The Sadness : Critique

Réalisateur : Rob Jabbaz
Acteurs : Regina Lei, Berant Zhu, Tzu-Chiang Wang
Genre : Horreur
Durée : 100 minutes
Pays : Taiwan
INTERDIT AUX MOINS DE 16 AVEC AVERTISSEMENT

Synopsis : Alors que Taïwan succombe à une pandémie virale qui transforme des citoyens pacifiques en maniaques sadiques et sanguinaires, un jeune couple doit se battre pour être réuni avant d’être infecté.

Après avoir marqué L’Etrange Festival, le festival de Locarno mais aussi le Festival de Gérardmer, le phénomène ultra-violent The Sadness a réussi à se frayer une voie vers les cinémas français.
Il est de plus en plus rare, si ce n’est anecdotique de voir un cinéma dénué de toute bienveillance atterrir dans nos salles obscures.
Des exceptions apparaissent toutefois dans les cinémas du parcours Arts et Essais avec dernièrement Pleasure réalisé par Ninja Thyberg ou encore Liberté d’Albert Serra, des exceptions qui restent confidentielles, réservées à certains connaisseurs et initiés en quête de l’interdit.
Pour les autres, le plaisir de scandaliser s’est évanoui, l’accessibilité et la rentabilité sont devenus les mots d’ordre, les prisons intellectuelles d’une société formatée.
Le cinéma d’horreur plus particulièrement, celui qui est aisément accessible, mis en avant, est devenu de plus en plus convenu, si ce n’est puritain. La fin des vidéo-clubs a fait perdre toute curiosité en matière de propositions jusqu’au-boutistes. La maison Blumhouse a pris les rênes, le cinéma de l’effroi, du dégoût, n’a plus sa place.

Et pourtant… parfois.. certaines œuvres destinées à un public averti, que nous ne pensons pas trouver ailleurs que chez nos revendeurs spécialisés préférés de Blu-rays et DVDs, parviennent à créer leur propre cavité dans un système d’exploitation qui ne semble ni prêt, ni désireux d’accueillir de tels spectacles.
Une poignée d’entre eux, ayant connu une sortie en salles, sont néanmoins aujourd’hui devenus cultes qu’il s’agisse de Irréversible réalisé par Gaspar Noé, Martyrs réalisé par Pascal Laugier, Funny Games réalisé par Michael Haneke, Hostel réalisé par Eli Roth ou encore la saga Saw.
Leur point commun en matière de distribution, fut leur capacité d’avoir écopé d’une belle interdiction aux moins de 16 ans AVEC avertissement.
C’est aujourd’hui le cas de The Sadness, qui avait déjà éveillé notre curiosité de par son parcours mouvementé en festivals, et qui aujourd’hui en décrochant ce sésame qu’est l’interditcion aux moins de 16 ans avec avertissement, nous met l’eau à la bouche.

Ebola Syndrome

Après une longue année d’urgence sanitaire suite à l’émergence d’un virus, la population ne croit plus les politiques, ne voit que complots et stratégies électorales. Kat et Jim, jeune couple de Taipei, semble vivre sans trop se soucier de toutes ces interrogations.
Un matin ordinaire, Jim dépose Kat à la bouche de métro. Sur le chemin du retour, il s’arrête pour prendre un café à deux pas de chez lui. Une vieille femme, couverte de sang fait son entrée. Muette, ne répondant à aucun stimuli des personnes attablées dans le restaurant, elle saisit la friteuse la plus proche l’envoie sur la figure du gérant et lui arrache la peau comme on éplucherait une orange. La frénésie de la vieille femme est communicative, le virus que tout le monde semblait vouloir oublier a muté, révélant les affres d’une humanité hystérique se nourrissant de souffrance, de sexe et de sang. Taipei sombre dans le chaos total, les survivants se terrent, apeurés, observant les rues se gorger d’hémoglobine.
Jim, quant à lui, décide de traverser la ville pour retrouver Kat.

Rob Jabbaz offre une vision du film d’invasion, d’infectés, assez éprouvante.
En mettant sur pied un récit à la simplicité enfantine, il créé ce dont il rêve, l’explosion d’une société ultra-violente. Très peu d’explications sont apportées, très peu de contextualisation, The Sadness plonge le public très rapidement dans un déferlement de violence, faisant constamment redouter le pire, poussant le spectateur à agripper son fauteuil.
Éviscérations, démembrements, tortures et viols sont légions. On se demande parfois même jusqu’où se rendra le cinéaste pour nous soulever les entrailles.

