Falling

Réalisateur : Viggo Mortensen
Acteurs : Viggo Mortensen, Lance Henriksen
Date De Sortie : 19 Mai 2021
Genre : Drame
Durée : 112 Minutes
Pays : Canada / Royaume-Uni
Festival De Sundance 2020 (Hors Compétition)
Label Festival De Cannes 2020

Synopsis :
John vit en Californie avec son compagnon Eric et leur fille adoptive Mónica, loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Son père, Willis, un homme obstiné issu d’une époque révolue, vit désormais seul dans la ferme isolée où a grandi John. L’esprit de Willis déclinant, John l’emmène avec lui dans l’Ouest, dans l’espoir que sa soeur Sarah et lui pourront trouver au vieil homme un foyer plus proche de chez eux. Mais leurs bonnes intentions se heurtent au refus absolu de Willis, qui ne veut rien changer à son mode de vie…

Sélectionné à Cannes 2020, et proposé Hors Compétition au Festival de Sundance 2020, le parcours de Falling premier film réalisé par Viggo Mortensen fut quelque peu chaotique pour parvenir jusqu’aux salles obscures.
Tout d’abord prévu pour le 4 novembre 2020 en salles, le film perd sa date de sortie pour cause de pandémie mondiale. Il se trouve alors repoussé de plusieurs mois pour finalement pointer le bout de son nez le 19 mai 2021, six mois plus tard, pour célébrer la réouverture des cinémas.

Un lancement quelque peu éclipsé, par une myriade de films qui étaient à la recherche d’un créneau pour se dévoiler au monde. Il est néanmoins le dixième film le plus vu lors de sa semaine de sortie, avec tout de même 57.572 billets vendus.

Viggo Mortensen, L’Homme Orchestre

Aujourd’hui reconnu de manière internationale, Viggo Mortensen n’a pas toujours eu accès aux premiers rôles. Ayant toujours eu sa place devant la caméra des plus grands cinéastes, il fut rencardé durant une quinzaine d’années à des rôles mineurs et secondaires.
Il débute ainsi sa carrière en 1984 chez Jonathan Demme et Woody Allen, avec Swing Shift et La Rose Pourpre Du Caire, où il sera finalement coupé au montage. Il faudra alors attendre quelques mois pour le voir apparaître dans Witness réalisé par Peter Weir.

C’est ensuite une entrée par la case cinéma de genre avec Prison et Massacre à la tronçonneuse 3 : Leatherface qui marque sa carrière jusqu’à l’orée des années 90.
Durant les années 90, Mortensen va enchaîner les petits rôles chez des cinéastes tels que Sean Penn, Brian De Palma, Jane Campion, Kevin Spacey, Gus Van Sant, Terrence Malick, Tony Scott ou encore Ridley Scott.
Il aura fallu attendre 2001, sa rencontre avec Peter Jackson, avec la sortie de la trilogie Le Seigneur Des Anneaux pour accéder à la reconnaissance des critiques et du public.
Les tournages se multiplient par la suite avec des rôles sur mesure avec A History Of Violence, Les Promesses De L’Ombre et A Dangerous Method de David Cronenberg puis Sur La Route, Loin Des Hommes, Captain Fantastic et Green Book.

Bien au-delà de sa carrière d’acteur, Viggo Mortensen est également photographe, peintre et musicien de Jazz. Il créera d’ailleurs en 2002 sa maison d’édition « Perceval Press ».
C’est au coeur de ce parcours protéiforme qu’il va modeler sa vision de cinéaste, sa perception de metteur en scène. Falling est la somme de toutes ses expériences, une oeuvre où il prendra la casquette de réalisateur, compoiteur, producteur mais également producteur.

Une Vision Schizophrénique des Etats-Unis

Le film de Mortensen, à travers la déchirée et déchirante relation père/fils qu’il nous propose, dresse le portrait d’une nation bipolaire. Une image des Etats-Unis divisée de divers points de vues qu’ils soient générationnels, politiques, idéologiques, géographiques ou culturels.
Le pays aux deux visages, entre démocrates et conservateurs, se meut évolue et définit ses contours sous le regard du cinéaste.

Sans jamais virer dans le militantisme, bien que le camp de Mortensen soit fortement perceptible, l’oeuvre qu’il a su ériger porte une analyse bienveillante. Falling ne prend jamais la direction de l’affrontement, de la bataille des idéaux, préférant l’observation, le constat plus que la révolution. Le film s’actionne à travers une lecture pacifiste d’un conflit qui dépasse de loin la simple relation familiale.

Interrogeant constamment le fonctionnement bipartite du pays aux 50 états, aux aspirations opposées aussi bien idéologiquement que géographiquement, la proposition du réalisateur met régulièrement en lumière l’impossibilité de communiquer entre les deux camps. L’analyse se déroule autour de la difficile union idéologique au cœur de ce territoire-continent et questionne : Comment d’une telle disparité peut naître l’âme de la première puissance mondiale ?

