Réalisateur : James Wan |
Acteurs : Akela Cooper, Ingrid Bisu |
Genre : Horreur |
Pays : Etats-Unis |
Durée : 111 minutes |
Date de sortie : 1 Septembre 2021 |
Synopsis : La vie de Madison Mitchell est perturbée lorsque de terribles visions viennent la hanter. Quelle est cette créature malveillante qui la poursuit et commet ces meurtres atroces ?
Annoncé et taquinant notre curiosité depuis quelques mois, le nouveau frisson pensé par James Wan a réussi à se frayer un chemin jusqu’à nos cinémas. Malignant en dehors d’une bande-annonce mystérieusement cacophonique, conservant le mystère derrière sa direction stylistique entre film de possession et architecture Nolanesque, gardait ses plus grandes promesses derrière les annonces du réalisateur australien se targuant d’orienter l’imaginaire du récit à mi-chemin entre Giallo et cinéphilie de vidéo-club.
James Wan, pour l’amour du Twist
James Wan, depuis 2004, est parvenu à se hisser vers le statut de réalisateur culte faisant preuve d’une inventivité étonnante s’agissant de revisiter le monde de l’horreur. Le talent du cinéaste repose en grande partie sur sa capacité à surprendre son public à force de retournements de situations étourdissants.
Il débute avec Saw comme premier long-métrage, accompagné de son camarade de cinéma Leigh Whannell. Il réalise le film pour un peu plus d’un million de dollars et en récolte pas moins de cent millions. Cette première oeuvre met en place bon nombres de mécanismes que le cinéaste abordera du thriller crasseux au film noir en passant par le cinéma d’horreur.
Il réalise de manière confidentielle Dead Silence, une histoire de pantin hanté, et Death Sentence, réécriture d’Un Justicier Dans La Ville. Les années passent, le nom de James Wan grandit, devient un des derniers frissons des vidéo-clubs où toute l’attention se tourne vers ses trois premières créations, toutes plus intrigantes les unes que les autres.
C’est en 2011 que James Wan rencontre son succès avec le grand-public, que son nom devient synonyme de futurs incontournables avec la sortie de Insidious suivi de Conjuring en 2013. Les films sont instantanément rangés au rang de classiques du genre et le cinéaste profite de l’engouement pour tourner les suites de ces deux œuvres et lancer en tant que producteur le très douteux Conjuring Verse, composé de Annabelle, La Nonne ou encore La malédiction de La Llorona.
Suite au succès public, à la capacité de surprendre le box-office, les grands studios s’approchent du cinéaste. James Wan réalise alors Fast And Furious 7 ainsi qu’Aquaman.
Ses sagas horrifiques qu’il s’agisse de Saw, Insidious ou encore l’embarrassant Conjuring Verse, sombrent dans des enchevêtrements de suites, faisant figurer le nom du réalisateur en tant que producteur et scénariste pour prendre au piège tous ceux attendant le retour de Wan derrière la caméra.
Il aura alors fallu attendre huit années pour que le réalisateur se plonge dans une nouvelle expérimentation horrifique : Malignant.

A la rencontre des territoires (in)connus
James Wan avec Malignant installe son récit au coeur d’une histoire de tueur en série. Maddison, femme ayant croisé lors d’une sombre nuit d’orage un assassin au visage indicible, et découvrant le corps de son mari, la battant régulièrement, la tête déboîtée, se trouve lié par des visions dans ses rêves des autres crimes commis par le serial killer.
En une poignée de séquences James Wan réussit à mettre son récit sur pied et ne s’embourbe pas dans des explications stériles. Il montre les faits, nous pousse à s’interroger. Le mystère naît, les incohérences sont nombreuses, mais les clés de lecture dissimulées permettent de maintenir nos interrogations. Le train fantôme est en marche, ne réfléchissez plus et embarquez pour la démonstration.
Sans convoquer les maisons hantées, les cas d’entités démoniaques ou bien encore les jeux sadiques de John Kramer, James Wan compile ce qu’il a pu nous proposer par le passé et tente d’élever une nouvelle chapelle, un espace d’horreur où son cinéma viendrait rencontrer le body horror de David Cronenberg, l’absurde de Basket Case, les expérimentations visuelles de Christopher Nolan et les scènes d’action de Matrix.
Et c’est justement là où très rapidement l’engouement cède la place au désenchantement. Le cinéaste tombe dans un ravin de références lourdingues, vues et revues, où l’effort de toute finesse dans l’écriture est abandonné. Les horreurs du subconscient sont au grenier et les secrets enfouis à la cave..
Nous sommes face à un cas d’école, James Wan abandonne toute sa virtuosité et se plonge dans un spectacle où son plaisir personnel a pris le devant sur la qualité de l’oeuvre. Comme un Tarantino sous opioïdes, Wan fonce sans relever la tête et place tout ce qui a fait sa cinéphilie au cœur de Malignant des hommages douteux au Giallo en passant par des séquences pseudo-scientifiques rappelant grossièrement Chromosome 3. Tout ce qui faisait le charme bancal de l’horreur des années 70/80 d’Argento à Fulci en passant par Carpenter jusqu’au cinéma bis de Henenlotter et Yuzna, se transforme en objets de culte prétentieux perdant leurs saveurs et leurs inspirations.
Nous sommes ravis pour le réalisateur, de découvrir sa capacité à s’amuser, mais le film s’enfonce dans une fange absurde où la case TV film guette chacune des idées de mise en scène, où le spectateur s’abandonne à jouer des zygomatiques là où la terreur aurait dû le pétrifier.

