Ennio : Critique

Réalisateur : Giuseppe Tornatore
Genre : Documentaire
Durée : 156 minutes
Pays : Italie
Date de sortie : 6 juillet 2022

Objet du documentaire : A l’âge de 8 ans, Ennio Morricone rêve de devenir médecin.
Mais son père décide qu’il sera trompettiste, comme lui.
Du conservatoire de musique à l’Oscar du meilleur compositeur, l’itinéraire d’un des plus grands musiciens du 20ème siècle.

Chaque cinéphile a au fond de lui une mélodie de cinéma qui l’anime. Chaque cinéphile a un souvenir de cinéma qui ne peut se décrocher d’une composition. Chaque cinéphile est saisi d’un frisson lorsqu’il entend l’amorce d’un thème lui rappelant une séquence, un souvenir et parfois même plus.
Parmi ces souvenirs mélodieux ou ces mélodies mémorielles, nous ne pouvons esquiver la pensée qui nous pousse vers les bras du maestro Ennio Morricone.

De toutes générations, depuis les années 60, il est difficile, voir impossible, si l’on fréquente assidûment les salles obscures d’être passé à côté de ses œuvres musicales enchanteresses, obsédantes, qui parfois dépassent le film accompagné.

Des films de Sergio Leone jusqu’à Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, en passant par Salò Ou Les 120 Jours De Sodome de Pier Paolo Pasolini, Mission de Roland Joffé, L’Oiseau Au Plumage De Cristal de Dario Argento, Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore ou encore Maddalena de Jerzy Kawalerowicz, le catalogue de Morricone s’étend sur plus de cinq cents films et s’ouvre aujourd’hui face à nous tel une page que nous avons simplement effleuré bien qu’ayant touché nos existences au plus profond.

C’est en 2020, qu’Ennio Morricone, du haut de ses 92 ans, nous a quitté, toujours en pleine activité.
Le documentaire de Giuseppe Tornatore vient à nous faire découvrir sa vie, de sa naissance à Rome à sa disparition, tout en analysant une carrière foisonnante, décryptant les partitions pour en ressortir le génie du plus grand compositeur que le cinéma ait connu à ce jour.

L’Oiseau Au Plumage De Cristal

Tornatore pour approcher la vie d’Ennio Morricone opte pour une approche chronologique, un voyage nous menant de la fin des années 1920 jusqu’en 2020. Il façonne le documentaire en croisant images d’archive, extraits de films et témoignages de personnalités.
Nous en apprenons beaucoup sur l’homme, tout comme sur l’artiste. Nous replongeons avec fascination dans nos souvenirs et nous délectons des nouvelles portes qui s’ouvrent, appelant notre curiosité. La dynamique de la proposition est telle que sans même nous en rendre compte les années défilent, les décennies s’écoulent, modelant une carrière singulière, une force de travail saisissante créant un espace définissant l’importance de la musique au cinéma, construisant une place pour la musique de films dans le panthéon du quatrième art.

Le réalisateur trouve un équilibre savoureux nous faisant très vite oublier le temps, nous guidant dans un tourbillon de références et de recherches réussissant à esquiver l’indigestion – situation qui aurait très vite pu s’installer si le format du documentaire avait tourné au catalogue détaillé, brut et dénué d’intellectualisation du propos.
En ce sens le cinéaste ne braque pas essentiellement les projecteurs sur les moments forts de la vie du compositeur, mais prend le temps de décortiquer le travail de Morricone, ses influences, ses objectifs.

Cinema Paradiso

C’est d’ailleurs lorsque le documentaire s’échappe de son cheminement linéaire, lorsqu’il dépasse l’exposé, et qu’il se focalise sur la création artistique que l’envolée se déclenche, captivant nos regards, hérissant notre épiderme, faisant résonner les éternelles mélodies sur nos pavillons et révélant alors tout le génie de l’artiste, s’affranchissant du temps et touchant le sensible.
La proposition fait son chemin et donne à voir la manière de travailler de Morricone, mouvante, changeante, originale et unique en fonction du réalisateur, cherchant toujours à se réinventer. Nous prenons conscience de l’ampleur de ce créateur partagé entre musiques expérimentales et musiques de films, deux directions qui au fur et à mesure des écritures viennent à se chevaucher, se réconcilier, pour finalement dresser le portrait d’un homme discret et fascinant.

Il ne reste qu’une clôture parfois trop appuyée autour des hommages lui étant rendus, tirant un peu sur la corde pour arracher des émotions qui étaient déjà pourtant présentes tout au long de cette projection -il n’y a qu’à regarder les sillons qui se sont dessinés sur nos joues durant les deux premières heures.

La Légende Du Pianiste Sur L’Océan

Giuseppe Tornatore a accompli avec son documentaire bien plus qu’une célébration. Il est parvenu à rédiger une lettre d’adieu, sensible et touchante, à ce compositeur qui trouve dans nos cœurs une place si particulière, touchant à la nostalgie, embrassant les émotions.
Ennio, bien qu’avec sa conclusion un peu poussive en terme d’hommages, est un documentaire d’une fluidité époustouflante, nous faisant embarquer pour un voyage à travers le cinéma de deux heures et demi, dévoilant une dimension sous-estimée et trop peu observée celle de la composition musicale, autopsiant alors une corde bien souvent indispensable pour faire naître la poésie, dépasser l’image et sculpter un art total.

Ennio n’est que l’introduction d’une (re)découverte d’un immense artiste et de toute une filmographie foisonnante, renfermant des poèmes secrets que nous rêvons déjà d’effleurer.

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