Killer Crocodile I & II : Critique et Test Blu-Ray

La frénésie du film de requins n’a jamais réellement disparu depuis Les Dents De La Mer réalisé par Steven Spielberg, ayant aujourd’hui même son propre genre et festival sur Paris, un espace d’horreur qui a eu de nombreux embranchements dont le film de crocodiles.
Un territoire d’expression analogue bien que plus sauvage, frontal, bis, qui prend son envol avec Le Crocodile De La Mort réalisé par Tobe Hooper et atteint son firmament avec le diptyque Alligator, réédité depuis peu chez Carlotta Films.

Cependant le cinéma reposant sur les crocodiles fluctue à travers les décennies, a toujours de nouveaux représentants, tout en restant assez discret.
De vraies réussites sont néanmoins nées ces dernières années qu’il s’agisse de Solitaire, réalisé par Greg McLean, Dark Waters, réalisé par Traucki et Nerlich ou bien Crawl, réalisé par Alexandre Aja.

Du côté de Le Chat Qui Fume, et leurs aventures fossoyeuses, direction l’Italie, chez les champions de l’exploitation sans concessions avec le diptyque Killer Crocodile qui convoque à la réalisation deux noms souterrains de l’industrie et qui ont pourtant participé aux plus grands succès transalpins de la fin des années 70, et qui ont traversé avec brio les années 80, le tout porté par des airs composées par Riz Ortolani, si si, vous savez la petite mélodie glaçante de Cannibal Holocaust.

Tout un programme !

L’article autour de l’édition de Killer Crocodile I & II s’organisera de la manière suivante :

I) La critique de Killer Crocodile I & II

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray de Killer Crocodile I &II

I) La critique de Killer Crocodile I & II

Killer Crocodile (1989)

Synopsis : Un crocodile géant qui habite près d’un site de déchets nucléaires est suspect dans la disparition d’une femme.

Deux pêcheurs dans leur barque, de nuit, partagent leurs ragots, leurs histoires. La mangrove est particulièrement calme.
Ici, dans les caraïbes, le prédateur dominant est l’être humain.
Dans ce silence trouble, une tempête est en mouvement, sous le regard terrestre, en terrain aquatique.
Un crocodile jaillit des eaux couleur pétrole. La bête est gigantesque, le titre vient poinçonner l’écran. Killer Crocodile débute.

Au beau milieu de la jungle et de ses marais, le dirigeant d’une petite ville joue de combine avec un industriel et accepte contre quelques dollars de dissimuler dans ses eaux des déchets radioactifs.
Une situation qui va attirer le nez des écologistes et autres journalistes pour témoigner d’un drame imminent pour la faune et la flore locale. Dans le chaos des affrontements humains, le crocodile rôde et tue, une menace qui pourrait bien pousser à lier les hommes face au monstre, face aux ténèbres dentés, face à leur création radioactive.

Fabrizio De Angelis, cinéaste italien spécialiste des environnements tropicaux, responsable effets spéciaux de Emmanuelle Et Les Derniers Cannibales, et producteur de L’Enfer Des Zombies de Lucio Fulci, se lance ici dans le film d’horreur à animaux à l’appétit gargantuesque.
Sans jamais ouvrir les portes de la nouveauté, Killer Crocodile surfe sur un curieux équilibre jouant avec nos souvenirs cinéphiles partant de Cannibal Holocaust jusqu’aux Dents De La Mer et n’essaie absolument pas de feinter nos rétines. Loin des effets visuels modernes, le film a un charme fou avec son monstre plein de textures douteuses en carton pâte, ferrailles et coques dures.
Le réalisateur embrasse pleinement le cinéma bis, dans sa forme pure « bis repetitae », et orchestre un film d’horreur particulièrement généreux où les airs composés par Riz Ortolani viennent à la fois convoquer nos cauchemars cannibales mais aussi se mêler à d’autres grands clins d’œil et signatures, quelque part entre John Williams et Ennio Morricone.

N’espérez à aucun moment prendre part à une quelconque fable écologique, ce n’est que décor. N’espérez pas vous prendre d’affections pour les personnages du film, ils ne sont que chair à dévorer.
Killer Crocodile limite son arc narratif à des échos de cinéma et plonge pleinement dans le bain de sang, la recette est la bonne bien que les séquences de liens entre deux attaques sont d’un vide sidérant, apportant quelques longueurs dans le déroulé, mais n’entamant jamais notre curiosité.

