Réalisateur : Ti West |
Acteurs : Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow, Scott Mescudi, Martin Henderson |
Genre : Horreur, Erotique |
Pays : Etats-Unis |
Date de sortie (cinéma) : 2 novembre 2022 |
Durée : 106 minutes |
Synopsis : En 1979, un groupe de jeunes cinéastes entreprend de tourner un film pour adultes dans la campagne du Texas, mais lorsque leurs hôtes les surprennent en flagrant délit, les acteurs se retrouvent rapidement dans une lutte désespérée pour leur vie.
Cette année 2022 a été marquée par un retour du cinéma d’horreur, tant dans les salles que dans nos salons.
La proposition a été assez fournie et s’est révélée plus abrupte et sauvage que ces dix dernières années où la triste hégémonie de Blumhouse commençait à donner la nausée de par son manque à la fois d’inspiration et d’efficacité.
Certes, le cinéma d’horreur n’a jamais réellement disparu, et a toujours su se montrer percutant, pertinent, pour un public curieux arpentant les festivals de films et cherchant du côté des éditeurs indépendants. Néanmoins, il restait assez confidentiel.
Nous pouvons donc nous réjouir d’avoir eu cette année une belle brochette de frissons surprenants, pas toujours d’une grande réussite cinématographique, mais cependant d’un abandon réel au genre, à la folie et l’hystérie que cet espace d’expression se doit d’invoquer.
De The Sadness à Ne Dis Rien en passant par Barbare, Crimes Of The Future, Men, Nope ou encore Ego, notre échine nous a déjà bien joué des tours, et l’année nous réserve encore deux surprises de taille avant sa clôture : X réalisé par Ti West et Terrifier 2 réalisé par Damien Leone.
X a marqué le circuit américain et a réussi à engendrer en quelques mois deux suites, Pearl, qui dévore tout simplement les terres de l’oncle Sam, et le futur, et encore mystérieux, MaXXXine. Une occasion rêvée de découvrir pour la première fois, en salles, en France, un film réalisé par Ti West, nécromancien, faisant renaître de vieilles bobines, de vieilles sensations, du cinéma d’horreur américain, très productif depuis les dix dernières années, et pourtant encore assez peu reconnu de par chez nous.
Ti West, Le Cauchemar Américain
A la manière de Tarantino, le cinéaste américain créé ses films à la façon de mosaïques référentielles. Le cinéma de Ti West repose grandement sur une cinéphilie du cinéma d’exploitation minutieuse, et un véritable amour pour le frisson, pour le plan qui craque la rétine.
Ti West est très souvent le seul maître à bord de ses films où il officie en tant que réalisateur, scénariste et même monteur. Il s’installe en tant que créateur total du début jusqu’à la fin de la chaîne.
Bien que découvert par le public horrifique avec le dispensable Cabin Fever 2, prenant la relève d’Eli Roth, le réalisateur américain est surtout connu pour composer des hommages à un cinéma fantastique venu tout droit des années 70/80.
Nous l’avons ainsi apprécié et plus correctement découvert avec The Innkeepers ou encore The House of The Devil. Il a également participé à deux anthologies horrifiques : The ABCs Of Death et V/H/S.
Connu par une communauté de fans assez réduite, la réalisation de X vient tout juste de lui ouvrir les portes d’une reconnaissance internationale.

The Texas Chainsaw Massacre
Avec X, Ti West ne prend pas de pincettes et comme il l’avait déjà réalisé par le passé, prend le virage de l’hommage à un cinéma américain à la fois culte et désuet, et c’est aujourd’hui au tour du cinéma de Tobe Hooper, tout particulièrement Massacre à La Tronçonneuse et Le Crocodile De La Mort, de passer à la moulinette.
Nous sommes en 1979, un groupe de jeunes cinéastes décide de tourner un film à caractère pornographique en rase campagne, au beau milieu du Texas, dans une vieille ferme. Le réalisateur de l’équipe contacte un vieil homme pour louer une grange aménagée, non loin de la maison du propriétaire réactionnaire et acariâtre, le Texas tout simplement.
Le tournage débute dans le secret le plus total, l’atmosphère enserre les personnages, fait de la propriété une geôle, révélant une étrange femme, bien décidée à inquiéter les lubriques locataires, de premiers regards silencieux dans l’obscurité jusqu’à un voyeurisme pénétrant, le cauchemar X est lancé.
Les espaces et cadres à travers lesquels Ti West organise son film nous frappent, et ce, dès les premiers plans, le film est hanté, habité par le spectre terrifiant des rednecks movies des années 70. Alors bien évidemment nous pensons fortement à Massacre à La Tronçonneuse, dont des pans entiers du film sont des copies, mais il y aussi l’ombre de films tels que Tourist Trap ou encore La Colline A Des Yeux. Il y a cette moiteur que nous ne retrouvons plus dans les productions modernes, ce climat inquiétant, où l’on voit le mal s’immiscer dans le moindre recoin de l’écran.
Il est fascinant d’observer à quel point Ti West parvient à retenir les atmosphères, à quel point il réussit à recréer tout en restant toujours inventif, tout en réussissant à apporter une touche qui n’appartient qu’à son cinéma. X en est d’ailleurs un parfait photogramme qui montre ses capacités ainsi que ses inhérentes limites.

