Réalisateur : Patrice Rhomm |
Acteurs : Monica Swinn, Olivier Mathot, Claudine Beccarie, Sylvia Bourdon, Erika Cool |
Genre : Erotique, Fantastique |
Durée : 80 minutes |
Date de sortie (salles) : 1975 |
Date de sortie (Blu-Ray) : Avril 2022 |
Synopsis : L’historien David Léger est victime de rêves récurrents dans lesquels il se retrouve dans une étrange demeure en compagnie d’une femme, Draguse, sorcière pratiquant la magie noire. Lorsqu’il va voir Jérôme, son éditeur, celui-ci lui conseille d’écrire un roman érotique, un créneau en vogue et plus lucratif. David accepte à contrecœur et s’installe dans un manoir retiré afin de trouver l’inspiration. À sa grande surprise, il réalise que la maison est celle de ses cauchemars.
Depuis sa vague de cinéma érotique parue il y a bientôt un an, qui célébrait entre autres Michel Lemoine, Le Chat Qui Fume n’a cessé de creuser cet horizon du cinéma hexagonal, exhumant des œuvres oubliées, parfois médiocre et d’autres fois d’une enivrante qualité.
Dans cette quête du cinéma interdit, des films que l’on connaît mais dont on ne nomme pas le nom, l’éditeur français s’est aventuré dans une direction attendue depuis longue date entre fantastique et érotisme : Draguse Ou Le Manoir Infernal réalisé par Patrice Rhomm.
Nous nous aventurerons au cœur de cette nouvelle restauration 4K et son édition Blu-Ray en deux temps :
I) La critique de Draguse Ou Le Manoir Infernal
II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray

I) La critique de Draguse Ou Le Manoir Infernal
Patrice Rhomm, Les Portes de l’Ultra-Bis
Patrice Rhomm, né Patrice Rondard, et qui connaîtra d’autres pseudonymes tels que Mark Stern ou encore Homère Bingo, est un cinéaste connu pour avoir tourné de nombreux films pour le compte d’Eurociné.
Pour rappel, Eurociné est une compagnie de cinéma spécialisée dans le cinéma d’exploitation, connue pour avoir collaboré à de nombreuses reprises avec Jess Franco.
Patrice Rhomm, bien qu’ayant scénarisé le populaire Banco à Bangkok pour OSS117 en 1964, s’est tourné très rapidement vers le cinéma d’exploitation fantastique, ainsi que le cinéma à caractère libidineux, dont Draguse Ou Le Manoir Infernal est un parfait exemple de son cinéma offrant une hybridation des deux courants.
Ses oeuvres les plus connues sont L’Archisexe, Touchez Pas Au Zizi, avec Brigitte Lahaie, ou encore Elsa Fräulein SS.

La Grande Vadrouille
Draguse est une carte de visite de l’érotisme en France, tant littéraire que cinématographique. Le cadre se fixe autour d’un romancier historique, ne trouvant pas de financement, qui se fera approché par un éditeur à la recherche d’une nouvelle plume rose.
Afin de percevoir un revenu, et avant tout assurer un toit au-dessus de sa caboche, l’écrivain à la cinquantaine tassée accepte le job.
Il déambule dans Paris à la quête d’inspiration entre cinéma pour adultes et sex shop, il se jette dans l’inconnu.
Ce qui paraissait une simple promenade dans un Paris culturellement bouillonnant, mais ordinaire dans les années 70, se transforme en un curieux portail temporel de nos jours. C’est d’ailleurs une des forces du film de Patrice Rhomm, nous prenons un plaisir exquis à redécouvrir un Paris où le cinéma pour adultes avait ses propres salles, ses affiches géantes et ses titres racoleurs. Un puits de références sont ainsi parsemées à travers le film et nous venons à fantasmer cette époque où tout semblait si simple, où la liberté semblait totale et où l’imaginaire était sans limite.
Le cinéaste ouvre donc son film à plus qu’un simple divertissement érotique mais à plusieurs courants de cet art, mettant également en avant les rouages d’un métier où les créateurs laissés pour compte pouvaient devenir en maîtrisant les mots et les images, des cinéastes et auteurs à succès, aux noms cependant seulement connus par une poignée d’initiés.

Les Mille Et Une Nuits
En usant des rouages du fantastique, manipulant la plume de l’auteur par les sortilèges de la sorcière Draguse, nous plongeons dans le récit lubrique que va nous écrire le quinquagénaire qui manquait d’inspiration et qui désormais semble avoir retrouvé toutes ses capacités.
Il s’installe inconsciemment dans la demeure de la sorcière, maison de campagne hantée, et se laissera conter chaque nuit par ses pensées aliénées ou par la sorcière elle même des récits de chair tous plus singuliers les uns que les autres.
En prenant cette formule rappelant Les Mille Et Une Nuits, Rhomm compile divers mouvements du cinéma érotique, allant de l’horreur au fantasme étudiant, de l’occulte à la naziploitation, tout en jouant avec les limites du X, et réussit à ficeler un récit de possession ou plutôt de dépossession au rythme enivrant.
Le Diable Au Corps
Rhomm installe une intrigue simple, directe, captant nos esprits et faisant du film un amusement complet, un divertissement au charme qui se bonifie avec l’âge.
Nous restons ébahis par cette production aux moyens plus que restreints qui pourtant nous enserre, nous hypnotise tout du long avec un érotisme flirtant gentiment avec le X, et parvenant toujours à tirer de nous des émotions vives, nous dépassons rapidement le cap de spectateur inerte pour rigoler franchement, écarquiller les yeux avec surprise et découvrir un cinéma d’une liberté qui aujourd’hui semble s’être évanoui avec les décennies.
Au-delà d’une proposition ric-rac, le film de Patrice Rhomm s’impose à nous tel un talisman, nous remémorant nos libertés d’expressions que nous avons savamment sabordés sur l’autel d’une bienséance maladive, où la redécouverte d’œuvres de cet acabit, alternative, prend toute sa dimension patrimoniale, ouvrant le regard sur une histoire du cinéma qui de nos jours reste honteuse et pourtant nécessaire pour s’extirper de notre fange où l’érotisme est devenu d’une conventionnalité écœurante, ayant perdu sa définition propre, se transformant en divertissement faussement subversif, où règnent en maîtres les affligeants After, 50 Nuances De Grey et autres 365 Dni.
Draguse Ou L’extase Infernale
Draguse Ou Le Manoir Infernal est un très bon divertissement qui nous conduit dans une industrie du cinéma érotique qui s’est aujourd’hui évaporée, affiliant le fantastique pour décupler son aura sulfureuse.
Une belle réussite !

