Dans la région du Douro, Ema grandit avec son père dans une atmosphère de grande sensibilité poétique. Séduisante et innocente, elle développe un goût irrésistible pour les fictions romantiques mais ne trouve jamais de satisfaction avec les hommes. Devenue femme, elle épouse un médecin qu’elle n’aime pas, avec qui elle déménage dans la vallée d’Abraham.
L’année 2025 débute tout juste et Capricci est venu nous rassurer concernant la rétrospective Manoel De Oliveira que nous miroitons depuis 2023.
Après la ressortie de Francesca du côté de Epicentre Films en 2023 et la récente restauration de Val Abraham à l’été 2024, dix autres films vont nourrir les salles hexagonales cette année.
En attendant de connaître les titres à venir, retour vers Val Abraham et sa toute récente édition Blu-Ray.

| Réalisateur : Manoel De Oliveira |
| Avec : Leonor Silveira, Luís Miguel Cintra, Ruy de Carvalho |
| Genre : Drame |
| Pays : Portugal |
| Durée : 203 minutes |
| Date de sortie : 1993 (salles) // décembre 2024 (Blu-Ray) |
Val Abraham, poème à la lumière déclinante ou lorsque le Douro devint Styx
Manoel De Oliveira construit avec Val Abraham une adaptation libre de l’oeuvre de Flaubert, Madame Bovary.
Il structure le personnage d’Ema comme individu hors du temps, en périphérie de la société, existant à travers les fantasmes d’un monde perçu par le biais de grands auteurs et poètes de ce monde.
Le cinéaste vient alors à déconstruire les songes, les projections de lumière, les rêves adolescents.
Le monde est vil, intéressé, fait de regards frondeurs, de jalousie et de convoitise.
L’échange ne se paramètre qu’à travers la possession, et comme Pasolini qui captait l’ennui bourgeois dans Théorème, De Oliveira saisit le vide de la bourgeoisie portugaise, si ce n’est l’errance dégénérée.
Dans cet éco-système Ema est l’anomalie, la fille issue d’un grand héritage, déjà pourrissant, qui dans son isolation s’est forgée une place quelque part entre le peuple et les fortunés.
Du haut de la véranda, extension de demeures familiales, trésors maudits devenus geôles, elle scrute, à ses côtés une age est suspendue, des oiseaux détenus.
Elle est un ange, une beauté quasi-parfaite, à la jambe qui claudique, blessure qui fige dans la terre, empêche l’accès aux cieux, plaie qui capture au creux de sols ayant connu des générations de délitement, de rares joies et de malheurs répétés.
Dans les reliefs du Douru, les fruits ne cessent de croître, de s’embellir, nourrit des larmes et des corps de familles perdues, de destins déchus.
Les paysans observent, rêvent de leurs indépendances, de richesses inespérées.
Lorsqu’ils touchent cette lumière, terminent leurs quêtes prométhéennes, il rejoignent les errances bourgeoises et leurs chaos jusqu’à nourrir les sols. Le Douro s’étend devient Styx.
En surface, dans les vallons, le jardin d’Eden naît des espoirs battus.
La critique complète de Val Abraham chez Kino Wombat, c’est par là : Critique complète de Val Abraham.

Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
Image :
Bien que lors de la ressortie en salles nous avions été troublés par le fait de découvrir une restauration 2K, plutôt que 4K, il faut reconnaître que nous en sommes face à une splendide renaissance de Val Abraham.
Quelques fluctuations sont à noter dans les zones les plus obscures mais le traitement est stable et conserve une magnifique texture pellicule a été conservée, travaillée. Le grain apporte reliefs et profondeurs, insuffle une vie organique saisissante.
Le niveau de détails est assez poussé.
La colorimétrie, quant à elle, ouvre l’image, dévoile des tableaux d’une rare beauté, révèle le travail minutieux du cadre, et ses échos internes.
Le traitement du 35mm, et le déclin progressif du personnage principal se font ressentir.
Le master en présence a réussi à proposer les justes dynamiques pour soutenir et exhumer d’une bien belle manière cet incontournable qu’est Val Abraham.
Son :
La piste VOST Dolby True HD 2.0 dispose d’une très bonne tenue, d’une belle lisibilité, et mieux encore, de dynamiques frontales ambiantes assez entraînantes.
Les voix sont parfaitement définies, la voix off a un coffre succulent, l’ambiance sonore fait ressentir le temps et les abords du Douro.
Rien à redire.

Suppléments :
Capricci a été particulièrement généreux avec cette édition Blu-Ray de Val Abraham allant jusqu’à nécessiter la présence d’un DVD supplémentaire pour contenir l’ensemble des bonus.
- Rencontre avec Leonor Silveira (actrice) :
Entretien avec l’actrice principale, qui était encore adolescente lorsqu’elle fut repérée par Manoel De Oliveira.
Durant une quinzaine de minutes l’actrice aborde sa rencontre avec le cinéaste, les conditions de tournage, ses souvenirs, ses émotions face à la redécouverte du film et son point de vue sur les méthodes du réalisateur ainsi que la minutie de ses gestes artistiques. - Rencontre avec Paulo Branco (producteur) :
Producteur régulier de Manoel De Oliveira, Paulo Branco revient sur son parcours avec le cinéaste et plus spécifiquement sur les multiples rebondissements autour de la production tortueuse du film, entre perte de subventions gouvernementales et chemin de croix pour une sélection cannoise, de grâce La Quinzaine existe.
Un chouette entretien. - Rencontre avec Valérie Loiseleux (monteuse) :
Très certainement le supplément le plus intéressant à nos yeux, entretien durant lequel la monnteuse de Val Abraham revient sur le monolithique montage du film entre ajouts de paysages et dédale sous une pyramide de pellicules.
Il s’agit ici finalement du lieu de naissance du prodige qu’est Val Abraham, la salle de montage. - Rencontre avec Jacques Parsi (conseiller littéraire) :
Intrigant supplément que cette rencontre avec ce modeleur de songes, aide centrale à l’adaptation littéraire permettant de trouver le juste milieu entre respect de l’oeuvre originelle et zones transcendée par la rétine du réalisateur. A voir. - Analyse du film par Hervé Aubron et Mathias Lavin :
Supplément à explorer en dernier sur cette édition, une fois après avoir dégusté et digéré les multiples entretien, l’analyse entre regards croisés, conviant Hervé Aubron et Mathias Lavin, est d’une richesse fascinante.
Observation du cinéma de De Oliveira, autopsie des structures de Val Abraham, questionnements autour du rapport au temps et analyse des personnages périphériques ainsi que des entités invisibles, énergies traversantes, ne ratez pas cet amoncellement de pistes de lecture.


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