
| Réalisatrice : René Laloux |
| Dessins : Philippe Caza |
| Genre : Animation |
| Durée : 83 minutes |
| Pays : France |
| Date de sortie : 1987 (salles) // avril 2024 (Box Blu-Ray 4K UHD) |
Synopsis : Sur la planète Gandahar – Dirigés par le Conseil féminin, les humains vivent paisiblement, en harmonie avec la nature. Mais la paix est rompue lorsque, attaquant de nombreux villages, des Hommes-machines changent en pierre les habitants. La reine Ambisextra charge alors un jeune chevalier, Syl, d’enquêter sur ces étranges phénomènes.
L’année 2024 est celle de la résurrection pour René Laloux.
Après un impressionnant travail de restauration de son classique La Planète Sauvage, l’an dernier, le cinéaste a fait l’objet d’un travail de rétrospective conséquent mettant en lumière le reste de sa filmographie.
En cela, Les Maîtres Du Temps et Gandahar ont fait leurs retours dans de nouvelles configurations, avec master 4K et finition HDR.
Dans le cas de Gandahar, c’est Le Chat Qui Fume qui s’est attelé à la tâche offrant une édition exhumant tout à la fois le film de 1987 dessiné par Philippe Caza mais également nombre de courts-métrages de René Laloux.
Gandahar, tout comme La Planète Sauvage, a connu des difficultés de financement. Pour son premier long-métrage Laloux avait réalisé le film en Tchécoslovaquie.
Pour Gandahar, les difficultés sont encore plus présentes et le cinéaste est allé jusqu’à Pyongyang, avec Philippe Caza, afin de faire naître son ultime long-métrage après plus de dix ans de gestation.
La Critique de Gandahar
Sur la planète Tridan, au cœur des terres de Gandahar, dans la capitale Jasper un peuple embourgeoisé vit au sommet d’une colline.
Ces gandahariens vivent en harmonie avec la nature, ne connaissant plus la guerre et l’hostilité depuis bien longtemps. Ils ont développé un sens poétique aigu. Ils ne cessent de chercher et révéler le beau dans chaque chose.
Dans cette paix qui semble éternelle, la population a oublié de regarder par-delà son horizon, les dirigeants politiques ont muré les esprits. L’au-delà n’est enseigné qu’à travers des jeux d’illusion et de faux savoirs.
Un matin, de doux oiseaux atterrissent, malades, au pied de la reine. Ces derniers ont été attaqués par une technologie inconnue et très avancée. Le conseil de la ville envoie alors Sylvain, un jeune servant intrépide, pour investiguer.
Sur son parcours il découvrira une terre rongée, desséchée, délaissée par ses propres dirigeants. Il fera la rencontre d’espèces soit-disant disparues, et de peuplades exilées, pour raisons de non conformités physiques. Le régime de lumière devient ombre autoritaire.
Ainsi, les transformés font leur apparition, êtres imparfaits conçus par les dirigeants gandahariens de Jasper et aujourd’hui abandonnés.
Sylvain, guidé par cette peuplade bannie, se rend vers le lointain, là où une force obscure vient à éradiquer toute forme de vie. Dans ces espaces inconnus, la perception du temps comme de l’espace s’obscurcissent, le réel se distord. Les armées noires, quant à elles, apparaissent et s’élèvent.

René Laloux et Philippe Caza ont créé avec Gandahar un saisissant éco-système, vision alternative des étendues terrestres et s’amusent à mettre en miroir nos impasses sociétales dans cette dystopie cauchemardesque. Des motifs qui relèvent tout autant de la mythologie grecque, allant de Méduse au Mont Olympe en passant par Prométhée, que de la Science-Fiction des années 70, avec L’incal en tête, ne cessent de traverser l’esprit.
Tout un bestiaire a été conçu, des variations troublantes de nos réalités relevant tout autant du fantasme que d’échos internes terrifiants se dévoilent.
Toute cette faune, toute cette flore, sont offertes à nos consciences à travers un intrigant travail de cartographie imaginaire, mettant en avant un territoire, Gandahar, sa capitale, Jasper, sa bourgeoisie, ceux qui vivent sur la montagne, sa population, les peuples périphériques, ses bannis, les transformés, son industrialisation vorace, le métamorphe et les armées noires.
Cette carte est traversée, mise en reliefs, afin d’en donner plusieurs perspectives à travers les rétines et les temps passés et à venir.
