Coupez ! : Critique

Réalisateur : Michel Hazanavicius
Acteurs : Bérénice Béjo, Romain Duris, Finnegan Oldfield
Pays : France
Genre : Comédie, Horreur
Durée : 110 minutes
Date de Sortie : 18 mai 2022

Synopsis : Un tournage de film de zombies dans un bâtiment désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film d’horreur à petit budget. L’irruption d’authentiques morts-vivants va perturber le tournage…

C’était il y a déjà moins d’un an et le Festival De Cannes fait déjà son grand retour, Titane de Julia Ducourneau a eu le temps de traverser le globe et diviser les avis.
Pour notre part, nous restions sur la réserve face à ce bel essai qui souffrait de trop nombreuses lourdeurs, de trop nombreux effets visuels asservissant le propos, flattant la rétine pour mieux desservir sa philosophie.

En cette année 2022, c’est en compagnie de Virginie Efira que le plus grand festival de films du monde s’ouvre.
En première mondiale, et pour l’ouverture du festival, nous avons eu la chance de découvrir, hors compétition, le nouveau film de Michel Hazanavicius, Coupez !, relecture hexagonale du film japonais au surprenant succès international : Ne Coupez Pas !.
Nous y retrouvons Bérénice Béjo ainsi que Romain Duris en plein tournage de film de zombies, au maigre budget, qui au cours de sa réalisation va se trouver confronté à une véritable invasion de morts-vivants.

Chez Kino Wombat, nous sommes toujours restés hermétiques au cinéma d’Hazanavicius qu’il s’agisse d’OSS 117, Le Monde Oublié ou encore The Artist.
Seul La Classe Américaine, datant de ses premières heures avait su faire actionner nos zygomatiques.
Aujourd’hui, le cinéaste est une figure de proue du cinéma français, et il est curieux de le voir s’échapper dans ces horizons de parodie bis, un virage qui nous intrigue, d’autant plus que le film matriciel, d’une réussite certaine, semblait se suffire à lui-même.

Virus Cannibale

En ouvrant son film sur un plan-séquence de trente minutes, aux allures fauchées, saturant les couleurs et jouant avec les dernières limites du found footage, Hazanavicius ancre sa proposition dans les horizons du cinéma bis et parfois même de l’ultra bis.
Il nous guide dans une introduction bancale, au jeu d’acteurs effrayant de médiocrité, où les maquillages nous dépitent, et où les dialogues sont d’une maladresse rare. Nous percevons la parodie, mais nos visages restent blêmes, sans un rire, sans un sourire, se questionnant sur la matière dans laquelle a été conçue le spectacle qui se vautre devant nos yeux.
Il est difficile de voir la direction que le réalisateur souhaite emprunter, malgré la maîtrise technique du plan-séquence, le film sidère, nous conduit à hésiter entre notre fauteuil ou la porte de sortie.
Le long-métrage se construit autour de l’oeuvre de Shin’ichirô Ueda, tout en invoquant les lectures du film de zombies que nous connaissons allant de la chute du capitalisme de Romero, à la crasse saturée d’un Fulci, en passant par le système D de Mattei.
Médusés, désabusés nous sommes… Coupez ! s’interrompt brusquement quittant l’ivresse de la caméra à la main, et nous propulse trois mois avant le tournage, à la naissance du projet.
L’énigme Z serait elle dans les coulisses de sa création ?!

Retour Vers Le Bis

Hazanavicius dans sa mise en scène ne cesse de justifier, d’expliquer la débâcle qui vient d’ouvrir le film. Bien que de marbre au début de ses explications, dont nous n’avons que faire, le réalisateur français réussit un sacré tour et nous prend à notre propre jeu, remet en perspective la totalité de l’offrande et nous emporte sur une conclusion explosive, où les rires fusent. Il dépasse la fiction qu’il confronte au réel pour créer un univers en deux espaces d’expressions, deux perceptions de l’image, où l’esprit critique devient la norme.
Forcez-vous, encaissez cette première et rude heure introductive, ce qui n’est pas une mince affaire.
Nous sommes face à une étrangeté qui a tout d’une proposition destinée à devenir culte de par ses répliques, ses gestuelles et ses nombreux gimmicks. La maîtrise des différents niveaux de comique est totale, nous ne souhaitons plus qu’une chose, revoir le film, et profiter d’une introduction boudée, qui paraîtra très certainement jouissive avec un oeil préparé, conscient, omniscient. Elle vient balayer nos certitudes, nos désespoirs.
De plus, la construction narrative de la proposition est redoutable. Nous pénétrons dans un spectacle biphasique, fou furieux qui ne laisse pas une seconde nos esprits se reposer. Coupez ! pousse toujours plus loin son impact.
Un choc qui est porté par la déstructuration des coulisses du cinéma bas budget, où l’inventivité scénaristique et technique deviennent les clés, de la réussite, de la fascination du regard des spectateurs.

Z, Ou La Suprenante Vertu De L’Ignorance

Le cinéaste donne à voir tous les acteurs existentiels permettant la création d’un long-métrage, il réintroduit et cadre la place de tout un chacun dans cette grande architecture où chaque pièce est essentielle. Nous ressentons le caractère irréductible de chaque poste pour voir naître le film. Sans s’attarder, tout devient très simple, alors que la démonstration est plutôt retorse dans son organisation.
Coupez ! est une déclaration d’amour à ce cinéma de genre bien trop souvent cantonné à son statut de nanard. Le film s’attarde avec pertinence et astuce sur les aspects externes et internes de la création passant des producteurs aux figurants, du réalisateur aux maquilleurs, des acteurs aux cameramans.
En explorant l’oeuvre, en allant du scénario au tournage, et en décortiquant tout ce qui ouvre le cinéma au monde des rêves, aux portes d’un art de l’immersion totale, Hazanavicius devient le chef d’orchestre d’une comédie réglée comme une boîte à musique, où nous sommes ébahis par le savoir-faire du cinéaste en matière de surprise, où derrière l’absurde se cache un travail à la minutie monstrueuse.
Il célèbre le cinéma dans un flot de sang et rire, il soulève nos certitudes avec adresse, et met en scène tout le squelette du septième art, celui d’un art collaboratif.

Coupez !, (Mais pas trop tôt)

Hazanavicius avec Coupez ! réussit à créer une entité singulière dans le paysage cinématographique français, trouvant son indépendance par rapport à son oeuvre matricielle, et sachant jouer des codes du genre avec une technicité surprenante.
Le spectacle nous coupe littéralement « en deux par le cul », le glaçant désarroi qui s’emparait de nous lors de la première heure vient se transformer en franche rigolade lors de son dernier acte.
Ne coupez pas, imposez vous cet exercice, Coupez ! s’avérera bien plus généreux et jubilatoire, que vous pouviez l’espérer.

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