Brigade Des Mœurs : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Des travestis vendent leurs charmes dans le bois de Boulogne quand soudain surgissent des motards lourdement armés, qui abattent trois personnes parmi lesquelles Dolores, un indic de Gérard Lattuada, inspecteur à la brigade des mœurs. Celui-ci hérite de l’enquête. Investiguant dans les bas-fonds des pornos clandestins, aidé en cela par ses connaissances dans les milieux de la prostitution, Lattuada apprend qu’un dangereux caïd surnommé le Grec a commandité le meurtre de Dolores.

Réalisateur : Max Pécas
Acteurs :  Thierry De Carbonnières, Pascale Roberts, Christian Barbier
Genre : Polar
Pays : France
Durée : 97 minutes
Date de sortie : 1985(salles) / décembre 2023 (Blu-Ray/UHD)

Cela fait désormais quelques années que Le Chat Qui Fume se pavane dans le champ du polar français, ramenant à la vie de nombreuses œuvres inattendues, et pour certaines inespérées.
Dans le cas de Kino Wombat, l’amour du film policier frontal, cru et violent n’a jamais été véritablement notre tasse de thé. Les intrigues étant rarement passionnantes et la mise en scène trop souvent putassière.
Cependant, la curiosité, lumière interne maladive, nous pousse continuellement à nous embarquer vers des territoires peu pratiqués et parfois même des espaces mal-aimés de nos services.
Aujourd’hui, en découvrant Brigade Des Moeurs signé Max Pécas, que nous connaissions pour ses œuvres érotiques grivoises, nous entrapercevons une facette du cinéaste étrangement obscure, désillusionnée et anxiogène.
Brigade Des Moeurs n’est pas véritablement un polar, plutôt une variante intrigante, il s’agit d’un film de nuit, un film où la bête s’éveille lorsque les bonnes gens sont endormis. L’horreur du pavé, qui est ancrée, marquée, par des décennies et siècles de sévices, exulte.
La capitale, ville de l’amour, devient ville de la mort, vice des faubourgs.

L’article autour de Brigade Des Moeurs s’organisera en deux temps :

I) La critique de Brigade Des Moeurs
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de Brigade Des Moeurs

Paris, la nuit. Paris, le sexe. Paris, les armes.
En périphérie de la capitale, dans les sous-bois, des motards armés et masqués abattent plusieurs travailleuses du sexe transgenres.
Lors de la fusillade, Dolorès, une indic de l’inspecteur Lattuada est tuée.
Une première victime dans le cercle de l’inspecteur qui va très rapidement pousser le représentant des forces de l’Ordre à outrepasser ses fonctions, et poser son poing vengeur sur l’affaire, dépassant l’investigation et les méthodes institutionnelles.

Dans cette réalisation de fin de carrière pour Max Pécas, il y a l’expression d’une radicalité, d’une ultra-violence, peu connue et commune de la part du cinéaste. Un regard généralement bien plus entiché à filmer les corps dénudés.
Avec Brigade Des Mœurs, il s’installe dans le genre du polar alors que ce dernier est en train de s’éteindre, tourner à la dérision, Les Ripoux sont sortis tout juste un an plus tôt.
Le filon exploité sous toutes ses formes depuis les années 60 commence à tourner en rond et cette sortie surprenante dans la filmographie du réalisateur intrigue tout particulièrement car elle replonge Pécas dans un univers qu’il n’avait plus touché depuis les tous débuts de sa carrière avec des fictions policières telles que Le Cercle Vicieux ou encore De Quoi Tu Te Mêles, Daniela !, œuvres aujourd’hui éclipsées.
En retournant alors vers ce cinéma policier coup de poing, le réalisateur vient à plonger dans la nuit, à vouloir soulever des ténèbres qui cisaillent la capitale, quelque part entre prostitution, marginalisation des transsexuels, trafics de drogue et étranges clubs gays.
Le cinéaste français esquisse un tableau des zones ombrageuses, marginales, qui terrifient la France au tournant des années 80, les parias médiatisés.
Ce Brigade Des Mœurs trouve alors sa place quelque part entre le Cruising de Friedkin et le Irréversible de Gaspar Noé, à la rencontre de l’obscurité, dépassement de l’humain pour entrevoir la bête.

