Réalisateur : Emilio Miraglia |
Acteurs : Barbara Bouchet, Ugo Pagliai, Marina Malfatti |
Genre : Giallo |
Durée : 99 minutes |
Pays : Allemagne, Italie |
Date de sortie (salles) : 1972 Date de sortie (Blu-Ray/DVD) : Septembre 2021 |
Synopsis : Au cours d’une dispute dans le jardin du château familial, Kathy Wildenbrück tue sa sœur Evelyn. Peu après, un étrange personnage vêtu de rouge assassine des proches de Kathy. Des témoins affirment avoir reconnu Evelyne qui est pourtant morte. Ceci serait la continuation de la malédiction qui touche la dynastie des Wildenbrück : tous les cent ans, la « Dame rouge » possèderait le corps d’un membre de la famille, l’obligeant ainsi à tuer sept personnes.
Attendus depuis plusieurs années en France, les gialli de Emilio Miraglia parviennent enfin à trouver un créneau jusqu’à nos écrans. L’Appel De La Chair et La Dame Rouge Tua Sept Fois n’ont effectivement connu pour sortie sur le territoire hexagonal que le format VHS qui ramène ces dernières à quelques décennies en arrière.
Artus Films a eu l’excellente idée de sortir les deux titres phares du cinéaste en combo Blu-Ray et DVD.
Nous aborderons ici l’édition de La Dame Rouge Tua Sept Fois en Blu-Ray de la manière suivante :
I) La critique de La Dame Rouge Tua Sept Fois
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
I) La critique de La Dame Rouge Tua Sept Fois
L’énigmatique cas Emilio Miraglia
Emilio Miraglia, bien que reconnu par les amateurs de giallo, est un cinéaste très discret qui connut une courte carrière, ainsi qu’un faible suivi médiatique à travers les décennies, faisant de la filmographie de ce dernier un secret de polichinelle.
Miraglia débute sa carrière comme beaucoup de cinéastes, en tant qu’assistant réalisateur de 1961 à 1967, avec quelques péplums et autres films d’exploitation tels que Hercule Contre Les Fils Du Soleil de Osvaldo Civirani ou encore Deux Dangers Publics réalisé par Lucio Fulci.
Son premier film en tant que réalisateur, sous le nom de Hal Brady, s’intitule La Peur Aux Tripes, un film d’espionnage où l’on retrouve Luciano Ercoli au scénario, sort en 1967. Sous ce pseudonyme, de Hal Brady, Miraglia sortira deux autres films : Ce Salaud D’Inspecteur Sturlingh, film policier sorti en 1968 et Joe Dakota, western sorti en 1971.
Le nom d’Emilio Miraglia refait son apparition entre deux films en 1968 pour Casse Au Vatican, où l’on retrouvera Klaus Kinski en haut de l’affiche.
C’est seulement dans les deux dernières années de sa carrière que Miraglia s’intéresse à ce qui est désigné comme le « filone » en Italie : le giallo. Il tourne ainsi L’Appel De La Chair et le désormais iconique La Dame Rouge Tua Sept Fois, pour lesquels il prendra le nom de Emilio P. Miraglia, et conclut de la sorte sa carrière.

