Synopsis : Hirosuke Hitomi, étudiant en médecine, souffrant d’amnésie, est interné dans un hôpital psychiatrique. Parvenu à s’en évader, on l’accuse faussement du meurtre d’une jeune femme. Au cours de sa cavale, il découvre la photographie d’un homme mort récemment, Genzaburô Komoda, qui est son parfait sosie. Hirosuke prend son identité et s’introduit au sein de la famille du défunt.
| Réalisateur : Teruo Ishii |
| Acteurs : Teruo Yoshida , Yukie Kagawa , Teruko Yumi , Mitsuko Aoi |
| Genre : Horreur |
| Pays : Japon |
| Durée : 99 minutes |
| Date de sortie : 1969 (au Japon) / Octobre 2023 (Blu-Ray) |
Il y a quelques années, lorsque la trilogie Majin pointait le bout de son nez, il était encore difficile de discerner une possible ligne éditoriale dédiée au Japon du côté de Le Chat Qui Fume. Nous étions plus habitués aux thrillers transalpins suaves, classiques hallucinés et étrangetés françaises.
Du coin de l’oeil nous avions l’habitude d’observer le ambitieux Spectrum Films en matière de cinéma asiatique.
Cependant, il restait tout un créneau de cinéma d’exploitation japonais qui ne trouvait pas de portes vers l’hexagone.
Un fascinant vivier que l’éditeur au matou qui clope a bien identifié.
Depuis donc l’arrivée du monolithique Majin, nous avons eu la chance de nous aventurer dans Evil Dead Trap I & II ou encore l’emblématique saga La Femme Scorpion.
C’est après ces extraordinaires déambulations nippones que le nom tant attendu et si rare de Teruo Ishii fit son apparition ces derniers mois, et ce, pour un film encore inédit en France, à l’exception d’une unique séance parisienne en 2004 : L’Effrayant Docteur Hijikata.
L’article se divisera en deux temps :
I) La critique de L’Effrayant Docteur Hijikata
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
I) La critique de L’Effrayant Docteur Hijikata
Hirosuke Hitomi est étudiant en médecine.
Sans raisons apparentes, il est interné en hôpital psychiatrique, soumis à un lourd traitement, de niveau équin.
Un matin, il se réveille, les cellules voisines sont vides, et un étrange homme l’agresse. Hitomi se débat, prend le dessus et l’emporte. La porte de sa cellule s’ouvre, le jeune homme s’échappe et est porté par une douce mélodie. Une suite de notes qui résonne en lui mais hélas Hitomi est atteint d’amnésie partielle et ne se rappelle plus l’origine de cette ritournelle.
Ses pas le guident jusqu’à un cirque et une jeune femme, source des fréquences sonores.
Un rapprochement s’opère, des secrets sur l’origine de ses mystérieuses notes, d’une île lointaine, s’échangent.
Dans l’intimité d’un susurrement, la jeune femme est poignardée en public.
Hitomi devient le principal suspect et se transforme vite en ennemi public numéro 1.
Dans sa fuite, il découvre dans les pages d’un journal le décès d’un homme lui ressemblant trait pour trait, d’une identité à une autre cet étrange chemin le rapproche inexorablement de l’île, celle confiée dans le creux de l’oreille en bordure du cirque, celle où vit un étrange docteur difforme ayant pour lubie de changer la face du monde.
Teruo Ishii, en 1969, alors qu’il se débat avec les multiples opus de commande Joy Of Torture, s’enfonce dans la brèche d’une nouvelle réalisation mêlant tout autant ses obsessions des corps, de la violence, qu’une véritable intrigue, vision dystopique effroyable.
Scindant son récit en deux segments très différents, le cinéaste japonais fait preuve d’une science du rythme qu’on ne lui a pas toujours connu. Un crescendo qu’on ne peut arrêter, s’amusant à dévoiler les pièces de son puzzle avec minutie pour maintenir les questionnements du spectateur, révéler pour mieux obscurcir.

De la sorte nous assistons à une première partie reprenant les codes du film d’enquête, voir de filature, teinté de motifs autour de l’usurpation d’identité rappelant Plein Soleil ou encore Profession : Reporter. La dynamique rappelle également l’échappée surréaliste Hitchcockienne de La Maison Du Docteur Edwards, et fusionne ce sentiment tout à la fois de fuite sans discontinuer, tout comme celui de s’élever, sur le cadavre, les architectures d’un autre.
Cette opposition des ressentis croisée à l’épais brouillard qui porte l’intrigue donne une énergie surprenante au long-métrage et ouvre nos rétines sur l’énigme première du film : l’île.
De corps sublimés à cadavre putrides en passant par chair maltraitée, la seconde partie du film s’ouvre alors sous nos mirettes et nous parvenons tout juste à croire au spectacle ahurissant et fascinant qui se joue sur l’écran.
Le spectre narratif de cinémas lointains se rappelle à nos esprits qu’il en soit de l’île de James Bond Contre De No ou encore, et surtout, la terreur insulaire qui cisaille encore nos entrailles : L’Intendant Sansho de Kenji Mizoguchi.
Teruo Ishii tient son public et le plonge dans l’innommable, il ouvre un cabinet des curiosités où la difformité est reine où les tissus organiques se mêlent, où les corps se disloquent, où l’imagination devient la dernière limite.