Laloux distingue deux mondes, celui des apparences, oisif et inoffensif, vitrine de Jasper, et celui des fondations, où les expériences de transcendance de la matière, des corps, poussent à l’altération de l’organe, poussent à créer des entités destructrices.
De ces expériences déchues et rejetées dans les flots et autres zones désertiques, le destin s’en vient modifié, les réseaux tropiques altérés et le monde changé à jamais.
Les mécaniques du désastre à venir sont à la fois des résultantes de réalités tangibles et d’inconscients collectifs. Laloux ouvrent alors des voies vers l’invisible, chevauche l’atome, questionne le vivant, la place de tout un chacun et observe avec intelligence les cellules dégénérées.
Gandahar se métamorphose, devient organisme à explorer au microscope, lieu infecté où les individus sont globules, combattants contre des forces qui ne cessent d’obscurcir les souches de vie.

Le récit en présence vient à s’engager dans une certaine déliquescence ambiante, dans un monde au bord du chaos à force d’en maltraiter les formules structurelles.
Dans ce crépuscule qui fait face au ténèbres, les temps semblent se mêler, se troubler. Passé, présent et futur sont devenus magmas entrelacés.
La narration vient se mettre en échos à nos propres modes de vie, nos propres dominations, nos propres soumissions.
La proposition capture tout un monde, elle le soumet à l’épreuve du temps, qu’il s’agisse des siècles ou de millénaires, pour constater des dynamiques troublantes entre célébrations de la vie, recherche de lumière, et conflits génocidaires, ténèbres infinis.
L’un pousse à l’autre, les pratiques extrêmes créent les horreurs.
L’équilibre d’un système passe alors par une juste mesure de ces ombres, de ces lueurs, un travail de longue haleine qui promet néanmoins un avenir meilleur. Laloux met au point une formule imparfaite mais nécessaire.
Gandahar est une trouble œuvre qui se joue des formes, de la matière, des organismes tout comme du temps, des lieux et des structures politiques.
Il est tout aussi exaltant que frustrant de s’élancer dans les analogies entre nos sociétés et les mécaniques gandahariennes.
René Laloux conçoit de nombreux concepts foisonnants et file, ne se penche pas toujours pour développer, construisant une gigantesque toile de fond dans laquelle, parfois, les personnages ne parviennent à exister, donnant l’impression d’une exploration floue bien plus que de la fresque épique à travers le temps promise.
Reste que la proposition est d’une grandeur formelle enivrante et d’une inventivité charmante, il va définitivement falloir réévaluer le nom de René Laloux, l’extirper du titan La Planète Sauvage, afin de contempler un artiste visionnaire saisissant l’invisible, tordant l’imaginaire, pour renvoyer l’humanité à de terrifiantes visions miroirs, alarmes primordiales pour ne pas chuter éternellement dans l’autodestruction.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray 4K UHD
Le Chat Qui Fume avait su par le passé nous habituer à une certaine excellence éditoriale.
Ici, en rouvrant sa gamme « box », comme cela avait été le cas avec Possession, nous sommes face à une proposition exemplaire, qui dépasse de loin les attentes.
La boîte reprenant des dessins de Philippe Caza, et d’une taille à la juste mesure, renferme l’édition combo BR 4KUHD/BR, le livre Gandahar par Philippe Caza et l’édition Blu-Ray Les Enfants De La Pluie.
Le combo digipack renfermant le film est de nouveau designé par Frédéric Domont, reprenant ici l’affiche originale tout en jouant des dynamiques colorimétriques saisissantes.
Le verso reprend la présentation habituelle de l’éditeur.
Un très bel objet !
Image :
Format 1.37 d’origine // 3840×2160/24p – HDR Dolby Vision
C’est tout bonnement fabuleux.
Le Chat Qui Fume vient porter à nos rétines une véritable référence en matière de restauration de cinéma d’animation.
Il y a tout autant un travail de la pellicule qui fourmille de vie, qui vient chercher les moindres gestes de création, qu’un travail autour des couleurs à couper le souffle. Les détails appuient l’épure complexe de Caza.
L’apport Dolby Vision permet une palette et un dynamisme d’une étonnante justesse. On se laisse à l’hypnose de certains pigments.
Les contrastes ne poussent jamais à la saturation, les noirs sont particulièrement profonds.