Max Pécas travaille sa proposition en deux mouvements, dissociant le jour de la nuit, faisant régner d’une part une police sous l’astre lumineux, ne sachant que faire une fois la lumière couchée, instant où les loubards sortent, moment où les trafics débutent, période durant laquelle la loi semble ne plus contenir la société, reste alors la bavure, l’exercice des fonctions en outrepassant les règles.
C’est dans ce chevauchement de l’obscurité et des lumières désespérées que la lutte démarre, que l’inspecteur Lattuada se laisse embarquer dans un tourbillon d’ultra-violence, reprenant les codes des vigilante movies.

La force principale de la proposition réside dans sa violence visuelle et sa manière de soutenir l’attention en surenchérissant constamment d’une scène à l’autre.
Pécas ouvre le film par une fusillade dévoilant tout autant la chair que l’anatomie inattendue des travailleuses du sexe.
En un cut, il nous plonge de ce chaos nocturne à l’inquiétante morgue où il filme les corps, cherche l’axe pour ouvrir une brèche en nous, une faille pour créer le déséquilibre nécessaire à la captation de nos esprits.
À partir de cet instant Max Pécas joue d’un intrigant montage au rythme assez inégal, reléguant l’enquête au néant et préférant saisir notre rétine au cœur d’un Paris secret entre clubs crasses, orgies bourgeoises, carcasses mutilées et meurtres.
Les corps se rencontrent, les lames pénètrent, les coups de feu disloquent.

Bien que le réalisateur français ne parvienne pas à tenir son intrigue, quasi-inexistante, il tisse néanmoins la toile d’une société au bord du gouffre, d’un État qui ne sait plus comment contenir sa violence et où flics comme criminels dessinent le chemin des hors-la-loi comme dernière voie pour exister.
La capitale, celle qui souhaite refléter la ville des amours, de la culture et d’un art de vivre à la française, explose littéralement sous nos yeux et montre sa véritable nature, celle des caniveaux, de la crasse, de la chair et des ténèbres.

Brigade Des Mœurs parvient à trouver sa postérité à travers son engagement à pousser les potards de la violence dans des dimensions démesurées, et bien que le polar ait toujours été un genre cru et irrévérencieux, cette étrange réalisation de Max Pécas est une étonnante descente aux enfers, ceux qui se trouvent sous nos porches, ceux que nous croisons, distinguons, et face auxquels nous détournons le regard.
Pourtant, dans ces recoins qui font dresser l’échine, se joue tout le mystère et les réponses d’une société malade.
Un bourbier que le cinéaste observe avec une inquiétante jouissance, ouvrant nos rétines à des perceptions nauséeuses, et malgré une intrigue bien maigre, captive. Surprenant.

II) Les caractéristiques technique de l’édition Blu-Ray

Le digipack designé par Frédéric Domont, combo Blu-Ray/UHD, reprend en visuel premier l’affiche originale du film.
Comme toujours le fourreau et son contenu attirent nos rétines, les photographies choisies trouvent toujours à magnifier le film et Le Chat Qui Fume garde sa ligne de collection intacte et magnifique.

Image :

Le master sur le disque Blu-Ray et proposé au format 1920×1080/24p.

Le tout nouveau master 4K de Brigade Des Moeurs est une véritable réussite.
Le Chat Qui Fume offre une expérience stupéfiante en matière de restauration, préservant à merveille la texture pellicule, conservant un juste grain et révélant une myriade de détails. L’image est stable, débarrassée des poussières parasites, griffures, pocs et autres affres du temps
Les couleurs sont parfaitement balancées, offrant de beaux équilibres aux différents cadrages et plongeant nos regards dans un travail du piqué minutieux.
Reste quelques légères chutes, restant d’excellente factures, lors de quelques scènes de nuit sauvages et moins bien éclairées, on pense à la course au beau milieu des bois lors de la séquence d’introduction.