A la manière d’un grand huit, L’Effrayant Docteur Hijikata ne laisse que de très rares accalmies à nos regards, le film nous surprend et invoque tout un cinéma à venir, questionnant nos rétines sur la place presque essentielle de ce film bien que pourtant disponible pour la première fois en France, à l’exception d’une unique séance en festival il y a près de 20 ans.
La proposition approche de sa sixième décennie et il est possible d’entrapercevoir tout un cinéma du chaos qui transperce nos vies cinéphiles des années 70 jusqu’à à nos jours.
De Salò, et ses rituels sadiques, sadiens, sur la population, jusqu’à The Human Centipede, et la chirurgie gémellaire, en passant par une structure de récit rappelant L’Ile du Docteur Moreau ainsi que des atmosphères à cheval entre la crasse primitive d’un Cannibal Holocaust et le raffinement hallucinatoire de La Montagne Sacrée, la réalisation de Teruo Ishii a toute sa place parmi les classiques du cinéma nippon, et ce, bien au-delà des simples paysages horrifiques et érotiques.
En découvrant aujourd’hui L’Effrayant Docteur Hijikata, nous mettons le doigt sur une pièce manquante, et marquante, de l’histoire d’un cinéma alternatif qui n’a cessé de se mouvoir et évoluer durant les décennies l’ayant succédé, puis oublié.
Quelque part entre L’Intendant Sansho, Salò, Plein Soleil, The Human Centipede, James Bond Contre Dr No, Cannibal Holocaust, L’Ile du Docteur Moreau, La Maison Du Docteur Edwards, Chromosome 3 et La Montagne Sacrée se trouve l’identité de cette proposition hallucinée de Teruo Ishii, cinéaste stakhanoviste, qui bien qu’ayant enchaîné les projets et commandes a toujours appuyé son regard, sa marque.
Il tisse au cœur de cette réalisation datant de 1969, un sommet de cinéma de l’étrange qu’il était impératif d’exhumer.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
L’édition Blu-Ray de L’Effrayant Docteur Hijikata rejoint la luxueuse, et désormais luxuriante, collection des éditios digipack de l’éditeur.
Comme toujours un soin tout particulier est porté au visuel.
Frédéric Domont est encore de la partie et a conçu une jaquette qui rappelle la dynamique de la très critiquée couverture du Halloween II, que nous adorons pour notre part.
L’artiste graphiste a saisi une image du film, celle du docteur durant ses déambulations côtières hallucinées, afin de faire ressortir toute l’aura mystérieuse et torturée du film de Teruo Ishii. Quant aux inserts intérieurs lorsque l’on déplie les différents volets, ces derniers invitent à l’étrange et au chaos. Encore du beau travail !

Image :
Assez proche du master proposé par Arrow il y a quelques années, le master en présence offre une image ayant gardé la force organique de la pellicule, avec quelques accrocs certainement dû au matériel d’origine, laissant apparaître de belles textures, un niveau de détails soigné et un agréable grain.
Du point de vue des couleurs, le film tire dans sa majorité vers des tonalités naturelles, mais s’engage parfois vers des saturations colorimétriques dénaturant certaines textures. Certaines scènes, flashbacks, en noir et blanc offrent des contrastes intéressants et des noirs profonds.
A noter que les séquences hallucinées sur l’île sont particulièrement belles et marquantes, le travail dépasse même nos attentes sur quelques séquences.
Son :
Une unique piste est disponible en japonais sous-titré français DTS-HD Master 2.0.
Cette dernière est appréciable, assez bien balancée entre voix et ambiances sonores, et en général plutôt claire dans son déroulé.
Reste certaines fréquences ambiantes où lorsque les aigus sont parfois trop poussés la piste sature. Une situation peu récurrente.
Suppléments :
Un unique supplément est présenté, ainsi que la bande-annonce du film. Mais quel supplément !
Une présentation fourmillante de détails par l’un de nos cinéphages favoris : Julien Sévéon.
Ce dernier revient autour de la carrière de Teruo Ishii et nous introduit au monsieur quelque part entre les films d’évasion et les joy of torture, réalisés à la chaîne jusqu’à l’écœurement.
C’est en partant de cette situation que le spécialiste s’embarque sur le long fleuve tumultueux du cinéaste et de sa rétine hallucinée. N’en disons pas plus car c’est tout bonnement fascinant et très bien articulé. Les mots justes pour une pensée claire.

Avis général :
Bien qu’il y a quelques années Bach Films a réussi à ressusciter de nombreuses œuvres de Teruo Ishii, il faut reconnaître que le rayonnement du cinéaste nippon en France se fait de plus en plus vacillant et que la (re)découverte de l’hystérique et hypnotique L’Effrayant Docteur Hijikata pourrait bien permettre un nouveau regard, une nouvelle exhumation.
Le Chat Qui Fume a bâti une solide édition, rappelant le master image de Arrow, qui était bien plus que correct, et offre une confortable, bien que saturée par endroits, piste son VOSTF.
La clôture de cette édition touche une fois encore très juste avec un unique supplément qui à lui seul porte toute la section contenu additionnel d’une manière particulièrement détaillée en compagnie de Julien Sévéon.
Pour découvrir L’Effrayant Docteur Hijikata en Blu-Ray :


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