Le Piège
Dès son ouverture, le projet du réalisateur américain est d’installer son film dans un espace temporel cinématographique, il intègre le long-métrage dans l’histoire du cinéma. Nous sommes à la fin des années 70, le cinéma hollywoodien classique s’est cassé la figure depuis bien longtemps, le nouvel Hollywood a repris la main, l’Europe flamboie au niveau du cinéma mondial qu’il s’agisse de La Nouvelle Vague en France ou encore du cinéma d’exploitation italien.
Le septième art, désormais, se vit et se créé en plein air, caméra à la main, mêlant cinéma fictionnel et expérimental. Une nouvelle voie d’expression est née.
Une nouvelle voie que X parvient très vite à s’approprier, avec son cameraman souhaitant révolutionner l’industrie du cinéma pornographique, en s’inspirant de ces mouvements viviers du cinéma international. Il est amusant de suivre le film de son point de vue de divertissement mais aussi de par les clins d’oeil cinéphiles que ne cesse de faire Ti West.
Une exhumation se joue celle d’un paysage cinématographique mais aussi ses coulisses. La plus grande force du film se joue d’ailleurs dans cet espace.
Dans cette configuration de cinéma excavateur, X ne parvient cependant pas à déterminer sa propre dynamique, son identité propre.
Le long-métrage se trouve être une parfaite représentation des défauts principaux de la production horrifique moderne, jouant sur une esthétique d’une époque du cinéma indépendant 70/80s d’effroi, de terreur, réussissant à créer des ambiances, quelques frissons et s’arrêtant néanmoins sur sa lancée, faute à un récit et un développement scénaristique d’une grande pauvreté, faute d’une réelle inventivité dans ses mécanismes narratifs.
Dans le cas du film de Ti West, au-delà du plaisir de retrouver des séquences horrifiques violentes et un érotisme latent, ainsi que quelques allusions bien senties, il est difficile de voir plus loin dans cette proposition qui ne survit que de par ses références et n’osant jamais dépasser une certaine limite. La proposition pourrait tant nous donner, tant nous briser, et se détourne tristement trop souvent du frisson, préférant jouer sur un cynisme conventionnel, et une stylisation qui exaltait dans son introduction, tournant vite à la nausée.
La terreur glaçante et absolue d’un Wolf Creek est bien loin.

All The Boys Love Mandy Lane
Malgré ses tares en matière d’originalité, de créativité, malgré ses difficultés à dépasser les limites de bienséance, à nous glacer de terreur, X a tout de même la capacité de nous divertir, de nous porter d’un bout à l’autre de son spectacle sans jamais nous lasser, Ti West ayant un certain sens du rythme, entre érotisme et horreur. Une combinaison qui est transcendée par son interprète principale Mia Goth, qui n’en est pas à notre premier ravissement rétinien, après Nymphomaniac, Suspiria et High Life. L’hypnose fonctionne et fait dépasser les défauts du film. Une performance flamboyante qui pousse à découvrir les suites pensées par Ti West reposant sur les traits de Mia Goth.
Un visage plein d’un étrange magnétisme à la fois inquiétant et enivrant qui n’est d’ailleurs pas le seul à nous emporter, tant les interventions de sa comparse Jenna Ortega, ex-actrice dans Jane The Virgin et nouveau visage du cinéma horrifique (Scream, Insidious 2, Studio 666), nous portent dans cet écrin bizarre, dissonant, et résolument taillé pour le cinéma d’exploitation.

Les Désaxées
Vendu comme la grande sensation horrifique de l’année, X réalisé par Ti West est un beau clin d’oeil à la période redneck de Tobe Hooper et un petit divertissement conviant horreur et érotisme comme nous n’en voyons que trop peu ces dernières années, restant cependant parfois trop dans ses carcans pour véritablement effrayer, conservant une certaine bienveillance, empêchant à l’oeuvre d’exploser et éclabousser nos rétines. Ti West construit un espace beaucoup trop ample, une coquille bien trop alléchante, qu’il ne parvient pas à remplir. X manque de consistance, et reste extrêmement fébrile dans ses sous-textes. X est un film qui aime se regarder. X sombre de par son égocentrisme.
Reste que le duo Mia Goth et Jenna Ortega nous marquera pour un petit moment, deux scream queens viennent de naître.