Note : 9 sur 10.

Son :

Une unique piste en Français DTS-HD MA 2.0 est présente.
Bien que l’expérience sonore soit plutôt dynamique et pénétrante, avec une restauration certaine, évitant les saturations dans les aigus, et donnant une belle ampleur à l’espace sonore général, le master en présence pousse par moments à augmenter le volume afin de mieux saisir les lignes de dialogue.
La prise de son d’époque doit y être pour quelque chose et quelques phrases sont brouillonnes.

Note : 7 sur 10.

Suppléments :

• Flic de Choc avec l’acteur Thierry de Carbonnières :
L’acteur principal du film revient sur son rôle dans le film, sa rencontre avec Max Pécas.
Il s’embarque dans ses souvenirs, parfois en roue libre et est recadré lorsqu’il part trop en périphérie.
L’acteur aborde avec nostalgie sa carrière, ses choix et se questionne sur le regard que l’on a pu et peut porter sur son travail.
Un supplément intéressant, parfois en errance, mais revenant sur toute une période du cinéma français, étrange environnement, d’un point de vue d’acteur.

• La Belle, La Blonde et la Bronzée avec l’actrice Olivia Dutron :
L’actrice s’aventure sur son parcours avec Max Pécas et s’embarque ensuite autour de Brigade Des Mœurs.
Avec les yeux pétillants, et un vrai plaisir du partage, elle accompagne nos esprits à travers tout un monde disparu, celui d’un cinéma tout aussi lointain que particulièrement actuel.

• Photographe des moeurs avec le directeur de la photographie Jean-Claude Couty :
Certainement le supplément le plus intéressant.
Un entretien chargé, précis et assez juste. Il y a tout l’amour pour une époque qui transparaît. Un parcours se dessine, de monteur amateur à photographe, véritablement fascinant.
Le photographe passe de souvenirs de tournage à rencontres de grands noms du cinéma hexagonal, réalisateurs et producteurs, organisant le parcours singulier de cet homme. Ne ratez pas ce supplément.

• Souvenir de Christophe Lemaire :
Supplément non mentionné sur l’édition mais bien présent, Christophe Lemaire aborde le cinéma de Max Pécas des premières heures à Brigade Des Mœurs en passant par les comédies érotiques. Lemaire est passionné, passionnant, ouvrant un puits d’anecdotes tant de cinéma que de cinéphile. On parcourt Paris de souvenirs en souvenirs, de cinéma en cinéma, de cinéastes en obsessions.

• Film annonce

Note : 8.5 sur 10.

Avis général :

Brigade Des Moeurs et une véritable curiosité du cinéma français, une proposition qui fait tout son possible pour sortir du cadre, éclabousser, tâcher, quitte à parfois saboter sa narration, ses personnages et intrigues.
Néanmoins, il s’agit d’un cinéma d’exploitation généreux, ultra-violent, bien que dépassé aujourd’hui, donnant à voir Paris sous la lumière des maudits, ceux qui dans l’ombre des nuits font renaître la sourde et malveillante nature qui sommeille en l’homme, que l’on soit flic ou loubard, la graine est la même.
L’édition proposée par l’éditeur français est surprenante, et ce tout particulièrement de par son master 4K qui vient donner au film une beauté inattendue et intrigante, un rendu image qui reste néanmoins au dessus de la piste son ne parvenant pas à pleinement stabiliser les lignes de dialogues, poussant parfois à tendre l’oreille.
Enfin, comme à son habitude, Le Chat Qui Fume propose un contenu additionnel pertinent et envoûtant, partant à la rencontre des différents noms qui ont fait le film, s’acoquinant avec des cinéphiles, et spécialistes, afin de plonger au cœur de l’oeuvre.
Mordus de polars qui tâchent et de corps qui se tordent, foncez !

Note : 8.5 sur 10.

Pour découvrir Brigade Des Moeurs :
https://lechatquifume.myshopify.com/products/brigade-des-moeurs-bluray-simple?shpxid=6086c164-56a4-45f9-9c8b-3b5654501e1e

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