On prend un plaisir total à se perdre dans les dégradés, dans les rencontres de couleurs, dans les atmosphères de chaque lieu. Nous avons tellement été envoûté qu’il a fallu un second visionnage afin de pouvoir vous parler du film. La première rencontre ne fut qu’émerveillement visuel.
Quelques rares poussières et pocs traversent la restauration. On s’en rend tout juste compte.
La proposition de René Laloux renaît, charme et dépasse nos attentes.
Du grand travail ! Merci Le Chat !
Son :
Français DTS-HD MA 5.1 et 2.0
La piste sonore 5.1 est également de très bonne qualité permettant aux mots des personnages de se répandre dans la pièce avec une poésie et une dynamique sonique extatique.
L’ambiance sonore ainsi que l’accompagnement musical, un peu en deçà des voix, offre des ambiances véritablement saisissantes. La proposition ne verse jamais dans le colossal et conserve une transmission sonore intime de cet univers où nous avons tant pris de plaisir à nous perdre. La spatialisation joue de belle manière avec les surrounds.

Suppléments :
• Il était-sera une fois… L’aventure de Gandahar réalisé par Fabrice Blin (35 min)
L’aventure Gandahar débute avec son auteur, Jean-Pierre Andrevon.
L’auteur revient sur son idée de départ, les impasses rencontrées et son rapport à l’adaptation cinématographique par René Laloux.
Par la suite, Philippe Caza revient sur son arrivée sur le projet, les prolongations libres face à l’oeuvre originelle.
Le supplément revient sur les travaux préparatoires chez René Laloux puis s’échappe jusqu’à l’horizon nord-coréen pour saisir le paysage général de la création de Gandahar.
• Interview archive du réalisateur René Laloux et du dessinateur Philippe Caza (4 min)
Bref entretien d’époque qui laisse la parole au regretté René Laloux et offre un axe de lecture au film, l’appréciation du réalisateur.
Une prise de parole complétée de manière fugace par Caza.
• Interview de l’assistant réalisateur Philippe Leclerc
Entretien fleuve avec Philippe Leclerc qui revient de ses inspirations premières, sa rencontre inattendue avec Laloux et puis de manière particulièrement détaillée, minutieuse, le réalisateur de Les Enfants de la pluie revient sur l’épopée Gandahar.
• Gandahar par Fabrice Blin (1h)
Le point de non retour, après un tel monolithe, Gandahar n’aura plus aucun secret pour vous.
• Interview de Gabriel Yared
Le compositeur de la musique du film revient sur sa rencontre avec le réalisateur.
Gabriel Yared aborde la manière avec laquelle il a souligné instrumentalement l’histoire de Gandahar et les demandes très précises, méticuleuses, de Laloux.
Yared détaille rapidement les structures choisies pour chaque peuplade.
Le compositeur dépasse le cadre de cette collaboration et pousse l’aventure jusqu’à sa rencontre avec Weinstein qui voulait faire modifier les accompagnements pour le marché US.
• Portrait de Philippe Caza (archive, 25 min)
Les suppléments précédents ont beaucoup abordé Gandahar et René Laloux.
Cet ultime document pousse à mettre en lumière l’extraordinaire quotidien de Caza et son imaginaire.
• Les Dents du singe (court-métrage, 11 min 30) :
• Les Temps morts (court-métrage, 10 min)
• Les Escargots (court-métrage, 11 min)
• Comment Wang-Fô fut sauvé (court-métrage, 16 min)
• Miahsm (court-métrage de Sylvain Potel et David Uystpruyst, hommage à René Laloux et Philippe Caza, 2010)
• Film annonce
Au sein du coffret, il est également possible de retrouver :
– Un livre :
Mot de l’éditeur : Comprend un livre de 238 pages, qui propose une interview de Philippe Caza, évoquant la genèse du film Gandahar, en plus de présenter des centaines de dessins préparatoires, de story-boards, d’affiches, de plans rejetés et d’images rares du pilote de 1977 intitulé « LES HOMMES-MACHINES ».
Elément central de cette ressortie de Gandahar, l’ouvrage en présence laisse la parole à son dessinateur pour revenir sur ce projet qui aura pris plus d’une décennie et qui aura poussé ses créateurs à alleer jusqu’en Corée Du Nord pour faire naître cette oeuvre sans pareils.
De plus, le livre revient sur des clichés du court-métrage Les Hommes Machines et offre des dessins préparatoires, pilotes ainsi que les premières versions du storyboard. Incontournable.
– L’édition scanavo de Les Enfants De La Pluie


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