All Hallows’ Eve : Critique et Test Blu-Ray

Synopsis : Alors qu’elle garde deux enfants le soir d’Halloween, une baby-sitter trouve dans leur sac de friandises une veille VHS. La cassette comporte trois histoires d’horreur reliées entre elles par un mystérieux clown. Alors que la nuit passe, des choses étranges commencent à se produire dans la maison…

Réalisateur : Damien Leone
Acteurs : Katie Maguire, Sydney Freihofer, Cole Mathewson
Pays : États-Unis
Année : 2015 (salles) 2023 (Blu-ray)
Genre : Horreur
Durée : 82 minutes

Après avoir surpris et intrigué tout l’hexagone en sortant le film de Damien Leone, Terrifier 2, dans les salles françaises, le cinéaste en provenance des États-Unis est sorti de l’ombre, des parcours pour cinéphiles souterrains, et s’est révélé au grand jour, venant trancher, tâcher et obscurcir la rétine du grand public. Face à cette sortie qui en aura marqué plus d’un, alors que trop guignolesque pour véritablement ancrer sa terreur, l’éditeur ESC propose avec un coffret compilant toutes les aventures de Art le clown, boogeyman de la franchise Terrifier, de All Hallows Eve à Terrifier 2, de voyager dans l’âme putride de ce nouveau visage horrifique aujourd’hui incontournable.Pour cela, l’éditeur a mis les petits plats dans les grands, s’inspirant de sa sortie pour The Sadness et poussant le gigantisme à travers de multiples goodies, formes, et médias. Une recette gagnante, les produits étant actuellement épuisés, qui aura néanmoins laisser sur le quai ceux qui ne pouvaient se permettre un tel investissement.

Chez Kino Wombat, bien que nous adorions le format physique, le défendons, il reste difficile d’être sur tous les fronts, de tout financer et ce coffret Terrifier était hors budget à nos yeux, comme l’est actuellement la compilation Nekromantik à venir pour octobre.

Cependant, entre rencontres, recherches estivales à travers la France, une édition contenant tous les disques Blu-Ray s’est glissée entre nos mains. N’ayant pas l’intégralité du coffret, ne permettant pas le report autour des goodies et autres friandises, la chronique de cette édition se fera en trois articles :

– All Hallows Eve : Critique et Test Blu-ray

– Terrifier 1 : Critique et Test Blu-Ray

– Terrifier 2 : Critique et Test Blu-Ray

Les trois articles paraîtront progressivement durant le mois d’août.

Débutons l’aventure avec l’édition de All Hallows’ Eve en deux temps :

I) La Critique de All Hallows Eve

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La Critique de All Hallows Eve

All Hallows Eve, premier long-métrage de Damien Leone, réalisateur touche à tout, du maquillage à la caméra, se présente sous la forme d’un film à sketches. Autour d’une histoire principale faisant corps, plusieurs courts-métrages viennent entrecouper la structure principale, révélant des histoires de faible durée, à la puissance horrifique concentrée, impactant l’atmosphère globale de l’histoire arche et permettant une dynamique continue lorsque le squelette de l’œuvre se trouve être trop frileux.

Deux jeunes enfants, une baby-sitter, le soir d’Halloween dans un quartier pavillonnaire, le jeune garçon trouve dans son sac de friandises une VHS non étiquetée, mystérieuse entité éveillant la curiosité des plus petits et inquiétant l’esprit des plus grands. La vidéo est lancée, débutant par un rapt et nous conduisant dans les sous-sols de la ville, le long des voies du métro, l’inquiétante bande vidéo prend des tournures de snuff, de cinéma torture, très réaliste dans ses mécanismes de violence. Les enfants sont renvoyés dans leurs chambres, la nounou ne peut s’empêcher de découvrir la suite de la cassette, les courts-métrages s’enchaînent, plus sordides les uns que les autres, les paupières s’écarquillent, les mains voilent l’image. Minute après minute la maisonnée sombre dans un chaos étrangement similaire aux images subies, consommées, dévorées.

