypnotiques.
De Terrence Malick à Lucio Fulci et Wang Bing, en passant par Jacques Rivette, Tobe Hooper, Nuri Bilge Ceylan, Agnès Varda, Lav Diaz ou encore Tsai Ming-Liang, laissez-vous porter par de nouveaux horizons, la rétine éberluée.

Let’s connect