Une oeuvre chimérique
Seulement une poignée de mois séparent la sortie de La Dame Rouge Tua Sept Fois, deuxième giallo derrière lequel se cache Emilio Miraglia, de L’Appel De La Chair. Les liens entrent ces deux œuvres sont évidents avec l’hybridation de l’esthétique du cinéma gothique avec celle du giallo. Les films partagent également une intrigue teintée de fantastique, de surnaturel.
La patte du cinéaste se fait sentir dès les premiers plans.
Cependant là où L’Appel De La Chair se perdait très rapidement dans ce mélange des genres, et des esthétiques, égarant l’attention de l’auditoire entre classicisme et modernité, sans jamais trancher, et se fourvoyant dans un amoncellement de retournements abracadabrantesques, La Dame Rouge Tua Sept Fois parvient à corriger les défauts de son aîné faisant planer l’ambiance suranné typique des productions Hammer en arrière plan, pour pleinement plonger dans des horizons giallesques, s’installant avec virtuosité dans le paysage du thriller transalpin.
Le sang coule, les morts se multiplient, les décors se révèlent à la manière de labyrinthes hantés et l’érotisme plane tel un voile qui ensorcelle. Tout est en place, la chimère que vient de mettre au monde Miraglia ne peut qu’éblouir mêlant mystère, vengeance et sensualité.
Le labyrinthe de Miraglia
Miraglia parvient à créer une véritable complexité dans son récit, avec des personnages travaillés, et des enjeux réels pour chacun d’entre eux.
Il façonne le spectre du fantastique dès la séquence introductive, créant une malédiction familiale, et n’y revenant plus par la suite, mais laissant nos esprits, tout comme celui des protagonistes, s’abandonner à l’imagination, à l’hystérie et c’est justement toute la réussite de cet ultime film pour le cinéaste : faire du surnaturel une réalité.
Il instaure en quelques minutes un cadre solide, avec de nombreux mystères, captant l’attention et multipliant les fausses pistes avec un plaisir évident. La maîtrise est totale, La Dame Rouge Tua Sept Fois évolue à une vitesse folle sous une pluie de retournements de situation, où les corps s’entassent et l’essence des hommes ruisselle.
Une quête de la vérité qui à chaque éclaircissement s’assombrit un peu plus, dessinant l’un des whodunits les plus tragique et fascinant que le giallo compte dans ses rangs.

Une affaire de famille
La Dame Rouge Tua Sept Fois pose son décor en Bavière, à Wurtzbourg, dans une famille bourgeoise poursuivie par une malédiction selon laquelle deux soeurs, l’une tyrannique, la dame rouge, l’autre martyre, la dame noire, danseraient tous les cent ans avec la mort.
La jeune femme oppressée se soulèverait contre sa soeur, la dame rouge, et la tuerait, cette dernière reviendrait alors d’entre les morts pour éliminer sept personnes dont son assassine et parente, la dame noire.
La terre est allemande mais l’aura qui berce le film tant dans sa composition musicale, que dans les partis pris par le cinéaste, elle, est belle et bien italienne.
Cette histoire de vengeance hantée vient travailler le subconscient généalogique, la marque familiale à travers les générations. Comme bien souvent dans le genre, l’étude de l’inconscient est à l’ordre du jour mais dépasse les visions ordinaires, élargissant son étude autour d’une richesse maudite, là où les familles aisées ayant atteint le sommet de la société se trouvent dans l’impasse, et ne peuvent plus que vouloir s’offrir l’interdit, le sang, l’oppression de la chair.
Une étude de la bourgeoisie étonnante tant elle tient son sujet à distance et ne s’embourbe jamais dans une quelconque dissertation. Une exposition de la société qui soulève bien plus que cette partie de la population et délivre dès les premières notes du film le spectre de l’Italie rurale jusqu’à venir éclabousser la pellicule sur ses derniers instants comme dernière effusion d’un drame sociétal inévitable, lorsque la violence appelle la violence, et les légendes ne demeurent qu’un reflet mystifié du réel.
La partition de Bruno Nicolai en ce sens joue sur les sonorités de la Tarantelle Napolitaine, cassant la rythmique, masquant les parentés inavouables jusqu’à se révéler évidente, incontournable dans cette danse des âmes, ronde infernale, où les individus ne se touchent plus mais meurent de la main d’une présence fantomatique questionnant les relations que les uns entretiennent avec les autres.
La Dame Rouge Tua Sept Fois est en cela un voyage obsédant et terrifiant dans l’intimité d’une famille rongée par les silences et l’avarice.