En menant son récit en deux espaces d’une part avec Kat, devant survivre dans les couloirs du métro puis dans l’hôpital universitaire, suivant les codes du cinéma de survie et d’assaut, et d’autre part avec Jim, traversant la ville, témoin de toutes les horreurs, prenant les apparats d’un film d’exploration post-apocalyptique, le film réussit à ne jamais ennuyer dans cette surenchère de violence, parvenant toujours à canaliser notre regard malgré un récit extrêmement creux.
Rob Jabbaz maîtrise à merveille la mise en scène de l’horreur, du gore, mais se perd très vite dans la construction de son histoire, dans la fondation de ses personnages.
Nous peinons à nous imprégner du calvaire des protagonistes, ne développons que peu d’empathie, certainement faute également à un piètre jeu d’acteurs, nous laissant finalement extérieur à ce massacre gratuit.

Bio Zombie

Sans jamais poser le terme de zombies, le film de Rob Jabbaz s’en approche fortement, et essaie de s’en détacher en apportant une conscience aux infectés. Les cinglés ne sont pas mort, ils sont simplement malades, certaines parties de leurs cerveaux étant devenus perméables mêlant pulsions sexuelles et désirs de violence.
Ainsi, le cinéma du cinéaste Taïwanais ouvre une nouvelle lecture du film d’infectés décérébrés. Il s’affranchit de la lecture de Romero et ses morts-vivants abrutis par un société consumériste, capitaliste, et remodèle l’entité à travers nos société modernes, où la violence est constamment palpable, où le passage à l’acte est imminent.
Les infectés en présence ne sont ni plus ni moins que les mêmes individus, exacerbant leurs fantasmes morbides, leur attribuant une intelligence suffisante pour accomplir ce qui leur était impensable, inimaginable au cœur d’une société assiégée par les contraintes et le normes.

C’est ici toute la force du film, ce cri de libération, ce hurlement pour dépasser toutes les lois et interdictions qui ne cessent de pleuvoir depuis l’arrivée du virus -qu’il s’agisse du Covid ou bien celui du film nous ne savons plus vraiment.
Un affranchissement qui met en parallèle infectés et survivants qui face à l’horreur deviennent similaires, qui face à la violence sont monstres.

A Taiwanese Film

Pour mettre en scène l’horreur, Jabbaz fait appelle à son imaginaire assez conséquent en matière de créativité morbide et cache dans certains coins du cadre, mais aussi parfois en plein milieu du plan, le spectre d’un cinéma extrême qu’il aime et honore.
D’Ebola Syndrome à Irréversible en passant par un clin d’oeil distant à A Serbian Film et direct à Scanners, le cinéaste nourrit son spectacle d’images surprenantes, qu’on ne pensait plus se reprendre comme un jet de vitriol au fond de la rétine.
Jabbaz inclut même une de ses propres créations, une séquence en dessins animés, au contenu déviant, lors d’une des scènes en intérieur.

Des images choquantes, troublantes mais qui n’installent pas un souvenir impérissable. Le film dans son montage, ainsi que dans son cadrage reste très académique et finalement embarque, avec son difficile jeu d’acteurs, vers un divertissement extrême manquant de peu la case de symbole du cinéma d’horreur.
Il manque de-ci de-là, une audace visuelle que le sang et les tripes ne peuvent combler, une empreinte expérimentale aurait très certainement pu porter le projet vers de fascinantes sphères, qui aurait pu s’affranchir de son scénario faiblard, pour offrir une expérience totale.
Nous pensons à des plans séquences que nous aurions rêvés, des pénétrations dans la chair, et des mouvement de caméra abruptes.

Summertime Sadness

The Sadness est un divertissement horrifique extrême, sauvage, qui fait son travail en matière d’ultra-violence, réussissant à nous infliger une rouste comme nous n’en avions plus pris depuis belles lurettes en salles, et pourtant reste maladroit dans son récit, dans sa direction d’acteurs, n’osant pas assez la souplesse de sa caméra, de son cadre, pour nous faire pénétrer pleinement dans l’immondice palpable à l’écran, pour venir nous souiller directement sur notre fauteuil.

PS : Si vous en avez l’occasion cherchez à découvrir The Sadness en version originale, la version française élargissant le spectre comique du film vers le grotesque.



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