II) Les caractéristiques techniques de l’édition Blu-Ray
Image :
Le Chat Qui Fume touche la grâce avec cette édition à la restauration effectuée en 4K à partir de négatifs son et image d’origine.
Nous ne savions pas trop à quoi nous attendre, bien que l’éditeur ait le chic pour offrir le meilleur.
Les détails sont très nombreux donnant aux corps et à la peau des textures envoûtantes, un aspect décuplé par le travail autour des couleurs, resplendissantes, rajeunissant à la fois le film mais lui offrant aussi une très belle dimension fantastique, laissant pénétrer une aura occulte saisissante.
La présence du grain, qui a été finement travaillé, laisse respirer la pellicule et donne des conditions de visionnages optimales.
Un régal.
Note image :
Son :
Partant également des négatifs son, le film de Patrice Rhomm renaît, laissant les parties instrumentales jaillirent de nos enceintes, participant grandement au caractère hypnotique de l’oeuvre. Toute poussière ou voile qui auraient pu naître avec le temps ont disparu, Draguse ressuscite.
Les voix sont en avant correspondant aux motifs habituels du cinéma érotique hexagonal.
Une réussite.

Suppléments :
L’éditeur a fait l’impasse pour Draguse Ou Le Manoir Infernal sur une sortie digipack, et a relayé cette sortie aux boîtiers plastiques plus conventionnels.
Néanmoins, pour les plus rapides, les quatre cent premiers, une course bien plus aisée que celle de notre création et notre grand marathon vers l’ovule, une couverture cartonnée était ajoutée, afin de rendre le produit plus « collector ».
Une couverture réalisée par Grégory Lê, qui de notre côté n’est pas parvenu à ravir notre rétine, le style ne réussissant absolument à captiver notre attention.
L’édition Blu-Ray de Draguse est une belle proposition pour continuer l’exploration de l’oeuvre et surtout s’orienter vers de nouveaux titres du genre.
Le Chat Qui Fume nous gâte avec les bonus suivants :
- Interview Monica Swinn (40 mn)
Monica Swinn lors d’une longue interview revient sur sa place dans le cinéma underground, et développe une sorte de carte mentale autour de l’industrie du cinéma érotique tout comme pornographique de l’époque.
Elle y revient sur ses différentes expériences et collaborations.
Un supplément qui saura captiver tout du long de ses quarante minutes, à la rencontre d’un cinéma perdu.
- Interview Erika Cool (12 mn)
Erika Cool revient sur l’origine de son apparition dans Draguse et de la place qu’occupe le film dans sa carrière. Elle expose son parcours de ses joies à ses désillusions, d’un cinéma érotique et pornographique porté par un récit jusqu’aux dérives écervelées de la décennie suivante.
Un supplément qui se répond avec celui de Monica Swinn, donnant une vision encore plus large du milieu.
- Interview Eric de Winter par Christophe Bier (14 mn)
Eric De Winter, réalisateur X ayant travaillé sur le effets spéciaux de Draguse, revient sur la liberté présente dans le cinéma érotique des années 70 et le vivier de cinéastes qu’il était.
Il resitue Draguse dans cette décennie hallucinante où les affiches les plus intrigantes revêtaient les rues de Paris.
Avis Général :
Il y a très peu de raisons que de laisser passer cette édition Blu-Ray de Draguse Ou Le Manoir Infernal, à moins que le cinéma des corps nus vous rebutes, ou que vous redoutiez le regard omniscient de vos collègues.
Le Chat Qui Fume offre une pièce de cinéma subversive comme il n’en existe plus, et ce, dans des conditions optimales qu’il s’agisse de l’image, faisant resplendir les visages et bien plus, du son, hypnotique, ou encore des suppléments, véritable mine pour partir à l’exploration d’une industrie évanouie.
Draguse Ou Le Manoir Infernal est dans le haut du panier des films « interdits » -et donc obsédants-, flirtant avec le X, que l’éditeur nous propose depuis quelques mois.
Pour découvrir Draguse Ou Le Manoir Infernal en Blu-Ray :
- https://www.lechatquifume.com/collections/precommandes/products/draguse-ou-le-manoir-infernal
- https://metalunastore.fr/products/draguse-ou-le-manoir-infernal-sans-fourreau
