Aftersun : Critique

Réalisateur : Lluís Galter
Acteurs : Alex Moreu, Carmela Poch
Genre : Drame, Expérimental, Policier
Durée : 70 minutes
Pays : Espagne
Compétition Internationale FID Marseille 2022

Synopsis : Dans la promiscuité estivale d’un camping balnéaire, un trio d’adolescentes épie un saisonnier dépressif qui se déguise en ours pour être la mascotte du camping. Leur imaginaire, stimulé par le récit glaçant d’un rapt d’enfant survenu quelques décennies plus tôt, les porte à se convaincre que quelque chose de louche se trame autour de l’homme.

Deux festivals, deux films, un seul titre. Voici la première pensée qui me traverse lorsque je découvre un certain Aftersun en compétition internationale au FID.
Il y a de cela un mois et demi je découvrais les errances d’une jeune fille dans un camp de vacances, où le père de famille, en profonde dépression, abandonnait régulièrement sa fille dans les allées de la résidence, s’enfermant dans la dépression jusqu’à l’irréparable drame. Il s’agissait de Aftersun réalisé par Charlotte Wells, présenté lors de La Semaine De La Critique 2022.
Aujourd’hui, le FID Marseille nous propose Aftersun réalisé par Lluis Galter, une variation de genres autour du thème des vacances d’été dans un camp de vacances -belle coïncidence-. Un groupe d’adolescentes y apprend la disparition d’un jeune garçon, elles décident d’enquêter et se trouveront rapidement dans un inextricable jeu tout en fausses pistes et se confronteront au monde secret des adultes.

Under The Silver Lake

La température ne cesse de grimper, les vacanciers par effet de magnétisme se rassemblent autour des points d’eau, qu’il s’agisse de la piscine du camping ou de la mer en bordure de la structure.
Un groupe d’amies se trouve alors à discuter avec un vieil homme, puits à faits divers, leur racontant l’histoire d’un jeune garçon ayant disparu, sans jamais laisser la moindre trace, le moindre indice. Le récit de l’aîné les pétrifie, mais éveille également la curiosité, l’envie de résoudre une enquête au point mort, de trouver le responsable de ce crime afin d’empêcher que de tels drame ne puissent se répéter.
Seule piste pour le début des investigations : un étrange homme déguisé en ours.

Dans cette recherche de vérité, la petite bande va se laisser porter par des indices tous aussi divers que variés, les amenant à explorer des espaces qui étaient encore vierges pour elles. Nous partons à la rencontre de l’inconnu. La caméra du cinéaste se joue de nous, tout comme l’enquête se joue des héroïnes. Aftersun embarque le spectateur dans un jeu de recherche qui pousse à l’investigation sans jamais nous orienter vers la moindre réponse. Nous découvrons des secrets que nous ne cherchions pas, nous nous perdons dans des recoins que nous n’imaginions pas.
Le réalisateur s’amuse à croiser les genres de cinéma, les types de plans, bâtissant une architecture tortueuse et labyrinthique qui nous rappelle le cinéma de David Lynch et ses déambulations stériles, stériles mais excitantes, stériles mais envoûtantes, stériles mais nécessaires.
Du faux documentaire au film noir, en passant par la comédie, le cinéma d’aventure et le cinéma expérimental, Galter pousse notre regard à s’approprier le cadre, à voir ce que personne n’observe, à développer notre attention pour finalement découvrir l’insoupçonnable.

Naissance Des Pieuvres

Dans leurs aventures qui s’étendent jusqu’à la pénombre, aux inquiétantes nuits où naissent les cauchemars et les mystères, la adolescentes vont dépasser le champ de leurs connaissances. Au-delà de cet été d’investigation, les jeunes filles se confrontent à l’obscurité, celle des secrets du monde adulte, celle des corps qui s’appellent.
En s’évadant lorsque le soleil se meurt, elles découvrent un monde qui va par-delà leurs perceptions lumineuses et merveilleuses. Elles se construisent au fur et à mesure des rencontres, se transforment, et se dirigent vers l’âge dont on ne revient pas, celui de la conscience, des angoisses comme des jouissances.

Elle sont à la lisière de ce monde dont elles ne font que distinguer les contours, mais dont désormais elles perçoivent l’existence. Le mystère de la disparition fait surgir bien d’autres interrogations, bien d’autres quêtes et c’est tout en suggestions que le film nous glisse dans ce monde d’après, ce monde que nous ne pouvons distinguer sous la lumière écrasante du soleil et que seule la lune peut en dessiner les reliefs.

Black Hole Sun

Aftersun est une intrigante invitation à l’exploration, à la redécouverte des cinémas, à l’analyse des espaces, au plaisir de la recherche, jouant de variations autour de structures convoquant tout autant l’univers de David Lynch que de Jacques Rivette ou encore Sofia Coppola.
Lluis Galter parvient à saisir par-delà son intrigue principale une étape transitoire du passage de l’enfance à l’adolescence jusqu’à la perception des textures et reliefs, jouant sur les images, les genres et les représentations, qui font de l’âge adulte et ses excitantes ténèbres, l’un des plus grands mystères qui soit.

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