Questionnement qui trouve une réponse à travers la cellule familiale et la puissance supérieure qu’est l’identité Etats-Unienne. Au-delà, des tensions, des rapports de force, des silences et des incompréhensions, Mortensen donne à voir une configuration familiale qui en constant équilibre, à la lisière de la crise irréconciliable, parvient à toujours retrouver un semblant d’équilibre, pour subsister, s’aimer, et célébrer malgré les intérêts en conflit un combat supérieur tendant vers l’espoir, la lumière, au cœur d’un chaos à la silhouette éternelle

Au coeur Etats-Unis qui ont vu et voient cohabiter le regard et les caméras de Clint Eastwood, Woody Allen, Terrence Malick, Spike Lee, David Lynch, Michael Cimino, Tobe Hooper, Martin Scorsese, Franck Capra ou encore John Ford, le coup d’envoi de la carrière de Viggo Mortensen à travers une lecture microcosmique, le cercle familial, renvoie à une synthèse macrocosmique d’un demi-siècle d’Histoire d’un pays, celui des terres de l’oncle Sam.

Les Miroirs Du Temps

Falling opte pour une narration en dehors de l’axe chronologique, préférant morceler son récit par un couloir temporel, les souvenirs, s’étirant sur une vingtaine d’années. De la sorte, tout au long d’une longue et fastidieuse semaine élargie, où Willis vieil homme, habitant à la campagne, en proie à la démence et prisonnier mental de ses décisions passées, vient passer quelques jours chez son fils John, homosexuel et défenseur de la politique d’Obama, le film ouvre des parallèles sur le passé des personnages au fur et à mesure de leurs interactions.

Du repas familial, à la galerie d’art en passant par leurs différents échanges, le moindre espace, mot, silence, geste, objet devient un talisman. Une clé pour ouvrir un parallèle entre temporalité présente et passée. Une modulation du récit qui invite les souvenirs à serpenter le présent, et comprendre les relations difficiles qui font de cette famille à la construction complexe entre mariages multiples, adoption, distance et multiplicité de croyances, d’opinions, le reflet de la famille moderne, fractionnée mais toujours unie par un amour silencieux, réservé, qui pousse, ces êtres aux pensées contraires, à se retrouver, au-delà de l’accord sociétal.

De cette organisation narrative, aux sauts temporels multiples, Viggo Mortensen aurait pu perdre, lasser, le spectateur tant le procédé relève d’un tortueux travail de montage. Pourtant, le procédé fonctionne, porté par une juste gestion de l’intrigue et d’un jeu d’acteurs stupéfiant.
Un parti pris qui réussit à tous les niveaux tressant histoire et poésie, pour dépasser le champ du perceptible et atteindre les horizons du sensible.

Une Histoire De Famille

Falling en tissant son histoire autour d’une relation père/fils, étend sa vision de manière bien plus vaste et oeuvre à présenter une diversité fascinante en matière de constructions familiales.
La réflexion et le récit que propose Viggo Mortensen réussit en finesse, sans jamais appuyer avec lourdeur, à aborder les fonctionnements et configurations familiales contemporaines.

Le long-métrage s’articule entre famille recomposée, homoparentale, adoptive et traditionnelle. Les conceptions se touchent, se heurtent et vivent ensemble donnant une large définition d’une révolution et progression sociale jeune de tout juste un demi-siècle.
Une multitude de définitions qui viennent se réunir autour d’une scène de repas anthologique où les non-dits, et pensées des organisations des uns et des autres ne vont cesser d’être aspergés par la verve corrosive et blessante d’un homme du passé qui ne voit en ces âges nouveaux qu’un naufrage de la société en laquelle il croit. Une fureur qui est décuplée par une démence sous-jacente se révélant un peu plus à chacune de ses élocutions.

Cette façon d’approcher et offrir une vision extra-large des schémas familiaux est à la fois une force et une faiblesse de la proposition de Mortensen.
A force de vouloir couvrir et cerner tout un pays, il s’appuie sur une construction sous forme de compilation en souhaitant afficher à travers chaque personnage une facette de la société. Une idée, somme toute intéressante, mais qui aurait certainement pu être exploitée dans le cadre d’un film-chorale.
Ici, cette addition de modèles familiaux remplit à plusieurs reprises le rôle de background sur lequel s’appuie la déchirante relation père/fils. Des textures sur lesquelles les disputes prennent prises, une manière de gonfler les tensions d’un lien qui n’avait peut-être pas besoin de tant pour parvenir à sa destination.

Au-delà du récit, un jeu incandescent

La force de Falling, en-dehors de son storytelling intrigant, réside au sein du jeu d’acteurs des deux rôles phares du film. Bien que l’on adhère et croit très facilement aux interprétations de Laura Linney, en soeur désabusée, Bracken Burns, en belle-mère résiliente, Terry Chen, en mari tolérant, ou encore Gabby Velis, en fille adoptive rayonnante, Viggo Mortensen et tout particulièrement Lance Henriksen obsèdent, hypnotisent.

Falling, l’envol d’un nouveau cinéaste

Avec ce premier film, en tant que réalisateur, Viggo Mortensen se dirige vers les horizons du drame à la fois familial et sociétal. Il parvient à éviter les accents misérabilistes, niais et mielleux, pour développer une corrosive et fascinante relation père/fils, avec l’histoire des Etats-Unis des cinquante dernières années en toile de fond.

Une oeuvre qui va au-delà de la cicatrice, de la mélancolie, pour chercher une lumière passée qui illumine, pour l’éternité, nos vies présentes et futures. Un souvenir perdu qui rappelle que le bonheur fut, est et sera toujours vivant tant que les regards et mémoires, sauront où chercher.

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