Killer Crocodile II (1990)

Synopsis : Liza, une jeune journaliste de New York, est envoyée aux Caraïbes pour enquêter sur la disparition de fûts de produits toxiques.

Seulement une année sépare le premier du second opus, et nous venons même à nous demander si le film n’est pas une immense aventure en deux parties.
Ainsi, Killer Crocodile II commence avec les dernières scènes de la première expédition et prolonge tout simplement le récit, incorporant de nouveaux personnages, et en faisant revenir d’autres, troquant l’industriel véreux par un promoteur immobilier, où il y a de l’argent, il y a du vice.

Gianetto De Rossi, maquilleur de légende, Haute Tension de Alexandre Aja, Dune de David Lynch, Il Était Une Fois Dans L’Ouest de Sergio Leone ou encore L’Au-Dela de Lucio Fulci, passe aux commandes derrière la caméra pour conter les nouvelles aventures de nos journalistes écologistes préférés face au crocodile radioactif.
L’angle d’attaque du réalisateur est sensiblement différent de celui que nous avions suivi chez Fabrizio De Angelis. Ici, les personnages principaux meurent peu et les figurants deviennent de merveilleux morceaux de barbaque.
Le cinéaste l’a bien compris ce que nous voulons c’est du croco, du sang et des corps qui exultent dans la moiteur tropicale.
Il remplit le contrat à merveille en ajoutant à la formule des déambulations dans la jungle et une romance cousue de fil blanc qui fonctionne assez bien pour nous porter loin de tout ennui d’une séquence de massacre à une autre, le tout porté par la partition de Ortolani bien plus présente et hypnotique.

Ce Killer Crocodile II est un vrai petit miracle de cinéma bis, qui dépasse de loin le premier film et ses quelques problèmes de rythme, pour construire de petites histoires anecdotiques qui parviennent à nous conduire au cœur d’un maigre récit qui capte l’attention et nous guide dans un dédale de sang et de chair où le crocodile à chacune de ses apparitions est une vraie déferlante de joie cinéphile, de violence et d’adrénaline.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray de Killer Crocodile I &II

Édition Blu-Ray de Killer Crocodile I

Image :

Le master en présence est de très bonne qualité, à l’exception de quelques cadres avec un grain plus poisseux, et d’autres où la patine se fait très lumineuse, certainement dû au matériel d’origine, Killer Crocodile I a un rendu admirable avec un niveau de piqué faisant ressortir la jungle et ses multiples textures, travaillant une belle profondeur, rendant le crocodile impressionnant, le tout rendant hommage au travail de la photographie laissant ressortir les multiples couleurs et faisant foisonner le résultat à l’écran permettant pleinement de prendre vie au spectacle s’articulant sous nos mirettes.
Reste parfois des séquences nocturnes où les noirs sont si denses que les détails s’évaporent.

Note : 8 sur 10.

Son :

Deux pistes sonores sont présentes sur l’éditeur de Killer Crocodile I.

  • La piste italienne DTS-HD MA 2.0 : Cette dernière est la plus équilibrée des deux pistes, elle permet de garder un certain classicisme bien que le ton complètement ahurissant du film, et la faiblesse d’écriture fasse virer le tout à la franche rigolade dès lors que nous possédons les rudiments de la langue italienne.
    Les niveaux sont bien harmonisés laissant le travail des ambiances musicales composées par Riz Ortolani respirer. Cependant, la piste souffre à plusieurs reprises de fréquences aiguës en fond qui poussera certains spectateurs à passer de la version italienne à la version française. Un tracas certainement causé par un problème du matériel utilisé, sûrement trop usé.
  • La piste française DTS-HD MA 2.0 : Concernant la piste française envoyant les voix droit dans la figure avec un doublage carnavalesque, décuplant finalement le charme du film, explosant son potentiel comique, il est difficile de parler d’équilibre des fréquences.
    Néanmoins, la piste est plus ronde, moins saturée et surtout n’a pas cette fréquence aiguë qui viendra vous faire tomber les cils du fond de pavillon. Les atmosphères se font tamisées, les dialogues surexposés mais le plaisir intact.

Note : 6.5 sur 10.

