
| Réalisaeur : David Hertzog Dessites |
| Genre : Documentaire |
| Durée : 109 minutes |
| Date de Sortie (salles) : 4 décembre 2024 |
Bien que cela puisse paraître troublant, les grands compositeurs du septième art ayant contribué à l’éclat, au souffle, à la fougue, aux larmes et à l’émerveillement, face aux images mouvantes devenues émouvantes, ont rarement eu leurs noms sur les devants des salles, pour conter leurs existences, que cela soit sous forme de fiction ou bien de documentaire.
Il y a quelques années de cela, nous pouvions découvrir l’extraordinaire travail réalisé autour d’Ennio Morricone, mais en dehors de ce nom phare, de cette réalisation, rien ne semblait éclairer la voie pour d’autres grands noms tels que Michel Legrand ou encore François De Roubaix, par exemple.
Et pourtant, c’est dans l’esprit passionné et déterminé d’un certain David Hertzog Dessites que le projet fou est né : rencontrer Michel Legrand et offrir au monde un documentaire fourmillant de vie et de mélodies sur la vie de celui qui fit s’émouvoir Cherbourg, Rochefort, la France, Hollywood et tous nos coeurs cinéphiles.
L’odyssée documentaire en présence, en compagnie de Michel Legrand, a débuté quelques mois avant que le maestro ne vienne à disparaître.
Pour David Hertzog Dessites l’histoire de cette rencontre, de ce projet pharaonique, débute avant même sa première respiration, lors de la rencontre de ses parents à une séance de L’Affaire Thomas Crown et l’hypnose de la chanson Les Moulins De Mon Coeur.
Le réalisateur a toujours eu l’impression de connaître les morceaux du maestro comme si, in utero, les vibrations avaient tissé une connexion, un destin, hors du commun, à vivre dans les notes et les secrets intimes de partitions éternelles.
Ce récit d’enfant destiné à rencontrer celui qui lui a toujours susurré à l’oreille, de façon invisible, des airs légendaires, menant le marmot à devenir réalisateur du documentaire sur ce même enchanteur, alors en fin de vie, a toutes les configurations d’un récit spiralaire digne de Jacques Demy.

Hertzog Dessites avec son « Il Etait Une Fois », invite à la magie, aux ailleurs rêvés, aux résonances intimes et poétiques, au conte. L’échappée conduit ainsi de l’enfance de Michel Legrand, son accès au conservatoire de Paris à 11 ans sous l’occupation, jusqu’à ses derniers jours face au public, face à la portée, dans un Philarmonie entre larmes et transes.
Dans cet étau d’une vie, une course contre la mort, se dessine une âme fascinante au caractère parfois dur et aux élans d’amour saisissants, un colosse créatif aux deux visages, tout comme sa musique entre froideur académique du conservatoire et chaudes improvisations jazz.
Le documentaire structure la vie du cinéaste par le biais de plusieurs formats entre images de films, archives nationales, archives privées appartenant aux héritiers de Michel Legrand, témoignages et séquences capturées lors des derniers mois d’activité du maître, enivré par la composition fantomatique pour la résurrection du film inachevé d’Orson Welles, De L’Autre Côté Du Vent, et son dernier concert.
Dans ces enchevêtrements de matériaux, parfois inédits, David Hertzog Dessites touche à la fois à l’intime et à la fresque, à l’individu et à la légende.
C’est à la fois toute la réussite de cette réalisation, au regard tendre et intime, mais également son impasse dans cette entêtante formule qui pousse à refermer le regard, à recentrer, à compléter les deux visages d’un même homme plutôt qu’à ouvrir, s’élancer éperdument dans l’ingénierie de ses songes.
Le cinéaste se jette à corps perdu dans cette immensité qu’est la vie de Michel Legrand, souhaitant tout saisir face à un cosmos dont l’horizon paraît difficilement canalisable.
Deux documentaires se juxtaposent celui débordant de contenu, tirant nos larmes durant le beau chapitre Demy, Varda et la Nouvelle Vague, et celui de l’observation, de l’envoûtement, autour d’un individu extraordinaire, ses rituels et ses mystères.
La matière dans le corps du documentaire tend à se formaliser, à balancer en direction d’un certain académisme, loin de la dynamique intime de Legrand qui ne cesse de crier son anticonformisme, sa fougue d’éternel enfant.
Une force qui se trouve pourtant dès lors que l’on observe le compositeur dans son quotidien, dans sa manière d’écrire, de penser, d’imaginer, de se battre contre un corps vieillissant, renfermant l’âme d’une jeunesse que rien ne peut arrêter.

Ces mouvements d’observation, loin des paroles, des témoignages, proche du créateur ouvre alors la voie à de belles élancées.
C’est lorsqu’il s’échappe de ses ornements, de ses artifices de montage, lorsque la réalisation est plus proche de son matériau brut que la traversée intime opère.
Il Etait Une Fois Michel Legrand est tout aussi touchant que frustrant, magnétique qu’académique.
David Hertzog Dessites fournit ici un travail monstrueux qui se trouve aller dans de nombreuses directions narratives sans jamais pleinement les embrasser, quelque part entre fresque morcelée et rencontre intime d’un compositeur de génie.
Le contenu foisonne, les archives fascinent, et même si nous aimons être tatillons, râler, avouons-le, il faut reconnaître que le cinéaste acte ici un documentaire de référence, un document d’une intensité singulière tant il parvient durant des séquences suspendues à capturer les dernières pensées, les ultimes gestes, créations, souffles d’un titan : Michel Legrand.


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