Les Vampires : Critique

Synopsis : Paris, 1956. Le cadavre d’une jeune femme est retrouvé dans la Seine. Peu de temps après, une comédienne est enlevée dans sa loge. Parallèlement à la police, un jeune journaliste, Pierre Lantin, mène l’enquête sur le mystérieux tueur en série, appelé « le Vampire ». Mais son travail est constamment interrompu par les avances répétées de la belle et riche Gisèle, nièce de la Duchesse du Grand…

Réalisateur : Riccardo Freda, Mario Bava
Acteurs :  Gianna Maria Canale, Carlo D’Angelo, Dario Michaelis
Genre : Horreur Gothique
Durée : 85 minutes
Pays : Italie
Date de sortie : 1957

Réalisation débutée par Riccardo Freda et terminée par Mario Bava, qui était initialement chef opérateur sur le projet, Les Vampires est un film charnière dans le paysage cinématographique italien.
Un premier essai sur les terres italiennes pour le cinéma fantastique à tendance gothique, territoire de cinéma généralement réservé à la Hammer et ses relectures des figures horrifiques des productions Universal des années 30.

À Paris, de nombreuses jeunes femmes âgées de 18 ans, appartenant au groupe sanguin C, sont retrouvées mortes, sans traces de violence mais entièrement vidées de leur sang.
En périphérie de la ville, une immense demeure surplombe l’horizon, appartenant à la famille Du Grand.
De manière surprenante l’ héritière de la famille ressemble étrangement à sa tante lorsque cette dernière était jeune. D’ailleurs, lors des réceptions données, jamais les deux femmes n’ont été vues dans la même pièce.

La relecture du mythe des vampires en présence dépasse allègrement la simple réalisation bis repetitae et mise sur une hybridation entre polar et cinéma fantastique.
L’enquête prend le dessus sur le surnaturel et offre une dynamique assez intéressante où la figure du journaliste se transforme très rapidement comme le seul élément pouvant rapprocher les forces occultes de la rationalité du dispositif policier, seul intermédiaire entre le peuple et la bourgeoisie.

Des rues de la capitale où la jeunesse insouciante se pavane aux caves oubliées de la bâtisse Du Grand où elles seront dénuées de leur plasma, Les Vampires, trois ans avant le classique de Franju, tisse déjà l’arc narratif de Les Yeux Sans Visages.
Il y a cette capitale fourmillant de chair à expérimenter et cette ruralité secrète où les fortunés et grandes familles abusent de leurs magots sur la jeunesse, pratiquant une chirurgie clandestine pour répondre à de troubles besoins personnels.

Cette terrifiante Madame Du Grand a alors tout autant de l’ADN de Nosferatu que de la comtesse Bathory. Elle vit dans le spectre de Dorian Gray, tout comme dans l’impasse de Tithon.
La seule présence réservée à l’expression de « vampire » est d’ailleurs laissée au titre du film et à la présence d’une chauve-souris dans l’immense domaine Du Grand.
La figure fantastique reste particulièrement énigmatique. Elle est dosée avec un doigté d’alchimiste et fait de fulgurantes incursions, comme le vieillissement eclair de Mme Du Grand, désorientant totalement le spectateur et ouvrant un chapitre troublant, curieux, pour les connaisseurs de la figure romantique du vampire.

En parlant de romantisme, Bava apporte sa griffe et scelle une malédiction amoureuse, si ce n’est une inquiétante tragédie, entre la généalogie de la femme assoiffée de sang et la lignée du journaliste.
On ressent les séquences Freda, hasardeuses mais jouissives, n’osant jamais trop s’embourber dans l’occulte, et la puissance fracassante de la rétine de Mario Bava.
Les prémices de la grâce de Le Masque Du Démon se distinguent, le conte gothique infuse et lorsqu’il est à la fois maître du tournage et seigneur de l’image, la magie opère.
Nos regards sont tout autant effrayés qu’émerveillés.

Les Vampires marque alors cette passation de flamme entre Freda et Bava, un tournant pour le cinéma italien, qui connaîtra des répercussions à travers le monde, malgré une réception difficile du film à sa sortie.
Il est aujourd’hui évident que le geste d’artisan du cinéma de Mario Bava a ouvert la voie au fantastique dans un pays qui connaîtra dix ans plus tard une véritable déferlante du genre.
Un incontournable, un pilier.

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