Réalisateur : Lukas Dhont |
Acteurs : Eden Dambrine, Gustav De Waele, Emilie Dequenne |
Genre : Drame |
Pays : Belgique, Pays-Bas, France |
Durée : 105 minutes |
Date de sortie : 2 novembre 2022 |
Synopsis : Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre…
C’est l’histoire d’un rendez-vous raté, d’une relation rêvée. Depuis 2018, les occasions furent nombreuses pour découvrir le cinéma de Lukas Dhont, et son premier film Girl. Nous étions à Cannes, ne pûmes entrer dans la salle, nous étions en vacances lors de sa diffusion cinéma, et depuis, chaque rencard pour ouvrir les yeux sur ce Girl qui a tant fait parler s’est soldé par une péripétie poussant à annuler notre première fois.
Encore aujourd’hui Girl n’a pu être visionné par nos soins, et nous espérions finalement entrer en contact avec le regard de Dhont avec son second film : Close. Une fois à Cannes, et pour des problèmes d’agenda, il fut impossible d’accéder à une séance, puis le jour de sa sortie, une épouvantable crève bloqua une nouvelle fois la possibilité de se rendre dans la salle obscure la plus proche. C’est donc déterminé, remis sur pied, deux semaines après sa sortie, que nous affrontions ce mesquin destin et poussions les portes du cinéma de quartier, pour détenir ce précieux sésame qu’est notre place pour Close.
Juste La Fin Du Monde
Léo et Rémi sont meilleurs amis et ont cette proximité fusionnelle qui fonde les amitiés éternelles. Un attachement peu ordinaire, si ce n’est miraculeux, qui ne peut être compris que par ceux qui le partage. De cette intimité hors normes, de ce lien extraordinaire, vont naître les commérages, les messes basses, et l’interprétation indiscrète de cette relation par les camarades de classe conduisant à une fracture, une incompréhension, une peur, celle des corps qui change, de la fin de l’insouciance, de la fin de l’innocence. Le regard des autres s’aiguise, blesse, poignarde. De l’incompréhension surgit l’abandon, de l’abandon s’extirpe la mort.
Pour ce second long-métrage, Lukas Dhont soigne son image, nous plonge dans un mélo-drame aux formes de documentaire, caméra à l’épaule, tout en gardant une image très lumineuse, particulièrement bien organisée, laissant d’ailleurs souvent, parfois trop, les cadres exprimer la psyché des protagonistes. L’oeuvre du directeur de la photographie, Frank van den Eeden, est la grande force du film, nous aspirant à travers un travail des couleurs qui enivre et porte d’un bout à l’autre de l’oeuvre. Les environnements nuancent les émotions des champs de fleurs tantôt battus, tantôt aimés, par les saisons, au terrain de hockey sur glace, rugueux espace de confrontation.
Lukas Dhont fait ainsi avancer le récit par de longs intermèdes reposant sur la gestuelle et la position des corps les uns par rapport aux autres, ballet incessant, tout au long d’une année, marquant la transformation de l’enfant à l’adolescent, de ses espoirs à sa désolation, de sa perdition à sa résurrection. Le cinéaste travaille le deuil et le sentiment de culpabilité à travers la répétition du quotidien, s’ouvre alors face à nous un questionnement autour du temps, où scènes de vie sont entrecoupées par des rituels hebdomadaires, observatoire humain.

Tant Qu’Il Y Aura Des Hommes
Close réussit à porter des questionnements pertinents autour de l’amitié et de la masculinité. Le film invite à penser la perception qu’a la société, et donc la population, d’une amitié entre garçons, demandant de la combativité, de la confrontation mais surtout et avant tout la nécessité de nourrir une certaine virilité. Dhont touche alors un véritable fait de société, une machine à créer des individus où la tendresse ne peut être partagée entre garçons, entre hommes, faute à une nécessité de compétition entre eux, d’une camaraderie toute en puissance, où sensibilité ne peut trouver place.
De cette interrogation toute aussi intrigante qu’effrayante, le cinéaste ne fait malheureusement rien, à l’exception d’ouvrir des chemins évidents, ne nourrissant que très peu la réflexion et se cachant très rapidement vers la répétition des gestes du quotidien, de leurs variations, pour apporter une vision finalement très généraliste où le semblant d’onirisme devient une fumisterie, essayant coûte que coûte de nos arracher des larmes avec des rebondissements narratifs tous plus pathos et atterants les uns que les autres.
A la fin de la première demi-heure, d’une belle maîtrise, nous nous retrouvons à nous débattre dans la fange pour garder éveiller notre intérêt pour ce récit qui laisse de marbre, là où il aurait dû susciter l’émotion et l’introspection.

La Guerre Est Déclarée
Au-delà de ce problème de vide philosophique, et bien que les acteurs, tentent de convaincre, les émotions ne transparaissent pas et le film que nous espérions ne décolle absolument pas, plus. L’ennui ne pointe cependant pas le bout de son nez tant nous passons la durée du film à réfléchir à ce naufrage qui prend forme sous nos yeux, tant nous essayons de comprendre comment les thématiques abordées ont-elles pu prendre une direction si froide et désolante.
Nous décortiquons alors un film qui en voulant passer par son visuel léché, souhaitant faire naître la pensée de par une expérimentation des corps et des saisons, face au deuil et à la renaissance, ne nous donne qu’une oeuvre égocentrique, qui veut être aimée, sans jamais nous impliquer.

L’Illusioniste
Close, réalisé par Lukas Dhont, est une sacrée désillusion, qui malgré les interrogations passionnantes qu’elle soulève, nous laisse pantois, sans jamais apporter de réflexions profondes, tant dans ses expérimentations visuelles que narratives, tant dans ses dialogues que dans ses regards. Le second long-métrage du cinéaste joue de sa splendide photographie, espérant jouer d’hypnose, et nous administre un cheminement humain convenu, nous plongeant dans l’incompréhension face à ce Grand Prix 2022 du Festival de Cannes.