Hypnose
Le caractère obsédant de l’oeuvre est renforcé d’une part par un travail visuel envoûtant capté par Alberto Spagnoli, premier assistant caméra pour Le Désert Rouge d’Antonioni, et décuplé par la partition de Bruno Nicolai, compositeur de La Queue Du Scorpion de Sergio Martino mais aussi Caligula de Tinto Brass, mais est également porté par l’éblouissante Barbara Bouchet, qui avait déjà su figer notre rétine dans La Longue Nuit De L’Exorcisme réalisé par Lucio Fulci.
Le reste du casting reste moins marquant mais offre quelques belles séquences en compagnie de la troublante Sybil Danning et de la mystérieuse Pia Giancaro.
Dame Rouge, Dame Noir, au-delà de l’occulte et du sang
La Dame Rouge Tua Sept Fois, ultime oeuvre de Emilio Miraglia, est une oeuvre maîtrisée d’un bout à l’autre où la formule que propose le cinéaste se trouve être justement dosée offrant un spectacle passionnant qui dépasse son histoire de par la toile complexe mais pertinente, toute en fausses pistes, qui laisse se marier l’esthétique gothique, la brume du cinéma fantastique et l’affriolante violence du giallo avec merveille. Un incontournable pour tous les amateurs de cinéma italien teinté de jaune.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
Image :
Le master que nous propose Artus Films est d’une qualité étonnante offrant un niveau de détails satisfaisant et travaillant avec tact le contraste, affichant des couleurs vives appuyées, apportant un confort de visionnage indéniable.
Rien à redire.
Son :
Deux versions sont disponibles :
- Version originale sous-titrée : La piste DTS-HD Master Audio Mono italienne fait une balance honorable entre voix et partitions de Bruno Nicolai. L’ampleur de la piste est relativement confortable, ne sature jamais permettant une immersion convaincante.
A noter cependant que les voix sont à de très rares moments diminuées et perdent la mélodie de la langue italienne tout comme son caractère audible pour ceux qui parleraient italien. - Version française : La piste française, quant à elle, est bien moins convaincante avec des voix qui résonnent et empêchent l’audibilité de certains dialogues. Une proposition qui perd l’ampleur de la piste originale.

Suppléments :
Artus ne nous a pas couvert de montagnes de bonus mais a su proposer des suppléments à la hauteur des attentes :
- Film-Annonce de L’Appel De La Chair
- Film-Annonce de La Dame Rouge Tua Sept Fois
- Présentation du film par Emmanuel le Gagne :
Emmanuel Le Gagne, rédacteur chez Culturopoing, présente La Dame Rouge Tua Sept Fois en prenant le temps d’introduire Emilio Miraglia, passant en revu sa filmographie et donnant envie de s’aventurer dans ce cinéma encore difficile d’accès en France.
Le critique va ensuite resituer le film dans l’industrie cinématographique italienne de l’époque et voyager dans la filmographie de chacun des acteurs pour finalement aborder l’oeuvre avec une myriade d’informations pour tous les curieux.
L’entretien fait la part belle à de nombreuses passerelles entre les différents films de l’époque et dresse un véritable listing de films que nous rêvons désormais de (re)voir.
- Entretien avec Lucile Hadzihalilovic :
La trop peu cité et étudiée réalisatrice de Innocence et Evolution, Lucile Hadzihalilovic, qui revient sur son expérience avec le film qu’elle découvrit à l’âge de treize ans en salles.
Un voyage nostalgique et analytique au coeur du giallo, et plus particulièrement du film de Miraglia accompagné par la cinéaste la plus fascinante de France. Incontournable tout simplement.

Note générale :
Artus Films sort de son caveau un giallo essentiel et pourtant invisible en France depuis plusieurs décennies. L’édition se révèle incontournable tant de par le traitement de l’image et du son, pour la version originale, que de son contenu additionnel donnant la parole à deux cinéphiles fascinants.
N’hésitez plus, partez à la rencontre de cet incontournable du thriller transalpin, partez à la rencontre de la dame rouge.
Pour découvrir La Dame Rouge Tua Sept Fois :
Excellent décryptage ! Cette dame en rouge a visiblement tapé dans l’œil de François Gaillard et Christophe Robin, les auteurs du giallo français « Blackaria » (2009, jadis sorti en dvd chez « Le chat qui fume »)… Tu soulignes à raison l’hybridation entre bande gothique et giallo (d’autres exemples ? « La Clinique sanglante », « Les Diablesses »…). Bref, « La Dame Rouge Tua Sept Fois » ? « Un incontournable pour tous les amateurs de cinéma italien teinté de jaune. » Je souscris à ces propos joliment formulés ! Et puis un appel de la chair envoyé par la grande Barbara Bouchet et mis en musique par Nicolai (son thème est absolument fabuleux !), ça ne se refuse pas…
J’aimeAimé par 1 personne
Cela fait quelques mois que le nom de Blackaria se rappelle à moi, il va falloir que j’aille farfouiller !
Merci pour ces conseils, et pistes pour continuer à explorer ce mélange entre gothique et giallo.
Content que mon article vous ait plu 🤗
J’aimeAimé par 1 personne