Come on and twist again
Le mystère que le cinéaste souhaite faire naître à travers Malignant s’organise autour d’un jeu de piste abscon où le sens et la forme ne trouvent pas d’équilibre, souhaitant simplement flatter notre rétine espérant dissimuler le vide de son propos. Le syndrome des productions Netflix n’est pas loin.
Tout est mis en scène pour impressionner, et masquer la proposition grotesque qui nous est offerte de l’abrutissante musique Heavy Metal, croisant la poussive reconstruction du Where Is My Mind des Pixies, qui n’est pas de circonstance au piètre jeu d’acteurs (rivalisant avec l’invraisemblable performance de Kid Rock dans Spirale) en passant par une architecture globale peu ambitieuse, le film nous traîne de toutes ses forces jusqu’à son twist espérant révéler une information capitale remettant en question toute notre consternation.
James Wan s’emprisonne dans ses mécaniques, à force de vouloir apposer sa touche à base de Twists mémorables. Il en oublie le récit essaie de nous bluffer en jouant sur le contexte spatio-temporel, sur la dissociation des réalités, s’orientant plus vers la parodie d’Inception que vers la porte de nos frayeurs.
Le film est au service de son twist et non l’inverse, à force de trop vouloir surprendre, le film s’éconduit dans un labyrinthe froid et blême, n’éveillant que peu notre intérêt pour tout rebondissement.
Creepy pasta, creepy monster
Les rires s’échappent, le film ne cesse de s’enfoncer dans la création d’une nouvelle mythologie jouant de mystères que l’on ne souhaite point résoudre, perdant notre attention et figeant son récit dans une dimension bis prétentieusement maladroite.
En souhaitant juxtaposer drame, grotesque et horreur, le cinéaste ne réussit pas à saisir notre regard, ne parvient pas à électriser nos paupières et pourtant si il faut reconnaître une qualité au film du réalisateur il s’agit bel et bien de son twist, de l’entité qu’il réussit à créer au travers du tueur. La mise était de taille mais l’architecture pour la soutenir disproportionnée, non adaptée.
Dans ce flot de visuels léchés, de tensions anesthésiées, James Wan nous inflige cinq minutes de vraie terreur, où le grotesque vient nous saisir et glacer notre échine. On pense à ces récits horrifiques qui germent ici et là sur internet jouant entre histoire et fiction horrifique, faisant pénétrer les monstres dans nos imaginaires et nous empêchant de fermer l’oeil la nuit : les creepy pasta.
Une vision de la terreur qui aurait pu en évitant de créer cette architecture démesurée, et en resserrant le regard sur l’essentiel, devenir notre cauchemar favori.

Malignant, aux portes du Z
Les idées sont présentes mais les élucubrations sur le subconscient, cette volonté de complexifier le récit, tout comme de mêler les genres de l’horreur à l’action, ont noyé cette possibilité de nous renvoyer aux peurs primaires celles qui jaillissent de la chair et nous possèdent, faisant de nos imaginaires des citadelles assiégées, dominées par nos frayeurs les plus intimes.
Malignant n’est pas le rendez-vous tant attendu, James Wan à force de vouloir créer de nouvelles terres d’épouvante, en jouant sur la carte des nostalgiques de vidéo-clubs, et souhaitant atteindre ce fragile équilibre où le grotesque vient nous hanter, s’écroule dans un magma informe où l’ennui pointe très rapidement le bout de son nez, où les cris cèdent leurs places aux rires.