Supplément :

Deux suppléments sont présents sur le disque de Killer Crocodile :

  • EAUX TROUBLES avec le directeur de la photographie Federico del Zoppo (15 min) :

Del Zoppo revient sur les conjectures qui l’ont amené à être directeur de la photographie pour Killer Crocodile. Il débute l’entretien en communiquant sur ses rapports avec les différents membres de l’équipe puis s’embarque dans une extraordinaire explication technique des différents plans du films allant de la création d’une image aux apparats tridimensionnels aux plans aquatiques. Une rencontre fourmillant de détails rares sur l’usine à images qui fait le films.

  • HOMME VS CROCODILE avec l’acteur Pietro Genuardi (23 min) :

L’acteur aborde son arrivée sur le tournage, sans même avoir passé de casting, sans même connaître le réalisateur. De son changement de nom au quotidien sur le plateau et ses interactions avec les autres membres de l’équipe, l’acteur apporte le supplément le plus riche pour saisir la réalisation du projet. Un supplément incontournable.

Note : 10 sur 10.

Édition Blu-Ray de Killer Crocodile II

Image :

Assez similaire au rendu du master de Killer Crocodile I qu’il s’agisse du piqué ou de la colorimétrie, le film de Gianetto De Rossi est traversé à plusieurs reprises par des griffures, des « pocs » et fluctuations dans la netteté, cela arrive principalement durant le premier quart du film, dépasse le stade de l’anecdotique, tout en assurant toujours un confort certain de lecture. Le grain organique de la pellicule a gardé tout son charme et sa précision.
Concernant les scènes nocturnes quelques saturations sont à relever.

Note : 7.5 sur 10.

Son :

Comme pour l’édition de Killer Crocodile premier du nom, deux pistes sont proposées :

  • La version française DTS-HD MA 2.0 : Mieux balancée que pour Killer Crocodile I, laissant plus de place à Riz Ortolani, bien que laissant les voix toujours en premier plan, la piste française en présence d’une frontalité poussive et avec son doublage assez grotesque décuple encore le potentiel bis et second degré de la proposition. Un beau moment !
  • La version italienne DTS-HD MA 2.0 : La piste italienne est ici dénuée du défaut du premier film avec la fréquence aiguë liée à au matériel de restauration. Ici, tout est équilibré, rondement mené, nous enserrant dans une belle bulle où les cris et les mélodies s’enivrent et s’acoquinent dans nos pavillons.

Note : 7.5 sur 10.

Suppléments :

Deux suppléments sont présents sur le disque de Killer Crocodile 2 :

  • DANS LA GUEULE DU CROCODILE avec le réalisateur et maquilleur Giannetto de Rossi (14 min) :

Le réalisateur de Killer Crocodile II revient sur son expérience en ouvrant autour de sa relation avec Fabrizio De Angelis. En partant de cette axe, il commence à additionner le anecdotes venant petit à petit structurer ses souvenirs et donnant à voir de plus en plus clairement les forces derrière le tournage et leurs organisations.
Il voit le film à travers le prisme de son travail premier : maquilleur.
Le cinéaste commence à dessiner le film par les détails, et malgré une organisation de la parole qui fuse dans tous les sens, De Rossi réussit à ouvrir le regard sur le diptyque tout entier, donnant des reliefs assez excitants sur l’identité plastique de l’oeuvre.

  • SCÈNES COUPÉES DE KILLER CROCODILE II (4 min) :

Les scènes coupées proposées n’apportent rien de plus au film, quelques plans complémentaires. Rien de plus, rien de moins, rien de crucial en tout cas.

Note : 7 sur 10.

Avis général :

En exhumant le diptyque Killer Crocodile dans de si belles conditions, Le Chat Qui Fume ajoute une nouvelle perle des vidéos clubs à nos vidéothèque, faisant respirer les éditions fatiguées Neo Publishing avec des conditions techniques surprenantes et de très belles textures, un niveau de détails très fin ainsi qu’une colorimétrie très fournie. Un travail qui se trouve néanmoins limité, pour Killer Crocodile I, sa piste sonore italienne, et décuple son approche bis dans sa déclinaison VF.
L’édition est comme toujours luxueuse d’un point de vue physique, s’ancrant à merveille dans la collection digipack de l’éditeur qui prend désormais une armoire entière chez Kino Wombat, et fourmillant de suppléments qui apportent les connaissances nécessaires pour frimer lors de vos rencards et envoyer balader le film de requins au profit de la frénésie et de la barbarie du film de crocodiles.

Note générale :

Note : 7.5 sur 10.

Pour découvrir Killer rocodile I & II en Blu-Ray :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/killer-crocodile-i-ii

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