Rappelant la forme de productions telles que celles de la saga V/H/S, All Hallows Eve est un judicieux moyen d’entrer en contact avec l’univers du cinéaste. Sur la bande vidéo découverte se trouve les courts-métrages passés du cinéaste qui n’avaient à l’époque résonné qu’à travers un public restreint. Ainsi, retour en 2008 et 2011, pour The 9th Circle et Terrifier. Les deux propositions dessinent dix ans d’expérimentations à venir, l’amorce au Terrifier 2 qui a traversé le monde et toutes ses salles. En deux propositions, nous découvrons à la fois le personnage de Art Le Clown mais également tout un monde souterrain déviant, quelque part dans notre réalité et à la lisière de nos cauchemars. La conscience d’un monde crasse, un monde vil qui voit au-delà de nos sociétés polissés, invoquant des facettes oubliées, des reflets enfouis, d’une barbarie et d’une sauvagerie qui avait été masquée bien qu’omniprésente, traversant les âges et les croyances.

Cette première tentative aux formats longs marque le grand écart qu’il effectuera par la suite entre le burlesque et grand-guignolesque de Terrifier 2 et le caractère froid, grinçant et obscène du Terrifier 1. Toute la grammaire contemporaine de Leone est ici en balbutiements offrant des instants de terreurs tout comme de sourires dérobés. Dans All Hallows Eve, on rit de manière crispée, on ne sait jamais trop où l’on pose les pieds et lorsque l’on croit saisir la dynamique, où nous relâchons la garde, l’horreur se fait plus fourbe et retorse. Les deux dimensions du réalisateur se juxtaposent certes de manière brouillonne mais aventureuse. Les sévices s’enchaînent toutes plus inventives les unes que les autres. Le film est une rugosité troublante.

L’équilibre entre slasher, film de Malédiction et épouvante est particulièrement bien orchestré dans les différents courts-métrages que la famille affronte dans le confort de son canapé. Une puissance occulte et opaque nous poursuit. Le fantôme de Michael Myers se marie à l’inéluctabilité de la cassette du Ring de Hideo Nakata, le tout dans un bouillonnant particulièrement malsain nous installant dans une position de voyeur où le regard du tueur nous appelle à constater ses exactions. Nous sommes liés aux horreurs par un pacte silencieux, une incantation dont nous sommes responsables par la force de notre rétine, dont nous ne connaissions pas la portée invitant l’insoutenable du mauvais côté de l’écran. Reste un arc narratif principal, celui des enfants avec la baby-sitter, qui ne parvient pas vraiment à décoller, si ce n’est dans ses ultimes minutes, ayant des difficultés à tracer sa propre voie, devenant bien plus des points pour mieux respirer, des intermèdes sécuritaires, que des espaces amplificateurs de terreur, nuisant finalement à toute la rythmique du film qui aurait pu idéalement virer à l’insoutenable.

Découvrir All Hallows Eve, après avoir exploré Terrifier 1 et 2, est un acte de chercheur, de fossoyeur, à la recherche des origines d’Art Le Clown mais également à la quête des balbutiements d’un nouvel auteur horrifique avec lequel il faudra conter durant les années à venir. Cette compilation reprenant pas moins de 5 ans de travail est le chemin le plus curieux dans la filmographie de Damien Leone, le plus intéressant et intrigant, réussissant un jeu d’équilibre dangereux qui ne sera jamais atteint que ce soit dans le premier Terrifier, vide narratif mais d’une crasse hallucinante et d’une violence visuelle rare, ou bien le second volet faisant la part belle au récit, jouant avec les champs de l’abstraction mais ne parvenant plus à atteindre la terreur tant recherchée, préférant le comique gore, à la farce nauséabonde.

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-ray

Image :

Le master que nous propose ESC sur le disque Blu-Ray est de bonne facture. Le film de Damien Leone utilise des caméras numériques loin des sommets techniques modernes, et mêle d’anciens courts à l’image plutôt fluctuante, cachant les limites derrière des filtres donnant à l’image une texture pellicule, grindhouse. Il s’agit alors de surtout observer le master HD en dehors des inserts que sont les court-métrages Terrifier et The 9th Circle. L’histoire autour de la famille avec la cassette maudite et le troisième court-métrage autour de l’invasion nocturne, ont un niveau de définition assez fourni, donnant une véritable vie au cadre. Les couleurs, bleutées, palette assez froide, quant à elles, ressortent plutôt bien, avec un côté glacé rapprochant plus All Hallows Eve du téléfilm que du film de cinéma.La profondeur de champ n’est pas sensationnelle mais marque les limites techniques du matériel utilisé lors du tournage. Somme toute, le rendu est au-dessus de nos espérances.

Note : 7 sur 10.

Son :

Une unique piste son 2.0 VOST est proposée. Stable, correctement balancée, ne laissant aucune fréquence dévorer le mix général, et créant de belles atmosphères pour laisser l’horreur s’immiscer dans l’espace. Tout ce que nous pouvions attendre de cette source est donc en présence.

Note : 7.5 sur 10.

Suppléments :

ESC nous a concocté toute une batterie de suppléments pour son édition de All Hallows Eve :

Deux courts-métrages réalisés par Damien Leone :

⁃ The 9th Circle : Dans le hall d’une gare routière déserte, la nuit, une jeune femme fait la rencontre d’un étrange mime au costume de clown. L’étranger lui offre une fleur, de la fleur s’échappe une blatte. Au cœur de la beauté, entre les pétales, le pourrissement est inévitable. Le nuisible s’évade, l’horreur par capillarité envahit le cadre, les ténèbres recouvrent les murs. L’inconnu sort une seringue, la plante dans le bras de sa victime. Cette dernière s’écroule.

A son réveil, dans les sous-sols de la ville, dans les couloirs d’un métro désaffecté, elle est enchaînée, en compagnie de deux autres femmes terrorisées. Derrière elles l’impasse, devant elles, l’inconnu, la bestialité redoutée.

Avec cette première proposition, Leone ouvre et bâtit son cinéma autour des cauchemars invisibles qui fourmillent sous nos pas, infestant les villes, nous épargnant un temps pour mieux nous coincer. La proposition se veut très mystérieuse, fonçant dans les enfers à une vitesse folle et dessinant tout un bestiaire que nous espérons retrouver prochainement dans le cinéma du réalisateur. La terreur est totale et la clôture particulièrement déstabilisante. Une petite réussite de cinéma artisanal.

⁃ Terrifier : La toute première aventure solo du clown muet. Les ingrédients que nous découvrirons plus amplement dans son long-métrage du même nom sont en présence, l’atmosphère y est semblable et la traque, moins longue, définissant l’essence du film, est terrifiante.

Tout comme pour The 9the Circle, on retrouve ce final sensationnaliste, qui fait oublier les défauts de premières réalisations, pour nous plonger dans une sauvagerie tétanisante.

La découverte de ces deux morceaux d’horreur est bien plus percutante dans leurs formats individuels que dans son assemblage entrecoupé dans All Hallows Eve. Le traumatisme du générique de Terrifier sur le visage horrifié de la victime touche un sommet d’inconfort.

Intervention de Simon Riaux : Le critique bien connu de chez Écran Large aborde dans ce premier supplément, qui connaîtra deux prolongements dans les suppléments de Terrifier 1 et 2, les origines du personnage de Art Le Clown entre slashers et cinéma muet, tentant de définir de façon plutôt habile la construction de ce personnage troublant qui recoupe près d’un siècle de septième art dans sa construction. Riaux sait capter son auditoire, nous suivons ses analyses, dont nous nous faisions des réflexions analogues lors de la découverte des films de Damien Leone.

Note : 8 sur 10.


Avis Général :

Pour un film dont nous doutions un jour voir l’arrivée en France, art-ébauche, film à sketches aux moyens techniques limités mais à l’inventivité horrifique déstabilisante, ESC a su prendre le temps de concevoir une édition complète. Les suppléments ne sont pas légions mais apportent tout ce qui peut bien importer lorsque l’on découvre All Hallows Eve C’est un dire les deux courts-métrages de Damien Leone, en version intégrale et non morcelés comme dans leur intégration au long-métrage, ainsi que l’analyse plutôt renseignée de Simon Riaux comme grille de lecture du personnage de Art Le Clown. Du côté technique rien est à redire et le master utilisé par ESC tire le maximum du travail d’origine, va au plus loin dans les limitations numériques inhérentes au film. Une édition complète et particulièrement bien étoffée en contenu.

Note : 8 sur 10.

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